Fyctia

Cet après-midi là, je me rends chez le fleuriste, acheter un bouquet de lilas et je vais au cimetière. J’ai besoin de parler à mon frère. Enfin, parler est un bien grand mot. Parler avec un mort.

Je m’agenouille devant sa tombe, malgré la neige qui traverse mon jean, et entreprend de déneiger sa tombe. Je nettoie le contour, enlève la terre qu’il y a dessus, jette le vieux bouquet et y place le nouveau dans le vase.

— Mat, qu’est-ce que t’aurais fait, toi ? Pour Noël ? Qu’est-ce que ça aurait été ton cadeau, pour moi ? Sûrement comme tous les ans, un pot de chocolat avec un billet pour un concert.

Je ris.

— J’ai accepté de passer Noël avec maman et papa, tu sais. Je sais pas trop pourquoi. Je ne veux pas le faire pourtant. Le 6 janvier, c’est le jour où tu nous as quittés, et je veux l’honorer. Alors, fêter Noël, c’est impossible. Et pourtant, j’ai accepté. Je sais pas ce qui m’a pris.

Je hausse les épaules.

— Peut-être que je m’y suis vraiment mis, à la philosophie, comme tu me le conseillais. Peut-être que j’ai voulu essayer de ne plus vivre dans le passé. Mais je ne veux pas t’oublier. T’es tout pour moi. Tout. Et j’ai beau paraitre heureuse avec mes collègues, dans la rue, partout, en fait, je le suis pas. Ton souvenir me hante constamment. Je suis persuadée d’avoir manqué un élément, que j’aurais pu te sauver si je l’avais vu.

Une larme coule. Je ne l’essuie pas.

— Oh, Mat, je t’en prie, juste un signe que tu m’entends, que tu veilles sur moi. Juste un signe que je peux avancer, mais que je ne t’oublierai pas. S’il te plaît. C’est trop lourd à porter, je suis plus capable. Plus capable du tout.

La neige se calme peu à peu. Est-ce le signe demandé ?

— D’ailleurs, tout à l’heure, j’ai vu un homme. Je crois que je le connais. Mais je sais pas d’où. Je devrais le chercher. Mais, et si c’était une mauvaise idée ? Et si je le regrettais ? Qu’est-ce que tu en penses, toi qui veilles sur moi de tout là-haut ? Qu’est-ce que tu vois depuis ta nouvelle maison ?

Je m’assois contre sa tombe, la tête posée dessus et ferme les yeux. Parfois, j’aimerais que le temps s’arrête et que je reste ici, à tout jamais. Mais à chaque fois, mes membres frigorifiés se plaignent et je me lève pour repartir. Alors, je rentre chez moi, les mains dans les poches, les larmes me brûlant les yeux.

Quelques minutes plus tard, le soleil perce à travers les nuages, et il se reflète contre un coin de la photo posée sur sa tombe. Je l’aurais vu si j’éta

is restée. J’aurais vu ce signe que j’espérais.