Fyctia

Il me pousse sur la balançoire, je ris aux éclats et monte toujours toujours plus haut.

— Stop, Matveï, stooooop, je crie.

Il intercepte la balançoire et me prend dans ses bras en riant.

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— Plus viiite Mat !

Sur le vélo, mon frère pédale de plus en plus vite, la sueur coulant sur son front. Au loin, on peut apercevoir une descente et je crie tout au long.

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Je pleure, je pleure, je pleure. Mon genou me fait mal, il est tout égratigné. Il me pique, il me fait mal. Je pleure, je pleure, je pleure. Dans la salle de bain, il n’y a que le petit pot de désinfectant qui attend que quelqu’un appuie dessus. Et ce quelqu’un ne sera pas moi.

Matveï arrive avec un mouchoir et s’assoit à côté de moi. Il prend le pot et je me contracte lorsque le produit touche mon genou. Ça pique ! Il me colle un pansement dessus et je lui saute dans les bras.

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Concentrée, je tente de réussir à gagner au Russian Roulette. Mais j’ai beau poser les bonnes cartes, Matveï gagne. Je jette mes cartes et fais la moue. Comme toujours, je perds. Et comme toujours, il gagne. J’ai essayé plusieurs fois, mais je n’ai pas réussi à gagner au jeu, même en trichant.

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— T’en penses quoi de cette chemise, pour Noël ? me demande-t-il en se regardant dans le miroir du magasin.

— J’adore, ça fait ressortir tes yeux noisette !

Je me réveille en sursaut. Les cauchemars ont fait place, cette nuit, à de beaux souvenirs. Ce dernier était le dernier Noël qu’il passait en notre compagnie. Cela fait cinq ans qu’il n’est plus. Depuis cinq ans, je ne célèbre plus cette fête que j’ai associée à la mort et au deuil. Cela fait cinq ans pile aujourd’hui qu’il a acheté la chemise qu’il aurait dû porter ce soir-là. Je crois qu’elle est encore dans un carton que je n’ai pas osé ouvrir. Lors de mon déménagement, j’ai emporté beaucoup d’affaires de Matveï. C’était une façon pour moi, je croyais, de me rattacher à lui et de ne pas l’oublier, d’honorer sa mémoire en faisant en sorte qu’elles ne soient pas vendues ni jetées. Et pourtant, en arrivant ici, je n’ai pas eu le courage de toucher à ce carton, préférant le laisser en haut d’un placard. Je refusais de toucher à ses affaires, elles qui portaient encore les traces de sa vie et non de sa mort, elles qui lui avaient jadis appartenues, elles qui sont tout pour moi et qui étaient de même pour lui. Une peluche. Une chemise. Un carnet de notes. Un téléphone. Une photo de famille. Ces bulletins. Ces cadeaux d’anniversaire. Les dessins que je lui faisais, plus jeune. Tout ça est hors de ma portée. Alors, ils prennent la poussière dans un placard, en attendant qu’un jour, j’arrive à l’attraper et à vider son contenu.

Je me lève, on est samedi matin. Je me prépare un petit déjeuner rapide et m’installe à table, devant mon ordinateur, pour écrire l’appréciation du roman que j’ai lu. J’envoie un courriel au directeur d’édition et me détends. On est le weekend. La semaine est finie. Les contacts sociaux ne seront obligés que tout à l’heure, pour aller chercher de quoi remplir mon réfrigérateur. Ça ne sert à rien de se préparer pour Noël, ce sera une journée normale, comme tous les jours. Aucune famille réunie, aucun repas festif. Rien.

Soudain, une sonnerie me sort de ma torpeur. Je sursaute et retourne mon téléphone pour voir qui m’appelle à cette heure-ci.

Maman.

Mon cœur rate un battement.

Maman.

Cela fait cinq ans qu’on ne s’est pas appelé.

Maman.

Cette femme qui m’a donné la vie, mais qui n’a jamais été là pour m’épauler dans le décès de mon frère.

Maman.

Cette femme à laquelle je voulais ressembler, jadis.

Maman.

L’appel s’arrête.

Je respire.

Elle me rappelle.

Maman.

Dois-je décrocher ?

Maman.

Devrais-je ignorer son appel ?

Maman.

Maman.

Ma main tremble au-dessus du bouton vert. Elle alterne.

Rouge.

Vert.

Je raccroche ?

Je décroche ?