Naelly2023 Моя любовь, je me rappelle de toi Chapitre 1° Valentina

Chapitre 1° Valentina

Son front est chaud. Chaud bouillant. La sueur coule le long de son visage. Et de ses bras. Et de son torse. Il transpire abondamment, comme s’il courait un marathon. Il suffoque. Il suffoque, il est en manque d’air. Il se tortille sur le fin matelas en lin. Il bouge, se débat contre une menace invisible. Il se bat contre une maladie incurable qui pourrait l’emporter à tout moment. Il ne peut rien y faire. Personne ne peut l’aider. C’est une épreuve fatale. Les larmes coulent sur les joues.


Sur mes joues.


C’est moi qui suis à son chevet. La douleur me transperce. Je prie matin et soir. Je voudrais tant que ce soit moi qui ai cette maladie et non lui. Pas mon frère. Pas mon grand frère. Pas celui qui m’épaule depuis toujours. Pas celui à qui je me confie.


De rage, de désespoir, d’amour, je m’endors à ses côtés, épuisée. Et lorsque je me réveille, je hurle.


Le hurlement résonne dans la maison vide. Je me réveille en sursaut, le cœur battant à cent à l’heure, la sueur coulant le long du dos.


C’était un cauchemar, Valentina. Juste un cauchemar.


Je tente de retrouver mon sang-froid. Ce souvenir me hante, il me poursuit inlassablement, toutes les nuits, et même parfois pendant la journée. Je vois son visage partout, des gens inconnus qui prennent ses traits, des images qui lui ressemblent, des descriptions… Il vit par moi. Et je ne peux plus avancer. Je reste accrochée au passé, j’ai peur de ce qu’il pourrait advenir si je me laissais porter par le présent. Je ne peux pas oublier mon frère, je n’ai pas le droit. Alors, si le prix à payer pour conserver son image ancrée en moi est de subir ce cauchemar, je tiendrai le coup. Je le subirais 24 heures sur 24, si ça pouvait le ramener à la vie. Je mourrai à sa place si cela signifie qu’il serait là.


Je me lève, les jambes tremblantes. Incapable de supporter plus longtemps l’obscurité de la pièce, j’appuie sur l’interrupteur et regarde l’horloge. 5 h 48. Je soupire et tire les rideaux, laissant la clarté de l’extérieur entrer dans mon chez-moi. Il me faut me préparer pour aller travailler.


Je sors de mon armoire une jupe rouge bordeaux, accompagné de collants noirs et d’un chemisier blanc. Le professionnalisme avant tout. Les éditions Mir sont devenues mon lieu de travail à temps plein. Je suis engagée depuis maintenant un an et demi, et le patron attend de ses employés un professionnalisme parfait.


J’attache mes cheveux blond cendré en un chignon décoiffé et cache mes cernes rapidement. Mes collègues n’ont pas à savoir que je vis encore dans le passé. En fait, je ne veux pas qu’ils me connaissent plus que le strict minimum. Je préfère rester… Mystérieuse, on peut dire ça. Ma vie n’est pas un sujet de roman fantastique ou policier.


Je regarde par la fenêtre les flocons tomber centaine par centaine, les voitures activer leurs essuie-glaces, les trottoirs se recouvrir peu à peu de neige. Je soupire. Tout semble si simple pour tant de monde. Tu vis ta vie à ta manière, en prenant soin de toi et de ta famille, en sortant avec tes amis et en étant heureux. Alors, pourquoi pas moi ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas revenir dans le présent ? Pourquoi vis-je dans le passé ? Pourquoi n’ai-je pas de relations aussi bien amicales, familiales et amoureuses ? Bon, OK, je connais la réponse pour cette dernière : je refuse tout contact social. La seule chose qui comptait pour moi était mon pilier. Et ce pilier, c’était mon frère. Après son départ, mon cœur s’est brisé et s’est fermé. J’ai coupé les ponts avec ma famille. Cela doit bien faire cinq ans que je n’ai pas reçu un seul de leurs messages, le dernier étant un de ma mère qui me demandait de passer Noël avec eux. Non. Cette fête a attiré le malheur. Cette fête a été la mort de mon frère. Comment peut-on participer à des fêtes, s’amuser et vivre normalement, alors qu’une personne est décédée le même jour ? Je préfère aller sur sa tombe et me recueillir. Je préfère rester seule avec mes pensées et mes larmes. Mes amies, j’ai aussi coupé les ponts. Elles ne comprenaient pas ma douleur. Elles ne comprenaient pas que je reste attachée à son souvenir. Elles ne comprenaient pas que je ne veuille pas croire qu’il soit parti pour de bon. Et pour ce qui est de l’amour… Je n’en sais trop rien. J’ai mis fin à ma précédente relation après qu’il soit parti combattre. Ai-je mis fin à notre relation ? Non, pas vraiment. Je suis juste… Partie. Encore une fois, j’ai coupé les ponts. J’ai changé de numéro de téléphone. J’ai déménagé. Je n’ai donc plus aucune nouvelle. Mais, lui, il doit avoir refait sa vie. Après tout, charmeur comme il est, il est passé à autre chose, il a une femme, il est marié et doit être père à l’heure qu’il est. Le passé me ronge de l’intérieur, je le sais, mais que puis-je y faire ? Oublier et vivre dans le présent ? Devenir une autre personne ? Oublier les morts et ceux qui nous ont tout appris ?


Je sors dans l’air froid de Moskova. Je suis née à Saint-Pétersbourg, mais suite au drame, j’ai déménagé. Loin de tous ceux qui m’ont connu, de près ou de loin. J’allume directement le chauffage de ma voiture et me dirige en fonction de mon lieu de travail. Encore une journée qui s’annonce remplie. Je bosse dur chaque jour, méritant le salaire que je gagne. Ce n’est ni le plus élevé ni le plus bas, il me convient, pour moi seule, mais heureusement que je ne vis pas avec un mari et des enfants. Nous serions déjà dans la rue depuis longtemps.


Je me gare devant les Éditions Mir et sors de la voiture, pour me mettre rapidement au chaud dans le bâtiment. Les premiers rayons du soleil commencent à percer les nuages, réchauffant légèrement mes doigts engourdis.


Dès que j’entre, j’ai droit à des sourires polis que je retourne. Lorsque je m’installe derrière mon bureau, trois enveloppes m’attendent déjà. Trois manuscrits à lire et envoyer s’ils sont bons, au directeur d’édition. Trois manuscrits en deux semaines.


Je me plonge dans le premier, sans tarder.


Цепляясь за прошлое¹.




¹Accrochée au passé.

Tu as aimé ce chapitre ?

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.