Fyctia
En tenue d'Adam
Pas de pantalon, pas de short… pas même une feuille de vigne pour cacher leurs attributs sexuels ! Les paquets sont à l’air libre et, somme toute, heureux de l’être !
Je suis paralysée. Impossible pour moi de rassembler mes idées.
Voyant que le réceptionniste est hilare derrière moi, je me penche vers lui et essaie de murmurer pour ne pas être entendue :
— Je ne suis pas la seule à les voir nus, n’est-ce pas ?
— Oh ! ça, non !
Des ricanements me parviennent depuis l’entrée. Les trois Apollons ont l’air de bien se marrer.
— Ce n’est pas normal, ça, dis-je en faisant un geste de la main sans oser regarder derrière moi.
— Au contraire, ma p’tite. Vous êtes dans un camping naturiste, ici.
Mon sang ne fait qu’un tour.
— Natu-quoi ? hurlé-je, hystérique.
— Naturiste, madame. Personne ne vous a prévenue ?
Je me fige, rentre mon cou dans mes épaules et sens mon œil tressauter de rage. J’ai l’impression que je vais me transformer en Taz. Vous savez, le diable de Tasmanie issu d’un cartoon Warner. Comme ça, je pourrai tout détruire autour de moi, en commençant par Jo et Mamilie.
Malgré toute la colère qui bout dans mes veines, je parviens à entendre le bruit des tongs qui se rapprochent de moi. Du coin de l’œil, je vois apparaître un bras, tatoué d’un serpent noir, se poser nonchalamment sur le comptoir.
Non, mais il se croit où, celui-là… Dans un bar ? Il n’a pas remarqué que le comptoir était déjà occupé ?
Du regard, je suis le reptile qui longe son épaule et va se perdre derrière son cou musclé. Ce Néandertalien me donne des frissons. Il a le regard aussi sombre que ses cheveux, eux-mêmes coupés court sur son crâne. Il doit mesurer au moins deux mètres.
Voyant que je le scrute allégrement, Monsieur en fait de même, un sourire moqueur au coin des lèvres. Je me fais l’effet d’une gamine devant ce géant, avec mon mètre cinquante-six.
— Vous permettez que je sorte un instant ? demandé-je au réceptionniste. Il faut que j’aie une conversation avec ma grand-mère.
Entendez par là que je vais la massacrer. La vider de son sang. Éclater sa peau. Et faire en sorte que ses viscères se répandent un peu partout sur le sol de ce camping de tout-nus. Oui… à ce point !
Fred me sourit, compréhensif.
— Allez-y, je vous attends.
Je lui rends un sourire coincé, puis me retourne brusquement. J’avais presque oublié la bande d’hommes des cavernes. Je me mets de profil pour tenter une percée dans cette marée de chair, mais étant donné l’espace restreint qu’il y a entre les deux murs humains, je suis obligée de m’adresser à eux directement.
— Excusez-moi, je voudrais sortir.
— Et le mot magique ? réclame l’homme-reptile.
Espèce de petit…
— S'il vous plaît, dis-je en grinçant des dents.
C’est automatique : ils s’écartent d’un pas et me laissent passer en direction de la porte. Je me jette à l’extérieur telle une baudroie[1] sur sa proie.
Maman et Mamilie se trouvent à l’extérieur de la voiture. Elles discutent à voix basse, l’air concentré. Quand elles me repèrent, leurs visages se décomposent.
Je pointe un doigt accusateur vers elles.
— Je vais vous tuer !
Aussitôt, les deux comploteuses contournent la voiture et se mettent hors de portée de ma fureur.
— Si nous te l’avions dit avant, tu ne serais pas venue.
Je savais qu’il y avait quelque chose de pas net dans cette histoire !
— Tu t’imaginais quoi en réservant ici, au juste ? demandé-je à ma grand-mère. Que Céline et moi allions nous épanouir au milieu de quéquettes et de seins qui pendent ? Que j’allais m’étaler à poil devant tout le monde sans rien dire ?
Eva et Jo tournent autour de la voiture, m’obligeant ainsi à leur courir après.
— Pourquoi as-tu fait ça ? insisté-je. Je ne suis pas une fichue naturiste !
Je hurle en levant les bras au ciel.
— Toi, non ! Mais moi, oui !
Je m’arrête net.
— Tu te fous de moi ?
Ma mère intervient alors :
— Mamilie et papi ont toujours été naturistes. Petite, j’ai passé mes vacances dans ce genre de camping. On s’est dit que cela te ferait du bien de partager nos souvenirs et notre mode de vie en venant ici. Tu verras, ce n’est pas si horrible. Tu t’y feras.
J’ai envie de les étriper. Elles viennent de me gâcher mes vacances.
— Maman, pourquoi tu cries ?
La voix douce et ensommeillée de ma petite Céline parvient à faire redescendre la pression… pour un temps. Que lui répondre ? Que nous repartons parce que nos deux vieilles ont réservé un séjour de deux mois dans un camping de culs nus ? Et que je ne suis absolument pas cul nu et ne compte pas le devenir ?
Ma puce sort de la voiture et regarde autour d’elle, son doudou coincé sous le bras.
— C’est joli. On va habiter où ? Et la tente, c’est quand qu’on la fabrique ? Je peux aller voir la piscine ?
Mon cœur se brise en mille morceaux à l’idée de la décevoir.
— Écoute, ma chérie, dis-je en me baissant à sa hauteur. Il y a un petit problème avec la location. Je ne sais pas si nous allons pouvoir rester.
Je n’ai pas fini ma phrase que ses yeux se remplissent de larmes. Mon cœur se serre. C’est une chose de gâcher mes vacances, mais c'en est une autre de gâcher celles de ma fille.
Je la prends dans les bras pour la serrer contre moi.
— Ne pleure pas, mon bébé, ce n’est rien du tout. Nous allons régler ce problème vite fait, bien fait.
Après le câlin de consolation, je me redresse et fais face à mes deux adolescentes de plus de 50 ans.
— Il va falloir trouver une solution, et vite ! Il est hors de question que vous pourrissiez l’été de Céline !
Ma mère ricane comme une hyène.
— Et comment veux-tu régler le problème ? À cette heure, tous les campings des alentours sont pleins. Et puis, ce n’est pas un drame, tu n’auras qu’à rester habillée ! Tu l’as dit toi-même, ce camping est parfait. Ce n’est pas un cul ou deux qui vont te tuer.
Je bouillonne. Il est presque dix-huit heures, et je ne me sens pas le courage de faire la route en sens inverse. Je ne me vois pas non plus décevoir ma fille. La fatigue me fait flancher, et le regard de merlan frit de Céline finit de m’achever.
C’est d’une voix ferme de directrice de maison de redressement que je déclare :
— OK. Tout le monde me suit à la réception. De toute façon, pour ce soir, c’est râpé. Demain, nous mettrons les choses au clair. Vous avez intérêt à trouver une solution parce qu’il est hors de question de rester ici deux mois.
Les visages de Jo et Eva se détendent.
Je prends Céline dans mes bras et file en direction de l’accueil.
— Eva et Jo, vous n’avez pas intérêt à la ramener !
Je les entends qui trottinent derrière moi.
— Tu ne m’appelles plus maman ? demande Jocelyne d’une voix triste.
— Je suis trop fâchée pour ça. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il faut absolument que je m’en aille. Vos manigances incessantes m’épuisent.
Courageusement, Eva vient se poster à côté de moi.
— Nous t’aimons et voulons juste ton bonheur.
Je m’arrête subitement et lui lance un regard noir.
— Tu crois qu’un camping naturiste va m’apporter le bonheur ? Vous êtes de sacrées égoïstes, toutes les deux ! Vous ne pensez qu’à vous, tout le temps. Les autres, vous vous en fichez complètement.
Ma mère se tord les mains dans tous les sens. Je la sens peinée.
— Ne dis pas ça, ma chérie. Nous ne pensions pas à mal. Je voulais juste te faire vivre les mêmes vacances que je passais ici, enfant. J’en garde un très bon souvenir.
Je ferme les yeux, par désespoir.
— Dans ce cas, un camping classique aurait très bien fait l’affaire. Ce n’est pas parce qu’on a les seins et les fesses à l’air que l’été sera nécessairement meilleur.
Eva dodeline de la tête.
— Tu verras, ma chérie, je suis sûre que tu vas aimer cet endroit. Tu vas ressentir le bonheur d’être libre. Ton grand-père était un homme transformé quand il était tout nu. Il redevenait lui-même : simple et naturel.
Eh bien, heureusement qu’il n’est plus de ce monde pour me montrer la voie du naturisme ! Rien que d’imaginer mon papi nu, j’en ai des sueurs froides. Je ne sais pas comment je vais supporter de voir Jo et Eva ainsi sans mourir foudroyée sur place.
Je soupire.
Pourquoi je n’arrive jamais à être en colère plus de cinq minutes contre elles ?
— Je ne veux plus en parler ce soir. Je suis trop fatiguée pour ça. Allons régler la paperasse et nous coucher.
Fred, le réceptionniste, nous accueille avec le même sourire chaleureux qu’il m’a servi quelques minutes plus tôt. Il a posé les papiers de notre réservation sur le comptoir de sorte que ce soit à nous de faire le choix de rester. Et heureusement, les culs nus sont partis.
Après avoir choisi un emplacement assez éloigné de la foule mais tout de même proche des jeux pour enfants, les consignes nous sont données. Enfin, à ma mère, surtout. Depuis notre entrée, elle et Fred ne se quittent pas des yeux. Cela en devient presque gênant.
Pour résumer les règles : la nudité est obligatoire à l’intérieur du camp et plus particulièrement à la piscine, où aucune exception n’est tolérée. Chouette, n’est-ce pas ?
Je repose Céline pour qu’elle explore les lieux et me mets à pouffer, malgré moi.
— Ne me dites pas que vous avez une police du cul nu qui surveille si tous les clients ont bien sorti la marchandise ?
— Pas de police, non. Mais le personnel du camping veille. Et si vous étiez amenée à transgresser l’une de nos règles, les sanctions pourraient être très sévères.
Des images de fouet et de roue de la torture me viennent à l’esprit.
— Vous avez prévu des cachots pour les récalcitrants ?
Il me sourit d’un air indulgent.
— Non, jeune fille. Mais nous pouvons tout à fait annuler votre réservation.
Je lève les yeux au ciel.
— Si vous croyez que ce genre d’argument peut me freiner… De toute façon, on ne va pas rester ici bien longtemps. Ce n’est pas contre vous ou le camping, mais je ne suis pas naturiste. Alors, vos règles, je risque d’avoir du mal à les respecter.
Après cette dernière phrase, ma mère décide de voler au secours du réceptionniste en détresse. Parce que, oui, sa fille, elle s’en bat le coquillard.
— Ne vous inquiétez pas, Fred… Je peux vous appeler Fred ? Ma petite Aline va respecter toutes les règles du camping durant notre séjour ici. Elle ne vous causera aucun souci. J’y veillerai.
— Vous êtes sa mère ? s’étonne-t-il en posant une main sur son cœur. Je pensais que vous étiez sœurs !
La drague d’éléphant…
— Hé non, je suis sa maman ! Et je suis même grand-mère. Regardez comme ma petite-fille Céline est mignonne.
Elle désigne ma puce du doigt avant de passer une main dans sa masse de cheveux blond platine et de battre des cils.
Ce genre de tactique fonctionne-t-elle toujours avec les hommes ? À voir la tête du pauvre Fred, je crois bien que oui.
Je suis persuadée que si je me mettais à tortiller des fesses et à secouer mes cheveux devant l’homme-reptile de tout à l’heure, cela ne lui ferait pas le moindre effet.
Attendez un peu… Pourquoi est-ce que le tatoué aux cuisses galbées m’est venu en tête à cet instant précis ? Pourquoi pas Nathan ? C’est la première fois depuis longtemps que je pense à un autre homme que mon mari. J’en suis toute bouleversée.
— Bon, haussé-je la voix, ce n’est pas que l’on s’ennuie, mais il faut encore dîner et monter nos tentes, alors allons-y.
Eva, restée en retrait jusque-là, fait un pas en avant.
— Elle a raison, la petite. Je commence à fatiguer.
Ma mère secoue la tête, récupère les papiers de notre réservation et lance un sourire éblouissant à Fred.
— Bien, nous y allons, alors. À bientôt, j’espère !
Le réceptionniste fait un salut militaire.
— Je suis ici tous les jours, fidèle au poste !
— Super, Fred ! Alors, on vous laisse. À demain !
Je me dirige vers la sortie d’un pas rapide, suivie de près par Mamilie et Céline. Jo, elle, reste scotchée à sa nouvelle conquête.
— Maman, il y a une tente à monter.
Elle soupire d’une façon très sexy, puis se retourne en ondulant de tout son corps de sorte que Fred ait une vue imprenable sur son popotin.
— J’arrive, ma chérie.
1. Poisson vivant sur les côtes de l’Europe, aussi appelé « diable » ou « crapaud de mer ».
10 commentaires
FeizaBabouche
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Il y a 7 ans
Jeanne F.
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Il y a 7 ans
paul geister
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Il y a 7 ans
Jeanne F.
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Il y a 7 ans
Ambre_Lst
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Il y a 7 ans
Ambre_Lst
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Il y a 7 ans
Jeanne F.
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Il y a 7 ans
Anaïs M x Cindy C
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Il y a 7 ans
Jeanne F.
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Il y a 7 ans
Lili CL MARGUERITE
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Il y a 7 ans