Jeanne F. Roulez jeunesse ! Mamies farceuses

Mamies farceuses

Alors que Mamilie, Jo et Céline se mettent en marche vers le lieu où nous allons dormir ce soir, je reprends la voiture, passe la barrière de sécurité et entre dans le camping à petite vitesse. Autour de moi, des tentes, caravanes et camping-cars attendent le retour de leurs propriétaires, probablement encore à la plage. J’essaye du mieux que je peux d’éviter de croiser le regard des quelques campeurs présents sur place. Mais malgré moi, j’aperçois des culs nus du coin de l’œil, et cela me met mal à l’aise. Je ne sais pas comment je vais pouvoir gérer tout ça.

L’emplacement qui nous a été attribué me semble parfait. Nous avons vue sur l’étang, et plus loin, il y a la mer. Les pins au-dessus de nous vont pouvoir nous assurer l’ombre pour les journées chaudes, si tant est que nous restions… Autre point positif : les places à côté de la nôtre sont vides. Seul l’emplacement d’en face est occupé par deux tentes et du matériel de sport aquatique.

En traversant le camping, j’ai pu remarquer que sa population était plutôt d’un certain âge. Plusieurs octogénaires m’ont saluée, un grand sourire aux lèvres. Qui sait, Mamilie va peut-être pouvoir se faire quelques amis ici et enfin me lâcher la grappe !

En retrait des tentes et autres installations des vacanciers, j’ai également découvert des terrains de tennis, de foot et de basket, des tables de ping-pong et, surtout, un espace de jeux réservé aux enfants. Céline est d’ailleurs actuellement juchée en haut d’un toboggan, le sourire aux lèvres.

Je l’observe de loin, adossée contre le coffre de notre véhicule.

— Aline chérie, m’interpelle Jo d’une voix mielleuse, que dirais-tu d’une petite demi-heure à la piscine ? Histoire de nous rafraîchir avant la tombée de la nuit.

Elle me donne un léger coup de hanche pour que je me décale et récupère tout un tas d’affaires à l’arrière de la voiture.

— Sans façon, merci. Il est hors de question que je me baigne à poil.

Mamilie passe devant moi pour rejoindre ma mère.

— Tu fais des chichis pour rien, ma petite. Tout le monde est nu, ici.

De toute évidence, elles ne se rendent pas compte de la situation dans laquelle elles m’ont mise. Je m’apprête à leur expliquer en quoi la nudité me met mal à l’aise quand je les vois subitement se déshabiller de la tête aux pieds, poser leurs affaires sur le tas de pagaille entassé dans le coffre, puis se retourner ensemble, un sourire béat sur le visage.

— Enfin libre et sans entrave ! s’écrie Jo.

L’image qui s’offre à moi n’est pas inédite puisque nous vivons sous le même toit toutes les trois et qu’il m’est arrivé plusieurs fois de les voir ainsi. Mais cela n’avait encore jamais eu lieu dans un environnement extérieur. Jamais. Tout est anormal, ici !

— Nous emmenons la petite. Patauger dans l’eau lui fera du bien. Tu es sûre que tu ne veux pas te joindre à nous ?

Ma pauvre Céline va devoir subir cette vision d’horreur toute la soirée…

Je secoue frénétiquement la tête.

— Je reste ici. Je vais commencer à déballer nos affaires.

En toute sincérité, je ne pense pas être un jour capable de me mettre nue comme elles l’ont fait. Je ne suis pas quelqu’un d’ultra pudique, mais depuis ma plus tendre enfance, on m'a toujours appris qu’en public, il fallait mettre une culotte, un soutien-gorge, des chaussettes et tout ce qui va par-dessus. Vous m’excuserez donc si un virage tel que celui-ci est difficile à prendre.

Ma mère, nullement gênée, prend son sac de plage sous le bras puis se dirige vers le terrain de jeux pour récupérer Céline, les fesses se balançant au gré de ses pas.

— Tu sais, mon poussin, intervient Mamilie, je pense que tu t’infliges trop de règles dans ta petite tête. Tu veux toujours que tout soit parfait. Et depuis la mort de Nathan, c’est pire. Tu devrais te laisser aller, de temps en temps. Comme hier, quand tu as saccagé la salle de cet idiot de dentiste ! La vie est trop courte pour que tu te pollues la tête et le cœur avec toutes ces barrières.

Je rêve ou je viens de me faire traiter de coincée du popotin par ma grand-mère de 70 ans ?

— Tu voudrais que je sois comme maman ? La jupe relevée à tout bout de champ et pour tout le monde ? Ou bien comme toi, qui cherches encore le frisson ultime passé l’âge de la retraite ? J’ai une fille à élever, je vous rappelle ! Je veux qu’elle soit heureuse et épanouie, non pas triste et effrayée.

Ma grand-mère pince ses lèvres, et son regard se fait plus dur.

— Mais qu’est-ce que tu t’imagines, Aline ? Que je vais attendre la mort sagement assise dans un fauteuil, comme toutes les vieilles peaux de mon âge ? Je veux profiter de la vie jusqu’au bout, moi ! Et tu devrais en faire autant. Quant à ta fille, laisse-la vivre un peu et arrête d’être toujours sur son dos. Tu vas finir par l’étouffer ! Pour ta mère, c’est encore une autre histoire… Je ne te demande pas de lui ressembler, mais un peu de sexe dans ta vie te ferait le plus grand bien, à mon sens. Sur ce, je te laisse et vais risquer ma vie à la piscine !

Mamilie claque les talons et s’en va d’un pas digne. Si on oublie le fait qu’elle est nue…

Je me sens tout à coup coupable de lui avoir parlé ainsi. J’aimerais la rattraper et lui dire que, bien sûr que non, je ne veux pas qu’elle attende la mort dans son fauteuil. Mais il faut qu’elle comprenne aussi que ce n’est pas en me mettant à poil que je vais changer ma vie à tout jamais. Avoir les seins à l’air me fera peut-être du bien, mais je serai toujours veuve et maman d’une petite fille à qui le papa manque et dont je suis incapable de combler le vide ! J’ai l’impression que sa disparition est en train de me tuer à petit feu.

Et merde. Je sens une nouvelle crise d’angoisse arriver. Il faut que je me change les idées, et vite, si je ne veux pas péter les plombs une fois de plus. Je me tourne alors vers le coffre de la voiture et commence à en sortir le maximum d’affaires. Après une dizaine de minutes à crapahuter, je me liquéfie. Devant moi se trouve une tente en pièces détachées. Où est passée celle qui se monte toute seule et dont on voit la pub partout à la télé ? Celle-ci est en toile orange, doublée d’un intérieur couvert de grosses fleurs marron. C’est ça, la tente de papi ? Tu parles, je suis sûre qu’ils ont déjà dû l’acheter d’occasion, à l’époque. Ce tas de tissu doit probablement dater des premiers congés payés !

À vrai dire, il semblerait que toutes nos affaires viennent d’un autre temps : la table de camping dépliable en formica, la petite armoire en toile et la vaisselle assortie aux couleurs de la tente. J’ai l’impression d’avoir fait un bond en arrière de quelques années.

Dans un premier temps, je classe tous les piquets par taille, bien à plat par terre. Puis, je me poste devant cet amas de ferraille et réfléchis intensément. Je ne sens pas du tout le truc. Perdue dans mes tergiversations, ce n’est qu’après de longues secondes que je remarque que des gens s’approchent derrière moi. Les voisins d’en face sont de retour. Je me penche discrètement pour leur jeter un coup d’œil et manque de crier en reconnaissant l’homme-reptile et sa clique de culs nus.

Enfer et damnation !

Il a fallu que l’on m’assigne cet emplacement parmi tant d’autres ! Le dieu des vieilles peaux m’en veut à mort aujourd’hui.

Je me retourne complètement pour leur faire face, les poings sur les hanches. Qu’ils comprennent un peu que je ne risque pas de leur dérouler le tapis rouge.

La petite bande me dépasse en me souriant, puis s’attarde sur mon tas de piquets bien rangés. Je vois le coin de leurs lèvres se soulever et j’ai comme l’impression d’entendre leurs pensées.

Je leur lance un simple regard d’avertissement avant de retourner à mon jeu de lego. Une chose est sûre : il ne va pas falloir me titiller ce soir. Résolue à avancer, je décide que les grands piquets doivent aller sur les côtés de la tente. Je les positionne, puis prends les plus petits, et essaie de les enclencher. Mais quelques minutes plus tard, rien n’y fait. Je souffle d’énervement et maudis par la même occasion les premiers congés payés.

Je relâche alors la ferraille et me dirige vers la voiture dans l’espoir de trouver la clé manquante à mon problème. Et devinez ce que je vois, sur l’emplacement d’en face ? Les trois types que j’exècre, installés façon salle de cinéma sur des chaises pliantes face à moi. Ah ! Et j’oublie de mentionner le détail qui tue : la bière fraîche qu’ils ont chacun dans une main.

Ces ignobles me regardent comme si j’étais le match de foot le plus important de la saison. Je suis outrée qu’ils se moquent de moi si ouvertement !

Ce n’est pas parce que j’ai fixé un peu trop longtemps leurs attributs tout à l’heure qu’ils peuvent se venger en se montrant si insolents ! Je ne suis pas l’attraction du jour, merde !

Cette journée est vraiment hors norme.

— Vous voulez peut-être que je vous fasse du pop-corn, aussi ? leur lancé-je, hargneuse.

Le plus petit de tous, un blondinet brûlé par le soleil, me sourit de toutes ses dents.

— Oh ! oui, moi, je veux bien. Surtout que le film n'est pas si mal !

J’émets un hoquet de surprise avant de poser mes poings sur les hanches en signe de mécontentement.

— Vous n’avez rien d’autre à faire ?

Le dernier de la bande, un grand brun tout en longueur, des cheveux longs retenus en une queue de cheval, et entièrement tatoué, secoue la tête.

— En réalité, non. Rien ! Comme tu le vois, nous nous détendons avec une bonne bière et une super comédie. C’est le top !

J’écarquille les yeux.

— Et le concept d’intimité, vous connaissez ? Vous n’avez vraiment aucun scrupule à faire les concierges !

— Aucun, tu as raison, rétorque le blondinet dans un sourire. Au fait, es-tu au courant que nous sommes dans un camping naturiste, ici ? Tenue d’Ève obligatoire. Tu es dans l’illégalité la plus totale en gardant tes vêtements.

Ils me courent sur le haricot, ces types. Toute la colère et le stress emmagasinés au cours de la journée se mettent à déborder. Résultat des courses : je me mets à ricaner telle une hyène.

— Vous avez raison… Vite, jetons nos slips et soutiens-gorge au feu et rentrons dans les clous ! Il ne faudrait pas outrepasser les règles du parfait petit naturiste.

Je dois ressembler à une folle en sautillant ainsi sur place, les bras en l’air. Ils me regardent tous les trois, les yeux ronds et la bouche ouverte. Avant qu’ils ne se mettent à baver, je reprends ma position de dominante, les mains sur les hanches et l’air revêche.

— J’ai décidé de faire de la résistance et de ne pas suivre les règles imposées. Après tout, je suis en vacances. Donc, à bas le diktat impérialiste de Fred. Je resterai habillée. Un point, c’est tout !

Le type à la queue de cheval secoue la tête.

— Fais ce que tu veux, la nouvelle. Mais cela ne va pas plaire à Tessa !

L’homme-reptile et ses deux amis soupirent de concert, l’air faussement désolé.

— C’est qui, Tessa ?

— Le dragon de ces lieux, me répond le petit blond. Elle ne fait généralement qu’une bouchée des récalcitrants.

Décidément, ils ont tous les trois un âge mental de 2 ans, ces types !

— Prévenez-moi quand vous aurez fini de vous foutre de moi, haussé-je la voix.

— Cela risque de prendre encore un moment, m’indique l’homme-reptile aux yeux noirs. Te voir te dépatouiller avec cette tente datant de Mathusalem est très divertissant. Tu peux continuer, ne t’occupe pas de nous.

De toute évidence, à trois contre une, je ne fais pas le poids, ce soir. De colère, j’attrape alors ma serviette et file en direction de l’étang. Ces types ont bel et bien réussi à me faire partir.

— Quoi, tu te sauves déjà ? Si tu veux un lit pour ce soir, j’ai de la place dans ma tente déjà montée.

Et les voilà qui se marrent comme des phoques en rut.

Je me retourne pour leur asséner une flopée d’insultes mais me mets à bafouiller, sous le coup de la colère.

— Eh bien, je crois que tu lui fais un effet d’enfer à la nouvelle, Antoine. Regarde, elle en perd la parole ! s’esclaffe le tatoué.

Je lève mon majeur en l’air en guise de réponse.

— Quelle tigresse ! ajoute le fameux Antoine en se levant de son siège et en me fixant droit dans les yeux. Un conseil, petit félin : fais attention à toi… tu risques de te faire manger toute crue !

Je ricane malgré moi. Le bol de riz est plein. Archi plein, même.

— Tiens donc ! Et par qui ? Toi ou l’un de tes petits camarades de jeu ? Laisse-moi rire.

Le blondinet me fait un grand sourire avant d’annoncer :

— Ce n’est pas nous qu’il faut craindre, la nouvelle, mais Tessa !

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7 commentaires

Catherine kakine

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Il y a 7 ans

Ca sent l' entourloupe à pleins nez ... Lol

FeizaBabouche

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Il y a 7 ans

Je sais pas si je dois les aimer ou pas lol

Lana.M

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Il y a 7 ans

Ahah moi j'aimerais bien savoir ce qu'elles ont en tête ces deux là.

Alyana Astrin

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Il y a 7 ans

Assez spéciale, la maman qui conduit en état d'ivresse... xP

Mymy M. *Sakuramymy*

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Il y a 7 ans

Mdr j ai bien aimé : vous êtes normales. .. J aime beaucoup ton histoire c'est drôle et ca me donne envie de partir en vacances xD

Jeanne F.

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Il y a 7 ans

La bête change mais le dicton est le même. bonne lecture.

Aliena

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Il y a 7 ans

Mon papa disait "fait plaisir à une chèvre elle te chirz des crottes" :-) chapitre débloqué j'y file
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