Fyctia
C5...de Somor
— Couvrez-moi, s'écria Burr.
Je n’eus pas le temps d’assimiler l’ordre que Kélis décochait déjà une de ses flèches de lumière. L’assaillant le plus proche fut projeté en arrière à la seconde où le trait atteignait son front, comme s’il s’était mangé un mur invisible.
— Bien joué Kéké !
Les attaquants choisirent la cible la plus évidente et foncèrent sur Burr.
Dans un râle, ce dernier brandit son poing dans les airs. Les plates de son armure se mirent à tourbillonner autour de lui à toute vitesse. Le fourmillement métallique se concentra sur son bras et s’acheva au creux de sa main. Burr tenait désormais dans celle-ci une énorme masse.
Incroyable ! Je n’avais jamais soupçonné Burr d’être un alteran.
Les Negassiens qui arrivaient de front se pétrifièrent, effarés par le spectacle. Erreur. Le guerrier les balaya d’un grand coup de masse, les envoyant se briser l’échine sur l’écorce des troncs. Une seconde salve de Negassiens franchissait déjà les buissons.
Ils se montrèrent plus prudents, commencèrent par cerner le guerrier, l’arme tendue vers lui, prêts à le cribler de coup. Burr secoua la tête pour se vivifier et sa grande tresse fouetta l’air. Alors, ils attaquèrent.
Burr se déchaîna sur ses adversaires. Ses poings cognaient, sa masse virevoltait, les Négassiens tombaient. Ils avaient beau être plusieurs, ils se faisaient submerger. Burr s’avérait juste inatteignable. À aucun moment, il ne laissa l’occasion à ses ennemis de percer ses failles. Il ne semblait même pas se soucier des assauts de ses adversaires. Concentré, il récitait sa chorégraphie meurtrière.
Les légendes à son sujet étaient vraies.
Burr Kazstein était un tueur né.
Kélis continuait d’aligner les flèches, chacune d’elles trouvant puis trouant leurs cibles. Une goutte de sueur sillonna son front et vint se loger entre ses cils. Elle ne cligna pas des yeux.
Le plus carré des assaillants attrapa Burr par-derrière et le ceintura de ses bras musculeux. Aussitôt, l’armure du guerrier reprit sa forme initiale et s’hérissa de pics. Spoutch ! L’homme se vit transpercer de toute part.
Au même moment, une épée s’abattit sur Burr à laquelle il présenta son bras nu. Le tranchant de la lame produisit un choc sourd lors de sa rencontre avec l’armure. Elle avait prédit l’assaut et concentré sa raideur métallique au bon endroit. Les bras de l’adversaire flageolèrent sous la résistance de l’impact. Burr finit de le déséquilibrer d’un coup de coude désinvolte. Il brandit son armure devenue masse. Le Négassien, comprenant ce qu’il allait advenir, s’apprêta à hurler. Burr ne lui en laissa pas le temps.
Il restait un dernier adversaire dans son dos. Il s’approchait dangereusement du colosse, d’un pas leste, prêt à sévir.
Ce déluge de violence me tétanisait. Pourtant, il fallait bouger. Aider Burr. Avant qu’il soit trop tard.
« Qu’est-ce que t’attends, non de non ! »
Zesso s’avança dans le dos du soldat en remuant légèrement son avant-bras. Un poignard incurvé jaillit de la manche de sa combinaison. Son autre bras se referma sur la gorge de sa proie. Surpris, l’homme ouvrit la bouche. D’un geste vif et serein, Zesso y enfonça sa lame et la fit ressortir d’un coup sec. Un filin de sang se décrocha du fil du poignard, se figea dans les airs, puis vint toucher le sol en même temps que le corps de la victime.
Je restai estomaqué par la vitesse, la précision, et la barbarie du geste de Zesso. Il avait commis ça avec une telle assurance, une telle facilité. Se sentant observé, Zesso me foudroya du regard.
— Déso’ Bourg Ballon. On est bien obligés d’se salir les mains pour que les brêles dans ton genre les gardent propres.
« Bien dit ! »
— Moi, la mort ne me dérange pas, tant qu’elle se concentre sur le camp adverse, s’amusa Burr, à peine essoufflé, tandis que les plates de son armure reprenaient leur forme originelle.
— La nôtre n’a pas eu l’air d’inquiéter ce lâche, siffla Zesso en se plantant devant moi.
Il me considérait de ses petits yeux noirs, partagés entre fureur et dédain.
— Nous sommes tous les quatre en vie, fit Burr, c’est l’principal.
— Il en arrivera d’autres, non ? demanda Kélis, toujours en position offensive.
— Je pense aussi, concéda Burr. Et cette fois, ils ne seront peut-être pas seuls.
— Comment ça pas seuls ? demandai-je sans parvenir à détacher mon attention des cadavres ensanglantés.
— Tu l’as vu avec les pétrodons. Les Negassiens domptent les arkosaures avec l’accord des Arkoprim. Autant dire qu’avec des créatures de la taille de chillozor dressées pour tuer, la tâche se complique.
— On devrait peut-être rentrer au camp ? proposai-je enfin. On a trouvé ce qu’on cherchait, non ?
— Je l’savais bien qu’t’étais qu’une flipette ! claironna Zesso en faisant disparaître son poignard dans sa manche.
Je m’obstinai :
— On était censés valider la présence d’ennemis proche du campement. Là, c'est suffisament proche.
— Justement, j’aimerais savoir pourquoi. Et surtout combien ? marmonna Burr dans sa barbe. Ne vous inquiétez pas, on ne prendra aucun risque inutile.
— Je propose que Nak retourne seul à la garnison pour prévenir le Grand Rek, fit Zesso en me tournant le dos.
Je me projetai isolé dans cette forêt inconnue, engloutie par la nuit et une nausée me taquina la glotte.
— Non, on reste soudés - Merci Burr -. Qu’est-ce qu’on vous apprend à l’entraînement ?
Le guerrier se mit en route et je le suivis, tentant vainement d’ignorer les mauvaises ondes propagées par Zesso dans mon dos.
— J’t’avais prévenu Kéké, ce type est un lâche ! On peut pas lui faire confiance.
Elle se garda de répondre et je la remerciai intérieurement pour ça.
— Ce benêt est resté là sans bouger pendant qu’on s’démenait !
Cette fois, elle l’interrompit :
— Dis-moi Zesso. Tu t’es senti comment, toi, la première fois que quelqu’un s’est fait tuer sous tes yeux ?
— Je m’en souviens plus. D’où je viens, c’est la routine, dit-il comme s’il récitait une histoire souvent racontée. Qu’est-ce qu’une vie face à un repas chaud ?
— Et bien, pas pour Nak. Respecte ça. Même si ça te paraît injuste.
— Je respecte les gens pour leurs actes.
— Là-dessus je suis d’accord. Un acte vaut mieux qu’une parole sans lendemain. D’ailleurs, te voir tuer ce Négassien m’a rassuré après ton grand discours anti-Stalion d’hier soir.
— Non Kéké, pas toi ! Tu vaux mieux que ces gogos qui ne retiennent que la forme !
— La prochaine fois, choisis mieux ton audimat. Tu veux qu’on te rappelle pourquoi tu te balades avec nous au clair de lune ?
— Vas-y, laisse tomber. De toute manière, vous êtes chelou les filles d’Aquamaru. Je sais pas c’qu’il t’a fait pour t’ensorceler ce clampin des bois, t’es complètement aveugle.
— Silence, trancha Burr. en planquant sa main devant Zesso. Si d’autres ennemis approchent, j’aimerais les entendre avant qu’ils nous tuent.
3 commentaires
Gaëlle K. Kempeneers
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Il y a 7 mois