Fyctia
C5_Yeux qui brillent
— La-ferme ! Nous ne sommes pas seuls. »
« Et alors ? Personne m’entend. Et heureusement, sinon j’aurais dit deux mots à ton régent sur sa façon de raconter l’Histoire ! »
Je fis un pas prudent vers l’endroit où se tenait la silhouette aux yeux perçants avant d’être interrompu à nouveau.
— Te voilà ! Bon sang, qu’est-ce que tu fabriques ?
Kelis avait finie par me retrouver et elle semblait très agacée.
Je ne lui donnai pas l’occasion de déballer ses reproches et la pris aussitôt à parti :
— Tu l’as vu ?
— De quoi ?
— La silhouette là, juste devant !
— Non.
Je fis volte-face dans sa direction. L’ombre avait disparu.
— Tu la fais fuir !
— Fuir qui ?
— Elle se tenait là…
— Bon, Nak, ça ne m’intéresse pas, je veux juste dormir, grogna-t-elle. Ne me force pas à t’envoyer dans ta couche.
— Et si c’était un espion du camp adverse ?
— Personne ne peut rentrer ici, nos hommes quadrillent la zone à des kilomètres à la ronde. Les rumeurs des veillées te montent à la tête !
— Je te jure que c’est vrai !
— T’es sûr que t’as pas confondu avec un écureuil ?
— Tu me prends vraiment pour un blaireau.
— Ça arrive que l’obscurité déforme notre vision. C’était peut-être juste un fantôme…
— Ou alors, le Champion Mystérieux.
Mon hypothèse venue de nulle part lui cloua le bec. Captant qu’elle s’était laissée perturber, elle tenta aussitôt de se ressaisir.
— Peut-être. On… on ne pourra pas savoir vu qu’on va aller dormir.
— Ça t’intrigue pas plus que ça ?
— Si le régent préfère garder ce Champion à ses côtés, c’est qu’il a ses raisons.
— C’est pas s’que j’ai dit.
— Il y a des paroles qui n’ont pas besoin d’être prononcées pour être dite.
— C’est un proverbe d’Aquamaru ça ?
Elle me fustigea du regard.
— Ah ! J’vous tiens !
Personne ne dormait dans ce fichu campement ?
La voix nasillarde qui venait de surgir dans notre dos nous fit sursauter Kélis et moi. On se retourna en même temps, et sans voir Kélis, je devinais son expression. Sans doute la même que la mienne : le dépit.
L’intendant Mosley, son ignoble trogne déformée par un air triomphant, claudiquait vers nous. Ses yeux renfrognés brillaient d’excitation. Il avait eu ce qu’il voulait.
— Ce n’est pas…, commença Kélis en s’avançant vers lui.
Il balaya son initiative d’un revers de main.
— Tiens donc, c’est le blaireau de Bourg Ballon et la petite génie qui fricote à l’abri des regards !
— On ne fricote pas !
— Alors qu’est s’que vous branlez à c’t’heure, loin de vos tentes ? Vous cueillez des fleurs !
— C’est que…, fit Kélis.
— Vous savez qu’il est pertinemment interdit de rôder après minuit dans les allées du campement sans permission. Avouez ! Quel genre de sale coup prépariez-vous ?
— Rien, on ne…
— C’est ballot que l’intendant Mosley vous soit tombé sur l’coin du museau, n’est-ce pas ? Cachez pas votre déception ! Elle me régale ! Le désarroi des fauteurs de troubles pris en flagrant délit est la meilleure sensation de l’existence !
Je ne voulais pas avoir son existence.
Il fallait aider Kélis.
— C’est de ma faute, j’étais distrait, je me suis perdu et ma collègue me montrait le bon chemin…
— Ta collègue ? répéta Kélis.
— Taisez-vous, bon sang d’bonsoir ! Et arrêtez d’me couper la parole ! Vous aggravez votre cas !
Son teint vrilla au cramoisi, sa bouche projetait des éclats de bave à chaque consonne. Je pouvais sentir les glaviots roulés dans sa gorge avant d’accéder à l’air libre.
— Vous pensez vous en tirez comme des reines ? Ça m’f’rait bien rire. Rendez-vous d’main matin, première heure, avant votre entraînement ! Je vous assignerais une corvée qui vous fera passer le goût d’la ballade ! Vous m’en direz des nouvelles. Après ça, on verra si vous désobéissez encore aux ordres du régent ou des miens !
— Vous venez vraiment de vous mettre au même niveau que…
— Fermez là, foutre de con ! Disparaissez dans vos tentes avant que j’prévienne le capitaine !
Je n’avais aucune envie de me retrouver face à Ichon après l’échange de ce matin. Et il ne servait à rien de plaider notre cause avec Mosley. Sa décision était actée à la seconde où il nous avait surpris.
On a pris le chemin de la zone des Champions avec Kélis. En silence. Rien que des soupirs et un haussement d’épaules fataliste au moment de se séparer.
« Si jamais tu veux lui trancher la tête à ce charlot, n’hésite pas, gloussa Dyf dans mon esprit, ce serait un plaisir »
— Un plaisir partagé. Malheureusement, ça trahirait deux, trois de mes principes, soupirai-je.
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Gaëlle K. Kempeneers
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Il y a 7 mois
John Wait
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