Fyctia
2_Le grand Rek
— On s'est rencontrés une fois ou deux, oui. Elle souhaitait avoir mon avis sur ses troubles du comportement. La cleptomanie n’étant pas une maladie au sens propre du terme, je n’ai rien pu faire. Par contre, son discours a toujours été clair et sensé, dit-elle en appuyant sur le dernier mot.
Vu que je ne pouvais pas disparaître dans les entrailles de la terre, je dévalai les escaliers de bois.
— Je devais pas être très réveillé ! bafouillai-je sans oser me retourner. Bon, je vais vraiment finir en retard ! On se voit ce soir !
Ce jour-là, Mirek ne vint pas en cours.
On décida de lui rendre visite après l’école, Courgette, Gosny et moi. À partir de là, la journée parût s’étirer inlassablement et je passai le plus clair de mon temps à contempler les nuages s’alanguir dans le ciel au lieu d’écouter l’exposé du professeur Joan sur le pouvoir héréditaire de la Lignée Genovae.
— Avouez, dit Courgette à la fin du cours -elle bourrait un épais paquet de parchemin dans son sac -, c’est quand même du bol que leur pouvoir soit héréditaire aux Genovae. Comme ça, pas besoin de partager !
Occupé à scruter chaque coin de rue, je l’écoutais d’une oreille, croisant les doigts de pieds et des mains pour ne pas tomber sur la toison orange de la Roussine. Heureusement pour Courgette, Gosny s’intéressait sincèrement au sujet :
— En même temps, t’as entendu le prof, c’est ce qui leur permet d’accroître leur puissance à chaque passation. L’assimilation avec l’alter se perfectionne de génération en génération.
— Mouais, tout ça pour s’faire choper par le premier Negassien venu, ronchonna Courgette -et pour le coup, on ne pouvait pas lui donner tort -. Elle a de l’allure la Race Mère !
— Les Négassiens ne sont pas n’importe quel ennemi, objecta Gosny, outré.
— N’empêche ! Nos reines auraient dû poutrées leurs ravisseurs rien qu’en leur chatouillant l’museau ! Encore plus si ça s’est passé de nuit.
— Ils ont peut-être trouvé un moyen de détourner leurs radiations…
Mais Gosny ne croyait guère à ses propres arguments et Courgette ne pris même pas la peine de relever. On savait tous que ça n’avait aucun sens. Sans l’Accord de Trève qui avait mis fin à la Nuit des Cent Jours, les Genovae pouvaient raser Alastar de la carte sur un coup de tête !
— La seule hypothèse valable, c’est que nos reines sont en réalité de grosses naze et qu’on nous ment depuis toujours ! conclut Courgette en se curant le nez.
— N’oublie pas ce que doit notre peuple aux Genovae, trancha Gosny. Si tu les insultes, tu t’insultes toi-même.
— J’les insulte paaas, soupira Courgette, lassée par le sérieux de la discussion. Pis, c’est les alteran qui doivent leur baiser les pieds ! Nous, on est juste des gros pécore, sans alter ni rien.
On passa chez moi, récupérer le butin de la nuit dernière. Ma mère était absente, et mon père, toujours au travail. Je n’osai pas vérifier devant mes amis la présence de l’épée noire sous la pile de vêtements. Après tout, il n’y avait pas de raison.
Chose promise, chose due, de passage à la boulangerie, mon père nous fournit deux baguettes bien cuites ainsi qu’un assortiment de petits pains, tous plus appétissants les uns que les autres.
Clairement, la réaction de Mirekcne fut pas à la hauteur de nos attentes.
Sur le pas de sa porte, il toisa le butin de la Roussine avec le même dédain qu’un Tyrex devant une salade.
— Mate la taille de la hache ! Et y'a assez de couverts pour remplir ton vaisselier, dit Courgette qui énumérait l’intégralité du contenu du sac dans l’espoir de communiquer son entrain à notre ami. Hé mirek, t'as vu la tronche de c'tableau ? La déprime ! On dirait que le gars là-dessus n’a jamais vu le soleil !
Un léger malaise flotta au-dessus de nos têtes, Courgette ayant décrit Mirek par la même occasion. Malgré les salissures, sa mine était plus pâle qu’à l’habitude, ses joues creusées et d’énormes cernes noires achevaient de lui donner un air de déterré.
Il ne nous invita pas à entrer, ne chercha pas à savoir comment nous avions mis la main sur ces artefacts, ni même si la Roussine entretenait des prisonniers dans son sous-sol. Il murmura seulement qu’il examinerait tout ça au calme avant de refermer sa porte d’entrée sur nous, retournant à l’abri du moindre souffle d'air.
On s'échangea un regard inquiet.
Vu qu’on allait pas camper éternellement devant la porte de notre ami, nous avons raccompagné une Courgette super dépitée vers sa ferme.
— L’épée n’était plus dans le sac ? murmura Gosny à mon oreille.
— Euh, si, si, bafouillai-je - oubs, grillé -, elle a dû glisser au fond à force d’être trimballée.
Il fronça les sourcils, mais n’insista pas.
L’un après l’autre, mes mensonges s’entassaient telles les provisions des villageois pour l’armée de Stalion. Les habitants du bourg avaient suivi les directives du royaume. Une charrette était garée à un croisement, dans laquelle s’empilaient les caisses de ribols, cuirasses et autres tuniques. Un râtelier où l’on rangeait des armes de toutes tailles et de toutes formes y était accolé.
Dans l’allée des artisans, la forge et la tannerie fonctionnaient jour et nuit.
Après l’école, je passais par le croisement aux fournitures sans m’y attarder. Gosny, lui, reluquait armes et cuirasses avec convoitise.
Sans regret, je le laissais à ses rêves de bagarre et d’honneur et remontai ma rue.
Je me figeai à la vision d’une crinière rousse. La Roussine rodait aux abords de ma maison telle un renard autour d’un poulailler !
Cette fois, je pris une grande inspiration :
— Hé, toi !
La curieuse se retourna aussi sec et sursauta en me voyant foncer vers elle ! D’un pas sautillant, elle s’éclipsa sous les piloris de ma maison et disparue, engloutie par l’ombre du ballon. Quand je le contournai pour la prendre à revers, elle s’était volatilisée.
À peine dix mètres de course et mon cœur tambourinaient déjà sous la pression. La garce ! Elle n’avait pas perdu de temps pour remettre les pieds ici ! Qu’est-ce qu’elle cherchait en tournant autour de ma maison ? Une ouverture ?
Heureusement, j’étais arrivé à temps cette fois.
Arrivé dans ma chambre, je me pressai vers le tas de vêtements gisant sous mon hamac.
Soulagement, l’épée n’avait pas bougé. Sa voix gutturale résonna dans ma tête :
« Ah, c’est pas trop tôt ! J’ai cru qu’tu t’étais pissé d’ssus et qu’tu m’avais abandonné lâchement au fond d’un… »
Je recouvrai l’épée aussitôt, espérant étouffer le son de sa voix.
J’avais l’impression d’être le seul à l’entendre sans en être certain, et comme ma mère remplissait des papiers dans la cuisine au bout du couloir, autant ne pas prendre de risques inutiles.
Par contre, il allait falloir agir. Une arme pareille n’avait pas sa place sous la toile de notre ballon. Je devais m’en débarrasser avant que mes parents ne tombent dessus.
Ma décision était prise. Demain, j’allais rendre l’épée à la Roussine.
Le lendemain, une nouvelle inattendue bouscula ma résolution.
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Layla M
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Il y a 10 mois
John Wait
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Il y a 10 mois
Gaëlle K. Kempeneers
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Il y a 10 mois
John Wait
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Il y a 10 mois
Amaya_42_10
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Il y a 10 mois