Fyctia
3_Le grand Rek
C’était le matin, soleil chaud, brise fraîche, je me rendais en cours avec Gosny, la tête dans le blizzard, l’esprit dans le vague, quand Courgette déboula sur le chemin, plus excité que jamais.
Le teint rouge d’avoir trop couru, elle pila face à nous, affichant son plus grand sourire :
— Les gars, ça y est ! Le grand Rek déboule à Bourg Ballon !
Je me braquai aussitôt :
— Impossible ! Il est censé arriver dans une semaine, minimum !
— Demande à mon père si c’est un menteur ! Il l’a vu ce matin même alors qu’il remontait les bêtes à l’étable ! Il arrive avec une troupe de cavaliers.
Gosny eut l’air déçu.
— Il n’est pas venu avec sa caravane de Champion ?
Il remonta les lunettes sur son nez, signe qu’il réfléchissait.
— Ce serait sans doute trop long de parcourir le pays avec tout un régiment. Le temps est compté. L’armée de Stalion est déjà sur Alastar. Ils ne peuvent pas attendre les renforts éternellement. En tout cas, si le père de Courgette dit vrai, je dois m’entraîner une dernière fois !
Il opéra un volte-face vers sa maison, oubliant toute velléité d’aller en cours. Il ne serait surement pas le seul.
Le père de Courgette n’était pas un menteur.
Un petit rassemblement s’était attroupé au cœur du village où s’installaient le régent et ses hommes. Le bourgmestre avait fait apporter une table de bois massive et des chaises pour installer ses visiteurs. Aucun ne prit la peine de s’asseoir.
Trois des personnes qui accompagnaient le grand Rek s’alignèrent devant l’étendard de Stalion. Un trio sacrément dépareillé. Différence d’âge, d’origines, de tenues…
— Nak ! s’écria Courgette en les désignant. Ces trois zozos là, ça doit être des Champions !
Évidemment. Ça expliquait leur côté désaccordé.
Deux d’entre eux portaient bien la combinaison aux couleurs noires et or frappées de l’écaille de Stalion. Un grand blond, la trentaine, doté d’un nez arrondi jurant avec l’harmonie de ses traits fins. Et une jeune femme, sensiblement mon âge, soit seize ans, aux longs cheveux noirs tressés. Une étrange tache blanche balafrait son visage et ressortait d’autant plus sur sa peau mate. Elle commençait sur une joue et passait par le nez pour rejoindre sa voisine. On aurait dit une drôle de petite constellation. Ce n’était pas un genre de peinture tribale, c’était à même la peau. Pas de doute possible. Cette fille était originaire d’Aquamaru !
Je fus à peu près certain que ma pupille se dilatait. C’était rare de voir des Aquamar passer à Bourg Ballon. Selon le professeur Joan, leur sensibilité au Rayon Genova était aussi accrue que rarissime, faisant d’eux des alteran d’exception. Les Aquamar ne se contentaient pas de manipuler la matière, ils pouvaient la créer. Courgette prétendait que c’était à cause de la proximité de leur région avec celle de Stali, la capitale, où vivaient les Genovae - et d’où émanait donc, le Rayon -. Les choses étaient simples avec Courgette. Sauf qu’en majorité, les alteran de Stali ne possédaient pas la moitié de la prédisposition à l’alter d’un Aquamar de base. Sans parler des lambdas, simplement insensibles au Rayon et qui n’y captaient pas grand-chose. Genre, moi.
La troisième personne, un barbu énorme, portait une armure de plates couvrant son torse et ses hanches. Ce qu’elles laissaient apparaître, c’était un tour de bras, trois fois supérieur au mien. Le colosse avait ramené ses cheveux blancs dans un catogan négligé.
Mais comme les autres villageois, la personne qui me fascina le plus fut, sans conteste, le grand Rek, notre régent.
De lui, je n’avais vu que des représentations dessinées, peintes ou sculptées. Aucune ne s’avéra à la hauteur de l’homme devant moi. Malgré son imposante carrure, je l’imaginais aussi bien manier la plume que l’épée. Chacun de ses gestes était un mélange de mesure et d’élégance.
Il portait un plastron étincelant, un pantalon et de longues cuissardes de cuir, ainsi qu’un casque massif qui laissaient voir des traits de visage fins, mais affirmés, éclaires par un regard métallique. Il portait une moustache fourchue d’un gris profond dont les extrémités pointaient jusqu’au bas de son menton.
Oui, cet homme avait assurément la prestance d’un roi.
— Il est plutôt classe, chuchotai-je.
— Tu veux dire, super classe ! trépigna Courgette.
Dans son ombre, droit comme une lance, rond comme un tonneau, se tenait son capitaine, identifiable à la boucle dorée de sa ceinture. Perdue au sommet de ce bloc de muscle et de graisse, une mince moustache encadrait ses lèvres. Lui aussi portait la combinaison de Stalion.
La nuque du régent oscilla à peine que le capitaine s'anima et d'un pas théâtral, se dirigea vers le bourgmestre.
— Mon cher, rassemble tes résidents, du plus jeune au plus âgé, du plus joufflu au plus crasseux. Je veux qu’ils soient tous présents pour participer à l’élection du Champion de votre bourg.
— Bien sûr, capitaine ! J’ai pris l’initiative d’envoyé des rabatteurs débusqué le moindre de mes villageois.
— Savez-vous à qui s’adressera votre préférence ?
Le bourgmestre se gratta la tête.
— À vrai dire, je me pose la question depuis l’annonce du recensement. Pour être honnête, j’en ai pas une fichtre idée.
Apparemment, il n’était pas le seul. Une appréhension mêlée d’excitation montait au fur et à mesure que la foule s’amassait et se jaugeait du coin de l’œil. Une gamine pas plus haute qu’une barrique me toisait d’un air circonspect.
Tout le monde fut bientôt réunis sur la place.
Tout le monde sauf Mirek et la Roussine, bien sûr.
Épée à la ceinture, Gosny arriva avec ses parents. Visiblement anxieux, il n’arrêtait pas de tripoter la monture de ses lunettes. Nos regards se croisèrent. Je lui fis un clin d’œil. Il me sourit avant de reporter son attention vers le régent et ses hommes.
— Tu paries combien que Gosny se fait recaler ? ricana Courgette en me donnant un coup de coude dans les côtés.
— Allons, c’est notre ami. Même si je ne comprends pas son obsession à vouloir partir la guerre, souhaitons-lui bonne chance.
— La chance, c’est de pas avoir à choisir entre, trancher, et être tranché.
J’étais évidemment d’accord, mais je connaissais aussi l'importance de cet évènement pour Gosny. Ce n’était plus le moment de débattre de toute façon. Le grand Rek avait retiré son casque et se dirigeait vers l’assemblée.
Il n’eut besoin d’aucune démonstration d’autorité pour que celle-ci se taise. On entendit la brise siffler dans les cordages des ballons avant d’en frôler la toile.
Puis, sa voix retentit :
— Très cher peuple de Stalion, je ne vous ferais pas l’outrage de résumer la situation. L’heure n’a jamais été aussi grave au sein de notre royaume. Une fois de plus, les Négassiens ont trahi leur pays d’origine. Mais, rassurez-vous. Mes agents m’ont confirmé que nos reines Siara et Ariana se portaient bien.
Une vague d’allégresse embrasa les villageois.
— Néanmoins, ça ne doit pas être vu comme un soulagement, mais comme une sommation. D’autant que, je dois vous révéler un secret sans attendre.
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Layla M
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John Wait
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Gaëlle K. Kempeneers
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John Wait
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Dixy
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Amaya_42_10
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Ava D.SKY
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