John Wait La mort dans l'âme 2_L'épée noire

2_L'épée noire

J’oscillais vers la porte d’entrée, restée entrouverte.


— Gosny, tu vois quelque chose ?

— Non, par contre j’ai mal aux abdos !

— Quels abdos ? ricana Courgette en me passant devant.


Elle ouvrit la porte à la volée et tant pis pour la discrétion. Les premières marches d’un escalier de pierre apparurent devant nous. Une étrange lueur phosphorescente provenait de la pièce en bas.

Il s'agissait d’une salle étroite, entièrement éclairée. La lumière qui se reflétait contre les murs de pierre noircis par le temps provenait de dizaines de petites boules de verres, alignées sur le mur façon guirlande.

Courgette en avait déjà décroché une.


— Waaaah, c’est trop beau ! s’exclama Courgette.


Elle tenait entre ces mains une de ces boules dont la lueur faisait danser sur son visage fasciné, un mélange de teintes rose et bleu.


— Courgette, arrête de toucher à tout, grognai-je en m’approchant quand même de sa trouvaille.


Il s’agissait de petits bocaux. À l’intérieur s’érigeait la tige d’une plante enroulée sur elle-même autour de laquelle voletaient d’énormes lucioles apathiques à l’arrière-train luminescent. Chacune d’elles dégageait une lueur de couleur différente et leur danse projetait une ambiance bariolée sur les murs de la pièce.


— J’avoue, c’est beau, concédai-je, mais Courgette était déjà passé à autre chose.


Tandis qu’elle s’éloignait, je fourrai un petit bocal dans ma poche en vérifiant que personne ne m’observait en haut des marches.


— Gosny, tu nous entends, demandai-je d’une voix claire.


Je n’obtins aucune réponse.


La salle se prolongeait par un petit tunnel à colombage bas de plafonds. Sûr que tout cet endroit existait avant que la Roussine pose ses valises sur la colline, je l’imaginais mal construire ce truc à l’insu des villageois. À l’extrémité du tunnel de sombres pierres résonnait la voix de Courgette qui paraissait – si c’est possible – encore plus excitée. Intrigué, j’accélérai le pas. Et, en effet, la vision avait de quoi étourdir.


Si le rez-de-chaussée était bordélique, ce n’était rien par rapport à cette cave.

Là encore, elle n’était pas bien vaste, mais une montagne d’objets de toute sorte semblait vouloir tester les capacités de chaque mur.

En vrac, j’aperçus une hache à deux lames, de vieux bouquins, des amphores de toutes tailles, des coffrets, de la vaisselle en plus ou moins bon état, des petites sculptures de terre et de pierre, un long plat en céramique peinturluré d’étranges motifs, des -vieux- balais, des coffres aux armatures massives, une guitare bizarre avec une seule corde, un buste de mauvais goût représentant la tête d’un énorme chien enragé, une épée, des vêtements poussiéreux, des parchemins à l’encre passée, quelques tableaux aux motifs incertains… et une épée.


— Va trouver un trésor là-dedans, soupirai-je, blasé d’avance devant la tonne de choses à fouiller.

— Tu penses que ça lui plairait à Mirek, dit Courgette en se contemplant dans la lame de la hache à deux lames entre ses mains.

— Repose ça, tu vas te couper le nez !


Je me perdais dans ce capharnaüm quand une drôle de sensation s’empara de moi. Une sorte de fourmillement irrépressible qui gonflait au niveau de mon torse.

Je fis un pas en avant. Sans que je m’en sois rendu compte, mon bras s’était tendu vers un des nombreux objets.

Un puissant désir me brûlait de l’intérieur, une considérable envie de posséder…


— Nak ! s’écria Courgette à mes côtés, mais je n’y prêtai aucune attention.


C’était l’épée. L’épée qui m’appelait ainsi vers elle. Elle semblait même briller par rapport au reste.


— Nak ! Je crois que Gosny nous appelle !


Je tendis l’oreille. Effectivement, la voix de notre ami nous parvenait depuis le bout du tunnel, il avait descendu les escaliers qui menaient au sous-sol et nous appelait depuis la salle des lucioles. Dur de distinguer clairement ses paroles mais son intonation désespérée ne laissait guère de doutes.


— Bon, dépêchons-nous, décidai-je, catastrophé. On prend plein d’trucs, on f’ra le tri dehors !


On a balancé tout ce qui nous passait sous la main dans le grand sac de toile, des livres, des coffrets -peut-être contenaient-ils des pièces d’or ou une pierre précieuse !, Courgette ne pût s’empêcher de prendre la hache à deux lames.

J’entendis la voix de Gosny depuis le couloir, plus proche qu’auparavant.


— Les gars, ramenez-vous ! La Roussine est de retour !


Courgette ne se fit pas prier et disparue dans le tunnel.

Je me retrouvais seul dans la cave avec le sac rempli de mille breloques entre les mains. Il fallait partir.

Pourtant, quelque chose me retenait.


Je lançai un dernier coup d’œil à l’épée. Elle était noire. Complètement noire. Son pommeau était noir, sa garde était noire, sa lame était noire. Seul son tranchant brillait d’un éclat glacial et sa poignée était incrustée de petits diamants blancs.

Je n’avais jamais eu rien à ciré des épées ou des armes en général, sauf que celle-ci était… elle était différente.


« Qu’est s’que t’attends ? »


Cette voix ! Ce n’était ni celle de Gosny, ni celle de Courgette. Elle était grave, profonde, ainsi que passablement agacée. Pire, elle semblait surgir de nulle part.


« Regarde devant toi ! »


Personne, il n’y avait personne d’autre que moi dans cette pièce ! Mes yeux revinrent se poser sur l’épée.

Si je la prenais, la Roussine le remarquerait-elle ? Wow, c’était quoi cette drôle d’idée…, je n’eus pas le temps de trancher, car on m’agrippa par les épaules pour me pousser vers la sortie.


— T’es sourd ou quoi ?


C’était Gosny, les lunettes de travers et le teint livide !


— La Roussine est revenue sur ses pas ! Elle va bientôt rentrer chez elle, alors, bouge-toi !


Je bafouillai une suite de mots en vrac en guise de justification mais Gosny était déjà en train de courir vers la sortie de la cave. Rester planté là n’avait aucun sens, aussi, je me décidai enfin à décamper.


On traversa le tunnel à colombage au pas de course jusqu’à la salle aux lucioles, le sac de toile tapait contre mes omoplates à chaque foulée. Mon ami monta les marches de l’escalier de pierre qui menait au rez-de-chaussée quatre à quatre.

Quand je rejoignis le salon, il était désert. Cette fois, je ne pris pas la peine de vérifier ce que je piétinais.

Arrivé dehors, je n’aperçus Courgette nulle part. Elle avait dû prendre ses jambes à son coup, ce qui était une sage décision. Car la Roussine remontait la colline de Bonne Aventure à vitesse grand V, et même si je ne distinguais pas l’expression de son visage, aucun doute, elle nous avait repérés.


— Cours, Nak ! hurla Gosny avant de décamper vers le bourg.


"C'est ça, cours !"


Sans réfléchir, je me mis à courir derrière lui mais il me distança rapidement. Le sac rempli de breloques me ralentissait. À plusieurs reprises, j’eus envie de l’abandonner derrière moi, mais pas moyen. On avait pas pris tous ces risques pour rien !

Je n’osai pas vérifier si la Roussine était à nos trousses. Mon cœur s’accélérait rien qu’à l’imaginer derrière moi.

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10 commentaires

Layla M

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Il y a 10 mois

waw intense ce chapitre! les descriptions sont trop bien et l'action aussi! On sait enfin comment il a récupéré l'épée et la Roussine a pas l'air contente... Je me demande si elle sait pour l'épée...

John Wait

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Il y a 10 mois

Oh, merci ! Tout s'accélère un peu, oui ^^

Amaya_42_10

-

Il y a 10 mois

🥰
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