John Wait La mort dans l'âme 1_Des nouvelles fraîches

1_Des nouvelles fraîches

PART I
BOURG BALLON





TROIS SEMAINES PLUS TÔT





Stupeur au royaume de Stalion.

Nos reines ont disparus. Ce qui craint pas mal.

Les fautifs ? Notre ennemi historique. Les Arkoprim.


Reprenons.

Vu des étoiles, le continent où j’habite ressemble à une paire de poumons qui auraient voulu fusionner ensemble.

Sur le poumon droit, à l’Est, s’étendent les terres de Stalion, le royaume des Genovae.

Sur le poumon gauche, à l’Ouest, se trouve Alastar, le territoire des Arkoprim.

Deux peuples qui se haïssent depuis la Nuit des 100 jours, autant dire, depuis la nuit des temps. Dire qu’il y a longtemps -genre, vraiment très longtemps-, Stalion et Alastar ne formait qu’un seul et même pays.

Mais ça, c’était avant le début des embrouilles.

Avant la chute de l’Alfaroc.


Dans un premier temps, ce nouvel affront des Arkoprim tétanisa les Staliens. Pour cause ! Si nos ennemis pouvaient tenir tête à nos reines -au moins assez pour les capturer-, alors, personne n’était à l’abri.

L’angoisse du peuple se mua en colère. Une colère pleine d’orgueil.

Les semaines passant, un évènement en chassant un autre, celle-ci se ramollit et la vie reprit son cours. Malgré l’incident, rien n’avait vraiment changé au royaume de Stalion, notamment pour ses petites gens. À un détail près.


Chaque ville et village du pays recevait la visite du Grand Rek devenu régent du royaume durant l’absence forcée de nos souveraines. Ça n’avait rien d’un choix faute de mieux, Rek Wan était l’homme le plus respecté du pays. Il conseillait la Lignée Genova depuis des décennies.

Désormais, il comptait les sauver.


Nos reines, Siara et Ariana, à peine enlevées, il envoya des messagers sillonnés chaque région de Stalion pour nous alerter de sa venue. Des vastes cités aux plus humbles hameaux, tous étaient tenu de lui présenter ce qu’il appelait, un Champion. Une femme ou un homme, riche ou pauvre, jeune ou croulant, se démarquant des autres par un talent spécifique ou par un acte héroïque notable.

Une fois rassemblés, ces heureux élus constitueraient l’armée menée sur Alastar par le régent en personne.


Sans mentir, je ne voyais pas bien qui, au village, pouvait se targuer de détenir le potentiel de Champion ou Championne.


Le nom de mon patelin donnait le ton : Bourg Ballon. Ça sonnait bof chevalier.

Ce nom était subtilement inspiré par la forme de nos maisons. D’épaisses toiles cirées, gonflées façon ballon, encordées sur des pilotis. On en comptait une quarantaine, comme autant de champignons géants qui auraient poussé au cœur d’une prairie verdoyante.

OK, on tiendrait pas un siège avec ce genre d'habitations, mais elles se révélaient simples à entretenir ainsi qu’à déplacer. En fonction des périodes de l’année, de l’air du temps, ou de la nécessité de chacun, le plan du bourg évoluait. Le centre-ville migrait de quelques mètres, Machin se décidait à s’excentrer dans les hauteurs, tandis que Machine désirait se rapprocher de l’allée principale pour profiter du marché. Hop, après s’être débarrassé de leurs biens les plus encombrants, il suffisait de déterrer les pilotis qui maintenaient les maisons-ballons sur place, de lester les pierres qui faisaient office de poids, et de décoller vers d’autres aventures.

Et puis, il y avait ceux qui quittaient définitivement le village. Ça faisait toujours un truc d’assister à l’envol d’une de ces boules blanches. Ça titillait peut-être notre fibre d’ancien peuple nomade.


Hormis cette petite folie, j’habitais un village comme il en existe cent à Stalion. Loin du bruit de la capitale. Loin des intrigues du monde.


Ne comptez pas y croiser de fougueux combattants, ni d’alteran aux pouvoirs stupéfiants.

Il ne se passait jamais grand-chose à Bourg Ballon et si nos priorités pouvaient sembler dérisoires, c’était mon horizon. Ici, les saisons passaient au rythme des cultures de la terre, notamment la ribol, un légume qui pousse toute l’année et dont le goût change à chaque solstice. L’été, la ribol délivrait une saveur sucrée et épicée tandis qu’elle s'amérisait l'hiver venu. De quoi manger toute l’année sans -trop – se lasser. Merci les paysans.

De mon côté, mon père était boulanger et ma mère, la seule guérisseuse à des lieues à la ronde. Mon père nourrissait les Hommes, ma mère les soignait.


Nous vivions dans le centre du bourg et notre quotidien était, j’avoue, assez confortable. Je poursuivais toujours ma scolarité a seize ans tandis que les enfants moins bien lotis désertaient les bancs de l’école la dizaine passée pour travailler aux champs.


En cour, le professeur Joan nous apprenait l’histoire du royaume de Stalion et son imbuvable généalogie de Genovae, l’écriture et la lecture de la langue contemporaine, les mathématiques et les sciences naturelles – ces dernières se résumant surtout à reconnaître les plantes et champignons comestibles.


À côté de ça, je passais le plus clair de mon temps avec les copains à flâner ou à refaire le monde dans l’arrière-cour de la boulangerie de mon père. On prenait le soleil, affalés sur des sacs de farines, Gosny, Mirek, Courgette et moi. On y improvisaient des jeux ou des conversations qui, la plupart du temps, dérivaient en dispute.

Parfois, nous nous éloignions du village pour traîner au bord de la rivière qui contournait Bourg Ballon pour aller se perdre dans le Bois de Lune. On tentait d’y attraper des poissons à la main. Seul Mirek y parvenait. Question d’habitude. Perso, pour manger du poisson, j’attendais que ma mère en achète au marché.


Plus rarement, une curiosité malsaine guidait nos pas vers la colline de la Bonne Aventure. On l'appelait ainsi car c’était là qu’habitait la Roussine, la femme la plus étrange de Bourg Ballon.

Sa maison-ballon était un peu excentrée des autres et se différenciait par un assemblage d’étoffes chamarrées aux teintes pourpre ou lavande. Au village, la Roussine était considérer comme folle. Certains la qualifiaient même de dangereuse.


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46

46 commentaires

Tony M. Joe

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Il y a 10 mois

Très très sympa ce chapitre : le ton que tu emploies, la description de ton univers, les détails bien ficelés, mais comestibles :) ... c'est réussi !

John Wait

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Il y a 10 mois

Ravi que la digestion de cette pluie d'infos se passe sans trop de casse :)

Layla M

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Il y a 10 mois

J’aime bien le ton que tu emploies, j’ai l’impression qu’un pote me raconte sa vie et en meme temps c super bien ecrit! On partage son quotidien ce qui crée de l’attente sur le moment de bascule ou il va se retrouver champion !

John Wait

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Il y a 10 mois

Merci, c'est très gentil :D

LouiseLysambre

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Il y a 10 mois

On a bien une idée, nous… 👀

John Wait

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Il y a 10 mois

Oh, les plus fins limiers d'entre vous sans doute ^^

🌿🌸 É-Stèle 🌸🌿

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Il y a 10 mois

Un petit mélange médieval, contemporain et graine de folie dans ce monde :)

WildFlower

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Il y a 10 mois

J'adore le concept de ces maisons-ballon ! J'en veux une comme ça XD

Gaëlle K. Kempeneers

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Il y a 10 mois

J'aime bien ce début. Tiens ? Ils ont une baba-yaga ? Et les dialogues avec l'épée m'ont fait rire. ❤️

John Wait

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Il y a 10 mois

Merci ! Pour la baba Yaga, dans mon petit cerveau, je l'imagine plus comme une espèce de Rebelle (de Pixar) adulte. Mais une grand-mère avec une grosse tête ça marche aussi.
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