Ivaloo A l'ombre des cerisiers en fleurs *6* (2ème partie)

*6* (2ème partie)

-Pardon de vous déranger Monsieur, puis-je vous emprunter Hana quelques minutes.


-J’ai demandé à ce qu’on ne nous dérange pas, assène-t-il sans un regard pour ma camarade. Hana reprenez.


-Pardon Monsieur, reprend Min-ha. Mais c’est une urgence.


Il se lève, et se dirige droit sur elle. Une fois à sa hauteur, il se campe sur ses appuies et la gifle violemment. Je porte les mains à ma bouche, choquée, un cri coincé en travers de la gorge. De surprise, le Capitaine s’est également levé de son fauteuil, sans oser, toutefois, effectuer le moindre geste.


-Et qui la demande ? la questionne-t-il d'un ton mauvais.


-Akiko, Votre Excellence. Je viens de la part de Mme Onishi qui demande à ce qu’Hana fasse une course pour elle, ça ne peut pas attendre.


-Allez-y, vous.


-C’est ce que je lui ai dit, Votre Excellence, mais Mme Onishi a expressément demandé à ce que ce soit Hana."


J’admire, l’aplomb et le sang froid dont elle fait preuve. La vue de la marque passant du rose vif au rouge violacé sur sa joue me brise le cœur, et ma vision devient floue sous la monté des larmes. Dans un soupir de frustration, Ikeda accepte de me laisser partir.


Je suis Min-ha hors de la pièce. Une fois seules loin des regards et des oreilles indiscrètes, je la prends dans mes bras, étouffant mes sanglots afin de me montrer aussi forte qu’elle l’a été quelques minutes plus tôt. Elle me rassure et me dit de sortir par la porte de service, et d’aller en ville faire quelques courses.


"-Tu as pris un risque énorme en faisant ça.


-Je ne pouvais pas le laisser faire, j’ai improvisé.


-Mais et s’il parle à Mme O.


-Ne t’inquiète pas il ne lui dira rien, c’est la seule dont il se méfie.


-Sûre ?


-Sûre. Aller va, m’enjoint-elle gaiement. Profite de ce petit moment de liberté !


-D’accord mais je reviens vite !


Et sur ces mots je sors de la maison et me dirige vers l’avenue de Jongno. La résidence d’Ikeda est en plein quartier du même nom, là où la plupart des coréens vivent. Une façon d’écraser encore un peu plus mon peuple et d’imposer un peu plus sa suprématie, à quelques minutes du chantier du Gouvernement-Général Japonais.


Puisque j’ai quelques heures de liberté devant moi, je vais en profiter pour aller voir la maison de mes parents. J’attends debout l’arrivée du tramway, sous une lumière déclinante de fin d’après-midi. Un coup de vent soudain me glace jusqu’aux os et me fait frissonner des pieds à la tête. Sous le coup de la surprise je ne remarque même pas l’homme qui s’arrête à côté de moi.


-Mlle Hana ?


Dans un sursaut je me tourne vers lui et reconnaît le Capitaine Kimura.


-Capitaine ! Pardon, fais-je en m’inclinant bien bas, je ne vous avais pas vu. Que faites- vous ici?


Il hausse les sourcils, surpris par ma question.


-Pardon, c’était déplacé de ma part…Désolée…


-Tout va bien, je comprends votre surprise. J’ai préféré disposer de Mr Ikeda après votre départ…


Il semble vouloir rajouter quelque chose, mais choisit finalement de ne rien dire. Je garde le silence et me détourne pour observer l’avenue, et ses passants qui s’affairent avant la tombée du jour et le début du couvre-feu.


Le tramway arrive enfin. Nous montons tous deux dedans. Je me demande où il peut bien se rendre. Habite-t-il loin ? Je me secoue mentalement. Qu’est-ce que ça peut bien me faire qu’il habite loin ou pas ?


-Où comptez-vous vous rendre ? me demande-t-il, de sa voix chaude.


-Hum… chez mes parents…


-Vous ne devriez pas rester trop longtemps seule dehors, le couvre-feu va bientôt commencer. D’ici quelques heures les milices parcourront les rues. Me permettez-vous de vous accompagner ?


-Non merci, je n’en ai pas pour longtemps, je vais me débrouiller seule.


De quoi se mêle-t-il ? Il ne manquerait plus que ça qu’on me voit me balader aux côtés d’un soldat japonais. Je ne suis pas une traîtresse à ma patrie, qu’est-ce qu’il croit ?


-Ecoutez… Mlle Hana…


-Non vous écoutez-moi ! Je ne sais pas ce que vous voulez, mais je ne veux pas de votre compagnie, votre présence m’importunerait. Nous ne faisons pas partie du même monde, et je ne veux rien avoir à faire avec vous. Vous vous êtes peut-être emparé de ce pays mais sachez que nous autres, sommes encore libres de cœur. Alors laissez-moi tranquille je vous prie.


Emportée par ma tirade, je n’ai pas fait attention aux conversations qui se sont tues et aux regards mi-surpris mi-choqués des passagers. J’ai dû parler plus fort que je ne le pensais. Je leur présente mes excuses humblement et fixe les rues qui défilent, sans réellement les voir, derrière la vitre. J’évite soigneusement de regarder le Capitaine en face. Je me rends compte, bien que trop tard, que je me suis montrée insolente, et que cela pourrait me valoir de me faire arrêter. Mais étonnamment, il ne dit rien. Je l’observe du coin de l’œil, mais il a, lui aussi, tourné son regard vers la vitre. Je reprends ma contemplation de l’extérieur. Cet homme est vraiment étrange… Peu importe. Je ne serais probablement pas amenée à le recroiser, et temps qu’il ne décide pas de m’arrêter pour mon insolence un peu plus tôt, je me fiche qu’il soit étrange ou non.

A mon arrêt, je descends sans me retourner, quelques flocons de neige –encore précoces à cette période de l’année- voletant autour de moi.


Je finis le trajet à pieds, ce qui me laisse tout le temps de replonger dans mes souvenirs. La vie n’était pas tous les jours faciles, surtout en ce début de domination nippone, mais nous formions une famille heureuse mes parents et moi. Vivre au pied du mont Namsan nous permettait de récolter la plupart des plantes dot nous avions besoin pour confectionner les remèdes médicinaux. C’était également l’occasion de rendre hommage aux ancêtres dans les temples situés au sommet. Leurs arrestations et leurs morts m’auront privé de tout cela…


J’arrive enfin devant ma maison, à présent vide de tout être vivant, à l’exception peut-être des araignées. C’est un petit hanok traditionnel aux murs fait d’un mélange de terre et de paille, surmontés d’un toit de chaume. Je pénètre à l'intérieur, le cœur serré par l’émotion.


Me reviennent les rires et les pleurs, les jeux, le travail acharné, l’amour, la tendresse. Les larmes roulent silencieusement sur mes joues et je les laisse faire sans chercher à les essuyer. Cela fait trop longtemps qu’elles sont restées prisonnières. Dans les murs réconfortant de ma maison, je lâche prise, accroupie au milieu de la pièce principale.


Au bout d’un certain temps, je relève la tête et constate que l’obscurité a tout engloutie depuis un petit moment. Le couvre-feu ! Je sors avec précipitation. Ah, j'oubliais ! J’étais censé faire une course. Je retourne dans la maison récupérer quelques paquets de remèdes, et ressort rapidement. Lorsque j’arrive au niveau de l’arrêt, le souffle court, je vois le tramway qui s’éloigne dans la rue. Sans moi. Ne pouvant attendre sur place je décide de marcher pour rentrer, tout en restant sur mes gardes afin d’éviter le plus possible les milices de soldats.






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3 commentaires

Azalyne Margot (miss Ninn)

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Il y a 5 ans

J adore vraiment comme tu écris! Dommage que le concours est presque fini😢😢. Si jamais je participe au concous "Stars" si tu as le temps et l envie de me lire😉

Ivaloo

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Il y a 5 ans

Oh merci ça me touche beaucoup ! Je pense continuer à poster mes chapitres même après la fin du concours j'aimerais vraiment réussir à aller au bout de cette histoire et pour quoi pas tenter l'auto-publication :D Avec plaisir j'irai voir oui ;)

Azalyne Margot (miss Ninn)

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Il y a 5 ans

C est une super idee!!!
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