Fyctia
*6* (3ème partie et fin)
La journée fut éprouvante et il me tarde de me glisser dans mon lit, et de laisser mes soucis céder la place à un sommeil sans rêves. Plus j’avance et plus mes paquets se font lourd dans mes bras douloureux de fatigue. Je n’aurais pas dû en prendre autant. Pourquoi a-t-il fallu que je prenne tout ça ? C’est ridicule ! Je n’en peux plus, où est-ce que je suis ? Ah mais… Ce ne serait pas Gwanghwamun* tout là-bas ? Oui c’est ça ! Aller encore un petit effort Ae-ra, tu y es presque !
Après encore une quinzaine de minutes, j’arrive enfin dans la cuisine de la grande maison, où je dépose mes paquets avant de monter me coucher. Je m’apprête à me laisser choir sur mon lit lorsque je remarque que celui de Min-ha n’est pas défait. Bizarre… Vu l’heure elle devrait être couchée depuis un moment. Je sors de notre chambre, et me dirige vers les sanitaires que je trouve vides. Je redescends dans les quartiers communs des domestiques, puis je remonte à nouveau dans le salon et la salle à manger, mais toujours aucun signe de mon amie. Je décide alors d’aller voir dans le jardin, munie d’une lampe à huile pour m’éclairer.
Si le paysage est à couper le souffle en journée, l’obscurité de la nuit –malgré les rayons de la lune- le rend plutôt effrayant, et tous les petits bruits nocturnes n’arrangent en rien cet aspect des choses. Un mauvais pressentiment me gagne au fur et à mesure que j’avance sur le chemin qui mène à la grande serre ouvragée.
Petit à petit, un étrange silence semble s’installer et s’étirer tout autour de moi, faisant retentir encore plus nettement les battements effrénés de mon cœur, qui jusque là ne pulsaient que dans mes oreilles, dans un bourdonnement assourdissant. Les poils de mes bras, parcourut de chair de poule, se hérissent et je suis convaincue que ce n’est pas seulement dû à la froidure de la saison. Je me retourne pour vérifier que personne ne me suis. Quelque chose ne tourne pas rond, où est Min-ha ?
J’arrive devant la porte de la serre et hésite, la main au-dessus de la poignée. J’inspire un grand coup et ouvre le battant. La touffeur tropicale de la serre me cueille et me prend à la gorge, ainsi qu’une autre odeur que je ne reconnais pas tout de suite. Je m’avance sur l’allée centrale, entourée des plus belles orchidées du monde et leurs couleurs séductrices.
Au centre de la serre se trouve une magnifique fontaine de marbre dont le bassin inférieur, le plus grand, accueille de nombreux nénuphars en fleur. Je continue de marcher vers elle, l’odeur inconnue et pourtant étrangement familière se faisant de plus en plus forte, métallique. Je contourne la fontaine, doucement quand je la vois…
Elle est étendue là, sur le sol pavé de pierres de taille, la lumière lunaire éclairant son petit visage de poupée et sa peau liliale. Ses yeux sont entrouverts, tournés vers le plafond de verre, fixant le ciel au loin et ses étoiles. Ses long cheveux de jais, défaits et étalés, baignent dans un liquide sombre formant une énorme flaque tout autour d’elle. Je hoquette de stupeur et d’horreur mêlées. Me laissant tomber à genoux à ses côtés, je saisit sa main, déjà glacée, dans les deux mieux miennes.
Je n’arrive plus à respirer, je tente de l’appeler mais son nom reste bloqué dans ma gorge, incapable d’aller plus loin. Je la secoue dans un effort désespéré et vain de la réveiller, mais il est trop tard, la lueur pétillante de vie qui habite d’ordinaire son regard s’est éteinte depuis longtemps. La réalité me frappe de plein fouet et l’air qui peinait à sortir, s’échappe de ma bouche en une longue plainte si déchirante que je me demande si c’est bien moi qui produit ce son déchirant, à la limite de l’inhumain.
-Min-haaa…. Noooon ! Min-haaaa….
Au fond de mes entrailles, quelque chose depuis quelques temps endormi se réveille. Une graine amère commence à germer et à grandir, nourrit par la haine et la rage. Cette rage qui bouillonne et se mue en un souffle qui lui-même se métamorphose un cri. Puissant. Dévastateur. Il franchit mes lèvres avec la puissance d’une déferlante. Tant, qu’il m’en brouille la vue. Je ne suis plus que haine. Je ne suis plus que rage. Je ne suis plus... qu’un... CRI…
5 commentaires
Azalyne Margot (miss Ninn)
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Il y a 5 ans
Ivaloo
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Il y a 5 ans
Ivaloo
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Il y a 5 ans