Fyctia
Chapitre 20
Marley
Depuis la venue de ce psychologue, Jared est présent sans vraiment l’être. Il ne parle presque plus et je me demande ce qui a pu se passer entre eux. Est-ce qu’il a appris des choses sur son passé ? Est-ce que des souvenirs lui sont revenus ? Il ne me dit rien. Seul son regard s'exprime pour lui et lorsque je me perds dans ses billes sombres, je n’y vois que de la détresse. Alors, je me contente d’être là. Présente. Il en a besoin.
J’ai mis en suspens mes investigations et tous les défis que j’étais prête à lui lancer. Il n’est pas d’humeur. De toute façon, je n’ai pas nécessité à en voir plus. Ce qui s’est déroulé plusieurs fois sous mes yeux suffit. C’est un être unique, aux capacités hors du commun. Reste à savoir comment c’est possible et pourquoi lui. S’il décide de pousser plus loin ses recherches, je l’aiderai. J’espère juste qu’il me laissera faire.
— Tu sais que tu peux me parler, pas vrai ?
Pour simple réponse, il hoche la tête et j’en déduis que ça ne sera pas encore pour aujourd’hui.
— Au fait, mon père fait un barbecue ce week-end, il a dit que tu étais le bienvenu. Je crois qu’il t’aime bien.
Ce qui est plutôt surprenant, car jusque-là, le moindre mec qui approchait finissait sous ses interrogatoires incessants. Jared n’y a jamais eu le droit. Ou du moins pas depuis ce moment gênant, la première fois qu’il a toqué à notre porte.
Il esquisse un sourire en coin et c’est le premier qu'il m'adresse depuis deux jours.
— Je serai là.
Sans comprendre pourquoi, le savoir me réchauffe le cœur. Il a tendance à se refermer sur lui-même et à s’isoler et j’ai horreur de ça. Dit la fille qui fait pareil quand ça ne va pas…
— Ça te dit qu’on se fasse un film ce soir ? Un truc bien gore ou super drôle. Pas de trucs déprimants !
Il va me trouver lourde à force, mais je cherche juste à lui changer les idées. Son regard ébène glisse sur moi, il m’analyse un instant et soupire. Voilà, qu’est-ce que je disais ?
— Tu sais que t’es pas obligée de faire tout ça ?
C’est vraiment ce qu’il pense ? Que je me force ?
— Même pour tes beaux yeux, je ne me forcerai jamais à rien, répliqué-je.
Merde, pourquoi je sors ça moi ?
Il écarquille les yeux, se frotte la nuque, gêné, et baisse le nez sur ses chaussures. Me concernant, je me contente d’avancer à ses côtés. Je suis la reine de la boulette. Amenez-moi une corde que je me pende.
Ce matin, j’ai compris qu’il ne monterait jamais dans ma voiture pour que je l’emmène au lycée. Alors, j’ai décidé de l’accompagner à pied. Sur le coup, il a râlé et m’a affirmé que j’étais bête de ne pas continuer comme je faisais. Le truc, c’est que de passer à côté de lui pendant qu’il marche et qui plus est sous la pluie, c’est moyen. Autant se mouiller à deux.
En parlant de pluie, voilà que je sens quelques gouttes tomber. Il me jette un coup d’œil et grimace.
— Je t’avais dit qu’il allait flotter.
— Ils avaient annoncé du soleil.
— Mais moi, je t’ai prévenu qu’il allait pleuvoir.
— Quoi, tu vas me dire que tu fais radar météo aussi ?
Il grogne et je me retiens de lever les yeux au ciel. C’est plus fort que nous. Autant, on peut être proche, autant on se tire dans les pattes. C’est marrant. C’est notre truc à nous. Non, il n’y a pas de nous ! Il ne doit jamais y en avoir.
— Tu vas finir trempée.
— C’est pas grave.
— T’as horreur de la pluie.
Je me contente de hausser les épaules et ses pupilles braquées sur mon profil alors qu’on avance un peu plus vite me filent des frissons. Malgré tout, il a un effet sur moi que je ne contrôle pas.
— Quand est-ce que tu arrêteras de toujours vouloir avoir le dernier mot ?
Je ne vois pas de quoi il parle…
— Tu peux arrêter de me regarder comme ça ? râlé-je.
Nouveau sourire en coin. S’il n’y a que ça pour voir cette moue sur son visage, je ne compte pas m’arrêter.
Lorsque nous arrivons enfin devant l’établissement, nous courons sur les derniers mètres tandis que la pluie commence à bien tomber. Une fois dans le couloir, il s’arrête, je l’imite et il se tourne vers moi. Hésitant, il me fixe et j’ouvre la bouche avant de la refermer. Tais-toi, Marley, laisse-le parler. Il cherche peut-être à se confier.
— Désolé si je me comporte comme un con ces deux derniers jours. C’est juste que ce type… ce qui s’est passé…
Voilà qu’il bloque de nouveau.
— Ce que t’as ressenti ne t’a pas plu, ça t’a perturbé et ce psy, tu l’aimes pas, complété-je.
Il acquiesce, soulagé que je parvienne à terminer sa phrase et à décoder les sentiments qui le submergent.
— Tu te comportes pas comme un con, Jared. Tu ne vas juste pas bien et j’en ai conscience. T’en fais pas pour ça, OK ?
Ses muscles se détendent, ses traits sont plus sereins et il m’adresse une moue reconnaissante.
— Merci.
C’est la seule chose qui réussit à passer la barrière de ses lèvres et ça me va. Lui et moi, on n’a jamais vraiment besoin de trop parler pour se comprendre.
Nous reprenons notre route pour nous diriger vers notre premier court et je me souviens qu’en première heure, nous avons sport. Tout en avançant, je lui donne un coup de coude pour attirer son attention. Silencieux, il m’interroge du regard tandis que nous passons les portes du gymnase et je souris à pleines dents.
— On fait basket, lancé-je.
— Oui, et ?
— Et tu es dans mon équipe ! Comme ça, je suis sûre de gagner.
Cette fois, il rit et je l’observe attendrie. J’adore le voir avec cette expression.
Il me confirme qu’il fera du forcing s’il faut, puis, nous nous séparons pour rejoindre les vestiaires.
L’inquiétude que j’ai le concernant ne me quitte plus, seulement, mon envie de le soutenir prend le dessus. Je me raccroche à ça et en me disant que tout ira bien.
Perdue dans mes pensées, j’enfile mon survêtement, pendant que les filles autour de moi rient, discutent, complotent. Je m’aperçois que je traine trop lorsque je relève la tête et que le silence est revenu. Je suis la dernière dans la pièce. C’est souvent le cas et personne ne s’en soucie. Ça me convient. Être transparente, c’est ce que je cherche.
Un peu plus rapidement, je noue les lacets de mes baskets, me redresse et, tout à coup, c’est là. Une douleur fulgurante se diffuse dans ma poitrine. Mes doigts agrippent mon t-shirt et se crispent. Ma respiration se coupe, aucun son ne veut plus sortir. Appeler qui que ce soit est impossible. Alors, j’attends, je gère comme je peux. Je ferme les yeux et tente de me focaliser sur quelque chose qui me fait du bien. Ma colline. Ce que je ressens lorsque j’y suis. Jared se rajoute au tableau sans que je m’y attende et soudain, c’est plus facile.
Lorsque la crise s’éloigne et que la brûlure dans ma cage thoracique s’estompe, je me redresse. Je ne m’étais pas rendu compte que je m’étais assise contre les casiers et avais ramené mes genoux contre moi.
Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, pourtant je dois me faire une raison, ça ne disparaîtra pas. Jusqu’à ce que ça s’arrête, ces crises m’accompagneront.
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Jess Swann
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Idylyne.B
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Laeloo
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Idylyne.B
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