Fyctia
Chap 13.2 (Camille)
— Je suis en rémission mon chéri, mon traitement a fonctionné. Il me reste quelques rayons à faire. De la broutille. Je serai sur pied cet été. Et, je vais devenir exigeante, parce que je vais te harceler pour te voir chaque jour dès ton retour.
Je sanglote, je ris. Je suis content que mon père ne m'écoute pas. Il pourrait me souffler que je ne dois pas pleurer en présence de maman, que ça lui mine le moral. Dans tous les cas, c’est ce qu’il m’avait dit à Paris quand je suis rentré des USA l’an dernier. Mais, depuis, je m’en tape de ce qu’il pense. Je suis si heureux !
— Maman, tu pourras me harceler autant que tu le désireras, je suis si content, putain !
— Surveille ton langage, Camille ! me gronde-t-elle.
Et là, chose improbable, j’éclate de rire, si fort, que j’ai le sentiment que les oiseaux l’entendent et se réveillent.
— Maintenant maman, je t’appellerai chaque jour à partir de cette seconde. Parce que j’ai besoin de toi.
Mon aveu est sorti tout seul. Ma poitrine se contracte brutalement. J’ai besoin d’elle, pour lui parler de ce que j'éprouve.
Je regarde ma cigarette qui se consume, sans que je ne la touche.
Mais, ce que je ressens n’a plus aucune importance, puisque je repars en France cet été et que Eden, restera ici.
Soudain, je suis si triste, que ma respiration se hache.
— Roxane m’a dit que tu aimais bien une certaine jeune femme, la sœur de Morgan il me semble. Eden, elle se prénomme comme ça, je crois ?
Je déglutis. Comment mon amie a eu le cran d’avouer ça à ma mère ?
Et surtout, quand et pourquoi l’a-t-elle appelée ?
— Camille ?
— Je décide de ne pas épiloguer sur vos confidences de filles, lui dis-je sur le ton de l’humour, pour éviter le sujet.
— Alors, comment est-elle, cette Eden ?
Ma maman est tenace. Malgré tout, je suis content. Ça signifie qu’elle va nettement mieux.
— Genre Barbie à l’américaine, en mieux, lui dis-je avec l’image de Eden flottant dans mon esprit.
L’être que j’ai attendu tout ma vie.
— Et ?
— Maman, tu ne me demandes pas pourquoi j’aime une fille ?
— Tu aimes donc une fille, dit-elle.
Un poing virtuel me coupe le souffle.
Bordel, j’ai dit quoi là ?
Je… l’aime ?!
Putain.
Mon cœur bat la chamade, mon sang file à toute allure dans mes veines. Comment me suis-je retrouvée à discuter de ce que je ressens à ma daronne, alors que je comptais rattraper le temps perdu avec elle et parler de choses et d’autres pour lui changer les idées ?
J’ai dit que j’aime Eden ?! Je n’en reviens toujours pas. Et il a fallu que ma mère me téléphone, pour que je le lâche ça au grand jour.
De toute façon, à quoi ça sert ?
— Elle est maquée avec un autre. Je viens de me rendre compte trop tard qu’elle représente quelque chose pour moi.
— Oh, si j’ai compris un détail avec ma maladie, même quand mon oncologue était septique sur l’issue du traitement, c’est qu’il n’est jamais trop tard. Elle est avec lui ? Et puis ? Tout peut changer du jour au lendemain.
Je déglutis, incapable de faire autre chose.
— En juillet l’an dernier, j'avais la conviction que j’étais mourante. Aujourd’hui, le mal m’a désertée. Alors, crois-moi, rien n’est impossible quand il existe un espoir.
— Je n’ai pas d’espoir, maman. Ce mec est mieux que moi.
Elle claque une nouvelle fois sa langue sur le palais.
— Peut-être que tu as raison, ou peut-être que tu as tort. Il est mieux que toi, ou pas. Seulement, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et, si le cœur de cette fille était épris du tien à Noël, ce qui semble encore être le cas aujourd’hui, d’après les explications de Roxane, alors, tu as l’espoir dont tu as besoin.
Un sourire se dessine sur mes lèvres et mon palpitant suffoque de joie. Un frisson parcourt mon épiderme sans mon commandement. J’écrase ma clope sur le sol avec ma chaussure, sans la terminer.
Ce sera la dernière fois que je touche à cette connerie.
— Je jure que je vais étriper Roxane, maman.
— Pourquoi ? Parce qu’elle m’a téléphoné pour me raconter ce qui se passe chez mon garçon ? Et qu’elle m’a rassurée sur son sujet ?
J’étrécis les yeux qu’elle ne peut pas voir.
— Maman, tu n’as jamais voulu que je t’appelle.
— Peut-être que je n’ai pas voulu que tu me contactes pour me protéger sans cesse. Pour me dire ce que je devais manger ou pas pendant la chimio. Pour me souffler que sortir dans la rue était dangereux pour moi, que me rendre à la pharmacie sans mettre un masque chirurgical me ferait mourir. Peut-être que je souhaitais juste que tu m’appelles pour me raconter les trucs de ta vie. Comme avant ce qui m’est arrivé.
Ses mots sonnent comme un reproche. Je serre mon appareil plus fort dans ma main.
— Désolée, maman, je supposais que je te dérangeais, et que tu m’en voulais, tu sais, pour…
Elle me coupe.
— Ne crois jamais rien de tel, Camille. Peut-être que je me suis fait mal comprendre, parce que certaines fois on dit des choses qu’on ne pense pas, ou alors on prononce des phrases de travers. Et surtout, ne culpabilise jamais de tes actes, mon chéri. Je t’aime.
Un nœud se forme une nouvelle fois dans ma gorge. Ma mère, cette femme, est plus forte que la personne la plus baraquée du monde.
— Je t’aime, maman.
Elle soupire, puis reprend.
— À présent, raconte-moi tout ce que je ne sais pas sur toi et que je devrais connaître, nous avons du temps à rattraper, me dit-elle.
Alors, je lui parle et passe plus d’une heure avec elle.
En raccrochant, nous nous promettons de nous entendre au moins tous les deux jours.
Et, j’ai bien compris que je ne devais pas aborder le sujet de sa maladie.
Parce que maintenant, elle va vivre, loin de cette merde.
Et que je lui ai juré que moi aussi, j’allais vivre ma vie.
J’ignore comment.
Parce qu’au fond de moi, l’espoir qu’elle m’a ouvert sur Eden, s’écrase sous le poids de la culpabilité de ce que j’ai fait, à Paris. Ce qui a révélé ma vraie nature.
Et que j’ignore comment m’en sortir, avec ce que je pense, avec ce que Eden pourrait penser de tout ça.
Et qui pourrait détruire cet espoir entre nous. Aussi grand soit-il.
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D. Verton
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Il y a un an
Josepina(Jojo)
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Il y a un an
Aurore_Nox
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natha_lit
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Il y a un an