Fyctia

J’ai eu du mal à m’endormir hier soir. Le motif en a été sans doute Camille, qui est rentré tardivement. Je me demande toujours où il a pu traîner après son départ précipité du Quarterback’s Dan. Je suppose qu’il avait une bonne raison.

Bien sûr que oui. J’en aurais fait de même si j’avais été à sa place.

Cependant, j’avoue que son attitude m’a un peu surprise, puisque nous étions venus ensemble à la soirée, même si je n’ai plus prêté attention à lui, après son interprétation. Volontairement…

Depuis, mon cerveau mouline sans répit, songeant que sa réaction a été induite par la vision de Noah et moi, notre baiser, et notre déclaration d’amour publique totalement stupide. En réalité, j’ai forcé le trait en raison de la présence du père de mon petit ami, suivant les conseils à la lettre de ce dernier. Je n’aurais jamais dû faire ça.

C’est idiot. Pourquoi Cam serait-il touché par mon couple, puisqu’il a rejeté mes sentiments, arguant que ce n’était pas réciproque ?

Jocker.

Je soupire, puis mes oreilles s’attachent aux conversations de mes cheerleaders, qui relatent encore notre performance d’hier et la soirée grandiose en l’honneur des Violet NYU. Je participe sans y participer, comme d’habitude. Donnant parfois le change. Depuis que je suis revenue, après deux ans d’absence, je ne me suis pas vraiment liée d’amitié avec qui que ce soit. Sans elles, je suis seule.

Enfin presque.

Je jette un coup d’œil à ma montre. La pause déjeuner a été brève aujourd’hui et les cours vont reprendre d’ici quelques minutes.

La pelouse du campus, sur laquelle nous sommes assises est baignée de lumière douce de ce début d'après-midi. L'excitation qui règne parmi mes coéquipières reste inchangée, comme si elles revivaient inlassablement les instants magiques que nous avons vécus. Entourée de celles que je considère comme mes amies de sport, je ne parviens pas à m'empêcher de rire en me remémorant le succès du match et la chorégraphie irréprochable que nous avons exécutée. Les applaudissements du public résonnent encore dans mon esprit : une aubade de victoire.

J’évite de me rappeler la suite, dans ce couloir sombre. Le téléphone perdu. Ma course.

Je clos les paupières. Une chaleur se diffuse dans mon être.

Et les bras puissants de Camille encerclent mon corps, pour m’étreindre contre son torse.

J’ouvre les yeux puis secoue mentalement ma tête, pour chasser l’image de ce type qui revient toujours sans que j’y prenne garde, au moment le plus imprévisible.

Nous sommes d’accord tous les deux : nous sommes amis. Comme avant. Inutile de songer à quoi que ce soit d’autre. Aux complications de ces choses.

Je prends une forte inspiration. Les bavardages se poursuivent, pendant que mon regard se lève pour se perdre au loin. La chaleur du soleil apaise ma peau, puis un sourire se dessine sur mes lèvres. Je suis heureuse, tout le monde a reconnu mon talent.

Parfois, je me demande si je ne suis heureuse qu’au moment de mes exploits. Si j’existe autrement qu’à travers de mon art. Peu importe. Je suis contente, c’est le principal. Prendre les petits bouts de bonheur que ma vie m’offre est toujours ça de pris.

Ma joie s’interrompt par une voix acerbe.

Je tourne ma tête vers la direction d’où provient le son. Aussitôt, un visage imprégné de rancœur se matérialise au-dessus de moi. Mon cœur me donne un coup et me réveille, me ramenant deux ans en arrière.

Ashley.

La fille populaire. Charme naturel, beauté saisissante, stylée. Elle maîtrise parfaitement l’art de se faire remarquer, que ce soit par ses vêtements tendance, sa coiffure et son maquillage impeccables. Elle me ressemble physiquement, pourtant, elle est tout mon contraire.

Ma rivale.

Entourée de sa bande de copines, similaires à des petits chiots, qui sont toutes aussi populaires grâce à elle. Ils la suivent, toujours. Quelle que soit la circonstance, et ce, même si Ashley se trompe de chemin.

Un groupe et son leader influant sur le campus.

Cependant, cette fille n’a jamais pu être mon amie. Pourtant, j’ai essayé au début. Je la croyais sympa.

Il y a deux ans.