Fyctia

À l’écart de tous, Camille et moi nous sommes appropriés deux tabourets au bar, loin de l’euphorie de la foule, alcoolisée. Une certaine gêne s’installe entre nous. Nos sourires timides se rencontrent en même temps que nos regards brillants.

— C’est bizarre, qu’il soit toujours avec ses potes ce soir, me fait remarquer Cam, en parlant de Noah.

Je balaye l’air d’un geste de la main.

— Ce sont les sportifs ça ! Ils fêtent leur victoire.

Il exécute une moue approbatrice.

— Toi, t’as le maillot.

Je tire sur mon haut, puis forme une mine de dégoût.

— Et son odeur est horrible ! ris-je.

Il porte son verre à la bouche, puis en boit une gorgée, ne me lâchant pas du regard. Ce type possède un truc qui me fait trembler, rien qu’avec ce geste. Et ses iris noisette ressemblent à deux flammes incandescentes.

À partir de quand pouvons-nous oublier quelqu’un qui nous hante jour et nuit ?

Quand il termine son opération, il le pose sur le comptoir et observe la piste avec intérêt, l’espace de quelques secondes. Ma gorge dégage un chat invisible, puis je détourne mon attention de ce mec ténébreux qui éveille mes sens un peu trop. Je remarque que le champion le dévisage de temps à autre.

— Tu n’aimes pas son odeur naturelle donc, reprend-il sans me regarder.

Merde.

— Je crois qu’il te scrute pour vérifier que sa propriété ne se fait pas chiper, dis-je à la place.

Son attention me revient et mon cœur me donne un coup au moment de l’impact.

— Je n’ai pas l’intention de te voler. Tu le sais. Je suis juste ton ami.

J’acquiesce en déglutissant difficilement. Il marque un temps. La musique devient plus douce.

Je cherche Noah des prunelles. Il a disparu.

— Cela dit, il n’a pas l’air vraiment jaloux. Ni, te rejoindre pour t'entraîner sur la piste, poursuit-il.

Ses yeux glissent sur ma bouche. Mon cœur rate quelques battements, de peur qu’il ne m'invite, lui. Parce que je ne pourrais pas le suivre. Même en considérant que c’est mon ami et rien d’autre. Que nous pouvons danser, puisque nous ne ferions aucun mal. Je préfère m’abstenir.

C’est plus prudent.

Je risque de faire une bêtise, comme l’embrasser devant tout le monde. Et ça, c’est impossible.

— Nous aurons toute la soirée, ensuite. À l’abri des regards. Chez lui, lui réponds-je.

Il hoche la tête de haut en bas lentement. Son doigt hèle le serveur.

— Un autre coca s’il vous plaît, lui demande-t-il.

— C’est bizarre que tu ne boives pas d’alcool, maintenant, remarqué-je.

Cela dit, celle qui en prenait trop, c’était moi. En cachette, en plus.

— Disons que je n’aime plus trop. Je préfère garder mes moyens, ce soir.

Une seconde passe, avant qu’il ne poursuive, après avoir humecté ses lèvres. Je l’imite en miroir. Ses pupilles s’enfoncent encore plus dans les miennes, fouillant quelque chose au fond de moi. Ça me déstabilise.

— Au risque de faire une connerie.

Sa phrase me fait trembler, m’envoie une décharge électrique à distance.

De quoi parle-t-il ?

M’embrasser ?

Il ne vaut mieux pas que je relance le sujet. Il doit arrêter avec ses sous-entendus.

Une voix nous interrompt. Et tant mieux, je suis soulagée de ne pas devoir creuser sa dernière réplique.

— Ah te voilà, beauté !

Cam se crispe. Je préfère ne plus le fixer. Noah glisse son bras sur mes épaules et m’assène un baiser sur la tempe. Puis, il s’adresse à mon ami à nouveau.

— Tu t’amuses bien, mec ?

Je cligne des yeux et regarde Cam. Sa langue qui passe sur sa lèvre inférieure avant de répondre me donne envie de…

Bordel. Je ne peux pas.

— Oui, c’est sympa.

Mon petit copain agite son doigt devant le nez de Cam.

— Non. Parce que tu as besoin d’autre chose. Tu sais de quoi ?

Cam secoue la tête en exécutant une moue. Je retiens mon souffle. J’espère que Noah ne fera pas d’esclandre. J’ai l’impression qu’il a déjà trop bu.

— Qu’on apporte la guitare ! hurle-t-il.

J’écarquille les yeux et Cam en fait de même. J’ignorai que Noah possédait son instrument ici.

— Ce soir, chers amis, le meilleur musicien de Roxane va jouer pour moi ! Il excelle à la batterie, à la basse et à la gratte.

Des sifflements nous percent les oreilles, des cris historiques des filles s’ajoutent et Camille se voit contraint d’accepter. Noah observe mon ami avec intensité, puis, il se tourne vers moi, me sourit, avant de grimper sur le tabouret à côté du mien.

— Ce sera une soirée mémorable, beauté. Jamais personne ne m’a fait un concert privé, me dit-il d’une voix rauque.