Fyctia
Chap 5.2 (Eden)
Le poids du chagrin qui m’assaille devient trop lourd à porter. Chaque mot prononcé hier ou aujourd’hui, par le type de l’autre côté du mur, sont des couteaux enfoncés dans mon cœur déjà meurtri.
Les larmes commencent à rouler en force, le long de mes joues. Des gouttes salées au goût amer s’écrasent silencieusement sur le sol. Je serre les poings, tentant en vain d'emprisonner mes sanglots qui menacent de m’étouffer. Mais, ils doivent sortir.
Je suis contente d’avoir été capable de retenir ma peine devant lui. Inutile de m’humilier davantage. J’ai déjà donné.
Avec lui. Avec Olivia. Avec d’autres.
Dans le silence oppressant de ma chambre, des souvenirs heureux tournoient dans ma tête, comme des spectres du passé, exacerbant la douleur du présent. Ceux, où lui et moi, nous tenions la main, sans aucune arrière-pensée. Ceux, où il ne se retenait pas de rire. Où il goûtait mon soda, mêlant sa salive à la mienne dans mon verre. Où il me volait une myrtille au petit déjeuner et que je produisais une petite tape sur ses doigts pour le gronder en me marrant. Où nous partagions notre cheese-cake avec la même cuillère…
Ai-je tout gâché, en lui déclarant ma flamme ? Non.
Parce que j’ai l’impression qu’il le désirait au fond de lui. Sinon, pourquoi aurait-il souhaité retenter un baiser un peu plus tard ?
Pour savoir si ce qu’il avait éprouvé le premier soir était normal, quand il touchait la bouche d’une femme. Parce qu’il n’en avait jamais embrassé aucune.
Et me dire après le baiser, devant sa meilleure amie, qu’il n’avait rien ressenti de spécial. Pour lui, j’ai été une sorte d’expérience.
Bordel, ce que j’ai pu être sotte !
Malgré tout, le parfum familier de son odeur musquée flirte toujours avec moi, imprégnée dans l’air, mais, il n’appartient plus qu’au vide laissé derrière lui. Je ferme les yeux, espérant que ce geste stupide permette d’effacer la réalité cruelle qui s’est installée dans ma poitrine.
Il a peut-être eu une réaction chimique, prouvée par son intimité qui durcit, ou son souffle court, mais il ne m’aimera jamais.
D’accord. Soit. Cependant, j'ignore pourquoi maintenant, Cam se comporte comme s’il ressentait quelque chose pour moi.
Pourquoi il agit comme un salaud. Encore.
L’été dernier, j’ai saisi. Il se cherchait, ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait, tentait de découvrir ce qu’il éprouvait pour moi. Il en avait parlé à sa meilleure amie, lui a laissé frôler ses lèvres d’un doigt, pour lui faire comprendre la différence avec moi. Déceler s’il ressentait ça quand il touchait la bouche d’une fille, pour comparer avec ce qu’il avait déjà senti en embrassant un garçon. Il était paumé, ne savait plus qui il était. Quelque part, je peux le consentir, même si j’ignore ce que ça fait, puisque je ne suis pas lui.
L’été dernier, j’ai compris qu’il ne souhaitait aucune liaison avec moi, parce qu’il vivait à Paris et qu’il ne croyait pas aux relations à distance. Il me l’avait dit. Il l’avait affirmé à Roxane, quand elle lui a exprimé ses sentiments envers Morgan et que leur séparation était imminente, le départ pour Paris ayant sonné le glas.
Mais là, j’ai beau chercher, je ne capte pas.
À Noël, il m’a répété qu’il ne voulait rien savoir de moi. Soit. Chacun éprouve ce qu’il éprouve.
Personne ne peut obliger quelqu’un à aimer quelqu’un d’autre s’il ne le désire pas.
J’ai compris qu’il est revenu étudier sur le même campus que moi, parce qu’il est en contrat déterminé, avec la boîte de production de mon père, pour travailler avec Roxane.
Qu’il ne veut toujours pas de moi. Soit.
Seulement, à quoi rime sa manière de faire ? Si justement, il ne veut pas de moi ?!
J’ai bien remarqué ce matin, quand il nous observait Noah et moi. Son visage transpirait une colère sourde et latente et la façon qu’il avait de retenir mes pupilles, m'alertait. Sa manière si puissante de brûler ma nuque avec ses regards appuyés, de désigner Noah d’un doigt pour demander des explications sur lui à Will… ressemblait à de la jalousie. Et s’il se montre jaloux… il doit tenir à moi.
Pour me rejeter encore quelques heures plus tard.
Dans l’intimité de la pièce, engloutie par le néant, ma peine devient une ombre noire qui me submerge. Les étoiles que j’ai jadis accrochées dans le ciel de mes rêves semblent s’éteindre une à une, laissant place à une nuit sans fin. Puis, c’est là que mon sanglot échappe à mon contrôle et que mon âme libère les émotions et les déferle comme une tempête trop longtemps retenue.
Je n’avais pas besoin de ça. Surtout pas venant de lui.
Mais, je ne suis plus la même moi non plus. Je suis plus forte que tout.
Au bout de quelques minutes, au moment où mes pupilles s’assèchent, que mon cerveau cesse de me martyriser, je me sens beaucoup mieux. Roxane a raison, laisser couler ses émois est vital pour retrouver la sérénité.
Et sa résistance face aux épreuves.
Je me redresse, puis efface les traces de mon désespoir sur mon visage. J’ai besoin d’une douche. En prenant la direction de ma salle de bain attenante, un appel entrant m’en empêche. Je fouille dans mon sac et y sors mon iPhone. Je souris en remarquant le correspondant et j’appuie sur la touche verte.
— Bonjour papa, dis-je d’une manière joyeuse.
— Bonjour chérie, tu vas bien ? Tu as l’air bizarre au téléphone.
J’inspire puis expire longuement.
Seul mon daron détient ce pouvoir : reconnaître mon désarroi à travers ma carapace que je remets à chaque fois qu’une douleur se fait trop vive.
Dire que tout le monde me pense heureuse et pleine de vie, alors qu’à l’intérieur, j’ai mes craintes qui reviennent à chaque fois que je pose le pied sur le campus ! Alors qu’un arc a transpercé mon cœur.
Alors que je suis détruite.
6 commentaires
D. Verton
-
Il y a un an
Josepina(Jojo)
-
Il y a un an
Solann
-
Il y a un an
Eva Baldaras
-
Il y a un an
Solann
-
Il y a un an
Eva Baldaras
-
Il y a un an