Fyctia
Chap 5.3 (Eden)
— Ça va, papa. J’ai juste du mal avec Camille.
Il pousse un soupir.
Il devine.
— Je vois, me répond-il septique. Je rentre bientôt, tu n’auras plus besoin de rester chez Morgan trop longtemps.
— Je saurai l’éviter. Le plus dur sera à l’université, nous avons des cours en commun, lui dis-je en parlant de Cam.
Nouveau soupir. Pas envie d’épiloguer sur mon triste sort, je crois que Cam a compris, quand j’ai failli lui casser le nez tout à l’heure.
Que je ne veux plus de son amitié non plus.
Un sourire s’évade de mes lèvres et réchauffe pour la première fois mon palpitant depuis l’épisode que je viens de vivre. Son expression interdite, juste avant qu’il ne constate mes intentions était risible. Je continue, sans laisser le temps à mon père de poursuivre sur le chemin de mes sentiments.
— Et toi papa, ça se passe comment à Paris ?
Il prend une profonde inspiration. Nous sommes tous les deux dans le même bateau. Moi, à aimer encore le mec de la chambre d’à côté et lui, à espérer encore que son divorce n’aura pas lieu. Nous sommes pathétiques.
Décidément, nos épreuves nous rapprochent de plus en plus.
— Disons que c’est difficile d’être assis sur la chaise à côté de ta maman, à discuter avec un inconnu, d’une manière naturelle, comme si de rien n’était, en attendant qu’il clôture notre dossier. Et que nous allons payer la prestation, une fois qu’il aura rédigé tout correctement, comme si nous concluions un marché immobilier. Il nous parle… comme s’il savait toute l’histoire.
Il soupire encore.
— En réalité... Ta mère a eu raison de quitter notre foyer, partir dans son pays natal et demander officiellement notre séparation. Sans ça, elle n’aurait sans doute jamais attiré mon attention.
— Papa…
Heureusement qu’il me coupe, parce que j'aurais validé sa thèse. C’est sa faute. Il n’a pas su attraper cette aubaine de l’amour de ma mère.
Il n’a pas su se rendre compte qu’il l’adorait comme un fou, il ne l'a pas retenue. Et maintenant, c’est trop tard.
Et si Cam… était comme mon daron ?
Je secoue la tête et efface mon idée idiote de mon esprit. Je suis avec Noah, pourtant Cam s’en fiche. Pourquoi dois-je à tout prix trouver des similitudes avec l’histoire de mon père ?
Pour papa c’est trop tard.
Et pour moi aussi.
— Mais finalement à quoi ça sert à présent ? Je l’ai perdu pour de bon. Je le mérite amplement. Et maintenant, il ne me reste plus qu’à la voir heureuse, avec un autre.
Il laisse passer un silence horrible avant d’ajouter un complément qui pince ma poitrine.
— Bordel Eden, ça fait un mal de chien de l’imaginer avec un autre…
Sa voix est si triste que mon cœur se serre.
— Tu n’aurais jamais dû accepter d’avoir le même avocat, lui dis-je comme si ça pouvait résoudre son problème.
— Pourquoi pas ? Après tout, nous ne sommes pas fâchés. À quoi rimerai de prendre un second avocat ? Tu crois qu’on ne les paye pas assez grassement ces types ?! Putain.
Son ton se transforme presque en colère, de celle qui accuse le médiateur qui va séparer leurs biens et leurs corps. La manière dont il a juré, alors que d’habitude il se contient en ma présence en dit long sur son état émotionnel. Puis, il redevient triste. Sombre. Abattu. Vide.
Malgré tout, j’adore qu’il se montre humain, devant moi.
— J’ai juste oublié que ta mère existait. J’ai juste oublié de me rappeler que je l’aime comme un fou. Et ça m’emmerde Eden, parce que certaines choses ne se rattrapent jamais.
Un nœud se forme dans ma gorge et menace à tout moment de rompre, pour libérer encore mes émotions. La vie est si triste parfois.
— Et maintenant, c’est trop tard, conclus-je.
Cinq secondes passent. Interminables. Pendant lesquelles je me demande ce qu’il fout, où il se trouve. S’il a discuté avec maman, en dehors de leur affaire. Il brise le silence en prenant un ton faussement gai.
— Et ta première journée sur le campus ?
Il change de sujet et il a raison. Ressasser un amour perdu ne sert à rien, sauf à nous rendre le quotidien encore un peu plus pénible.
Sa carapace est semblable à la mienne. C’est dingue à quel point nous nous ressemblons.
Moi non plus papa, je n’avais pas calculé ton existence avant.
— Très bien. Noah est parfait.
— Et, Olivia, tu l’as revue ?
Mon père connaît l’histoire avec ma meilleure amie. Enfin, celle d’il y a deux ans… que j’ai bien voulu lui raconter.
À quel point elle m’a déçue, et le mot est faible. Elle a marqué un tournant dans ma vie : celui où je me suis rendu compte que parfois, les personnes dans lesquelles tu as le plus confiance s’avèrent être néfastes.
Finalement, elle m’a aidée, à toucher le fond. À partir en Californie. Et, à avoir la force de revenir, pour lui montrer à quel point, j’ai changé. Un bien pour un mal, je suppose.
Je ne me laisserai plus intimider.
Plus jamais, ça.
— Disons que je ne la calcule pas et elle non plus. Elle traîne avec les chiots de Ashley maintenant.
— Et Ashley ? Comment ça se passe avec elle ?
Décidément, mon père a bonne mémoire, alors que je pensais que tout ce qui s’est déroulé dans ma vie il y a deux ans était complètement aveugle à ses yeux.
— Oh, elle est toujours imbue de sa personne et adore avoir une tonne d’admirateurs à ses pieds. Sinon, elle se contente de se déhancher devant moi avec un air de dédain qui lui va comme un gant, ris-je alors qu’au fond, je me souviens de sa vraie nature.
Et que j'ai la ferme conviction qu’elle reviendra vers moi, tôt ou tard.
Cette fois, je suis préparée. Et prête à l’affronter.
— Tant mieux. Si jamais ça recommence, tu sais que tu peux m’en parler. Enfin, non, j’exige que tu m’en parles.
Je lève les yeux au ciel.
— Je ne suis plus celle d’avant, papa. Et depuis que tu ne t’occupais plus de moi, j’ai muri et suis devenue plus résistante, tenté-je de plaisanter.
— Merci de me rappeler que j’ai été nul dans ma fonction.
— Désolée. Ce n’était pas mon intention.
— Mais tu as raison. Et je vais changer, pour toi. Je veut retrouver ma fille. Je souhaite qu’elle me fasse confiance. Et surtout, je ne veux pas que tu souffres une nouvelle fois. Donc… si,
— Papa, je suis en sécurité. Je ne suis plus seule. Tu n’as pas à t’inquiéter, le rassuré-je en l’interrompant.
Deux secondes s'écoulent.
— D’accord.
Ma main resserre mon téléphone portable sans raison.
— Je vais te laisser, je suis fatiguée, lui dis-je.
— Dit-elle élégamment pour souffler en douceur à son père de lui foutre la paix, rit-il.
— Exactement ! plaisanté-je.
Deux secondes passent.
— Je t’aime, Eden.
Mon souffle se coupe, je bats des cils une fois. Je crois que jamais il ne m’a dit qu’il m’aimait. Clairement.
— Moi aussi, papa. Je t’aime.
À l’autre bout du fil, son soulagement est perceptible.
Au moment où je raccroche, un sourire étire mes lèvres.
J’ai retrouvé mon père. J’ai Noah.
Plus rien ne m’atteindra sur le campus.
Je suis heureuse. Tout ira bien à présent. J’oublierai Camille.
Je dois juste me le répéter plusieurs fois pour en être convaincue.
Oui, juste, une tonne de fois. Et ça ira mieux.
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D. Verton
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Josepina(Jojo)
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Alexandra Prevel
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LAETITIA SHAYDEN
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