Fyctia
Chap 5.1 (Eden)
Mes yeux s’embuent par des larmes retenues avec peine. Je fixe un instant, la porte que je viens de lui claquer au nez, me demandant s’il se trouve toujours derrière. Pire, supposant que je pourrais l’ouvrir et me serrer contre lui une dernière fois en guise d’adieu. Ce que j’ai ressenti tout à l’heure blottie dans la chaleur de son corps est autant indescriptible qu’irréel. Force est de constater que mes sentiments envers Cam n’ont pas changé. Pire… ils augmentent d’intensité à chaque fois que ses yeux déciment les miens. Seulement, les mots de rejet résonnent encore dans mon esprit. Une mélodie douloureuse que j’aurais préféré ne plus jamais entendre.
Je m’adosse contre le bois de la porte, tête contre elle. Mes paupières se ferment, laissant cette fois échapper le liquide lacrymal qu’elles ne parviennent plus à emprisonner. Ce mec est dur, comme de la pierre. Dans le noir, son palpitant battait si fort contre ma poitrine, que j’avais la sensation qu’il souhaitait communiquer avec le mien. Lui dire que son maître rejette toujours ses sentiments, alors qu’au fond, il veut de moi. Son cœur ne ment pas. Et ses paroles, empruntent de doutes…
J’ignore la raison qui le pousse à nier l’évidence. Ni celle de me blesser avec ses mots glacés. Quelque chose de lourd pèse dans la balance.
Peu importe les motifs, l’amour ne se force pas et il ne veut pas de moi…
Le souffle court, je glisse lentement le long de la porte, sentant le froid du bois contre mon dos, puis le sol réconfortant du parquet qui irradie de chaleur.
C’est alors que je me rappelle. Encore et toujours. Mitraillant mon cerveau avec les souvenirs. Pour y déceler quelque chose, un détail qui m’aurait échappé. Je tente de recomposer le puzzle des évènements, depuis que je l’ai vu pour la première fois, dans la cuisine de Morgan. Ne portant qu’un short, montrant fièrement ses cuisses musclées. Son torse, d’athlète, sans trop d’exagération, m’a fait baver. Son visage masculin, ses cheveux bruns ébouriffés et le voile de ses iris noisette qui me pénétraient avec force…
À cet instant, j’ai deviné que j’étais perdue.
Parce que mon coup de cœur a été si intense que je me voyais déjà mourir entre ses bras.
Parce que Roxane, sa meilleure amie, m’avait appris quelques secondes plus tôt, qu’il n’aimait pas les filles. Seulement, je ne sais pas, il avait cette espèce de lueur au fond de ses yeux, qui semblait me parler. Me dire qu’il existait un espoir pour qu’il me remarque.
Puis, quand il a occupé sa place de batteur dans le groupe de Lucas, qui devait accompagner Roxane au cours de son premier concert et enregistrait la bande-son de son premier album, nous sommes devenus amis. Nous avons partagé des tonnes de rires, des tonnes d’anecdotes. Tout était parfait entre nous. Et, tout a dérapé un soir, alors que nous fêtions le succès de Roxane.
Au Fat Cat. Le repère des musiciens à Greenwich village. Je n’oublierai jamais.
J’avais pourtant acté qu’il était homo et que par définition, il ne pouvait pas être intéressé par moi. Cependant, lorsque j’ai accepté de danser avec lui, sur la chanson de "Crazy in Love" de Beyoncé et Jay-Z ., tout a basculé, dans l’univers de tous les possibles. D’abord, nous gigotions l’un devant l’autre, comme des fous, au son de la musique s’élevant au-dessus de la piste, puis, sans comprendre comment, nous ne nous sommes retrouvés face à face. La Terre s’est arrêtée de tourner, au moment où il s’est approché de moi, avec ce regard ténébreux, sa chemise blanche dont les manches étaient relevées au niveau de ses coudes, puis, il m’a attiré vers lui, puissamment. Et, à la seconde où nos corps se sont plaqués l’un contre l’autre, à la seconde où le murmure de sa voix a filtré dans mon oreille pour me dire qu’il était perdu… Dès l’instant, où son souffle chaud a percuté ma peau… à la minute, où il a resserré son étreinte, mon cœur m’a rappelé qu’il représentait plus qu’un crush pour moi. Qu’il hantait toutes mes nuits, et mes jours, qu’il soit là, ou pas. Qu’il paraissait avoir lâché toute résistance qu’il semblait détenir jusque-là. Et qu’il me donnait l’impression de ressentir la même chose.
Son pouce a pressé ma lèvre inférieure et son visage s’est approché du mien. Puis, lorsque nous nous sommes écartés, nos pupilles ont plongé dans l’abîme de l’incompréhension. Et, il a déguerpi sans un mot pour rejoindre la table que nous avions réservée pour le groupe. Mon cœur s’est comprimé si fort, que j’ai failli m’évanouir sur place. Dans un moment de panique, pour échapper à je ne sais quoi, j’ai appelé Morgan, pour qu’il vienne nous chercher. Et, à l’arrivée de mon frère, Cam et moi l’avons abandonné quelques instants en compagnie de Roxane, pour nous enfuir aux toilettes avant de prendre la route. Nous nous sommes arrêtés dans le couloir. Je lui ai déclaré ma flamme. Il a poussé un gémissement, m’a avoué qu’il désirait mes lèvres. Et moi, j’en étais au même point. Ses mains ont encadré mon ovale, sa bouche s’est approchée de la mienne et c’est là que l’irréparable a été réalisé : je l’ai embrassé sur la bouche. Une lueur d’espoir m’a traversée, quand il y a répondu, avec puissance, avidité, pour s’évanouir quelques secondes plus tard, au moment où il m’a larguée. Comme une malpropre.
Il aurait pu me le dire autrement, je n’ignorai pas que mon geste était inadéquat, j’ai agi sous l’impulsion du moment, pensant qu’il le désirait autant que moi. J’y avais vu des signes. Il m’avait pourtant confié qu’il en avait envie. Mais non. Il m’a rejetée, en se retirant brutalement et me crachant une phrase de refus avec force.
Je ne t’aime pas.
Je suppose qu’il ne comprenait pas comment nous en étions arrivés là et que sur le moment, il ne savait plus comment réagir. Mais, son message était clair. Et je l’ai accepté, me sentant ridicule et dévastée.
Plus tard à la maison, j’ai tout raconté à Morgan. Il m’a consolée et m’a rappelé avec délicatesse que le batteur m’avait prévenu de ses préférences sexuelles. Bien sûr, il avait raison. Cependant, ce soir-là, quelque chose s’est détruite en moi. J’ai eu du mal à me relever. Quand il est parti au bout du monde, je lui ai adressé des messages. Pour savoir. Pour comprendre. Pour m’excuser. Nous étions amis après tout, même si j’étais consciente que j’avais gâché quelque chose de vital entre nous.
Toutes les tentatives qui ont suivi ont été un coup d’épée dans l’eau. Il ne m’a jamais pardonné.
Je ne suis qu’une idiote, qui a formulé le vœu qu’un jour lui et moi serons ensemble pour de vrai. En couple.
Parce que ça n’arrivera jamais.
Jamais.
12 commentaires
D. Verton
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Il y a un an
Kate A Brennam
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Il y a un an
Eva Baldaras
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Il y a un an
SterennCn
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Il y a un an
Eva Baldaras
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DanaRoccia
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Il y a un an
Eva Baldaras
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Il y a un an
Solann
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Eva Baldaras
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wendy thévin
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Il y a un an