Fyctia
Chap 1.2 Décembre (Camille)
Il hoche la tête plusieurs fois de suite, puis Morgan-père me salue à son tour. Ensuite, Fabio et Céline, les parents de Roxane, viennent me serrer dans leurs bras. Ils font souvent le déplacement de Paris pour leur fille. Enfin, disons que ma meilleure amie leur envoie des billets d’avion et qu’ils sont heureux de pouvoir venir.
Elle me fait la bise, et lui, produit des tapotements sur mon épaule.
— Content de te revoir Camille, comment te sens-tu ? me demande la maman de Roxane avec un œil compatissant.
Je prends une profonde inspiration.
— Très en forme et prêt à relever le défi que ta fille m’impose, tenté-je de blaguer.
Ses pupilles sont traversées par une lueur de tristesse avant de s’éclaircir. Elle sait.
Et moi, je suis un lâche.
— Je n’ai rien dit à Roxane, si c’est ce qui te préoccupe. Parce que tu le lui diras toi-même, quand le moment sera venu. Mais, ça ira, Camille, très bientôt, m’affirme-t-elle.
Je hoche la tête par automatisme, tandis que je remarque que Fabio se rend du côté cuisine pour aider Morgan à préparer je ne sais quoi. Céline disparaît elle aussi pour terminer de disposer des mini sapins sur la table.
Morgan-père s’approche de moi avec un verre que j’accepte. Ce mec est un homme d’affaires avant tout, je suis certain qu’il va me parler de mon contrat éphémère. Habillé en costume à la James Bond, comme son fils, il incarne la réussite à l’américaine. Il m’entraîne jusqu’aux tabourets qui entourent l’îlot central. À destination, je m’assieds en jetant un œil devant moi. C’est dingue, Fabio rit aux éclats avec son presque beau-fils. Qui aurait cru cela, alors qu’il détestait chaque type qui posait un regard sur sa progéniture ? Moi, j’étais un pass, pour Roxane. Sans moi, elle n’aurait jamais pu quitter le nid, partir à l’étranger loin de ses parents, l’été dernier, et commencer sa carrière de chanteuse professionnelle. Fabio et Céline m’ont fait confiance.
Confiance.
Les temps changent. Parfois, en mal.
— Pas trop dur de t'envoler loin de ta famille et de ta vie en France ? me demande-t-il.
Je lève un œil vers lui, détachant un instant mon cerveau du fil de mes pensées.
— J’ai presque 22 ans, dis-je comme si c’était la bonne réponse.
— Une décision comme celle-là est difficile à prendre, même à 50 ans, comme moi.
J’exécute une moue et affiche un sourire de façade. Pour montrer que je suis heureux, alors qu’à l’intérieur, je suis déchiré.
Mais je ne suis pas le seul. Derrière son étirement de lèvres, M. Smith cache une tristesse visible. Faute à lui, qui n’a pas su comprendre à temps qu’il tenait à son ex-femme. La daronne de Eden. Qu’il était trop con pour effacer le chagrin du décès de sa première femme, pour laisser la place à sa nouvelle existence. Enfin, je suppose. Finalement, qui peut deviner ce qui se trame dans la tête des gens ?
S’ils savaient à quel point mon âme est abîmée…
Je prends une forte inspiration.
La vie parfois, c’est de la merde. Croire que nous pouvons nous essuyer avec un chiffon magique qui fera disparaître toute la crasse n’est qu’une utopie.
— Roxane est tout ce qui me reste à présent.
Ma réponse tranche la joie de la chanson de Mariah Carey qui chante « All i want for Christmas is you ». Le roi de la maison de disque américaine la plus populaire de la place incline sa tête et me sonde.
— C’est étrange, Eden m’a soufflé la même chose une fois. Enfin, disons qu’elle m’avait craché que Morgan était tout ce qui lui restait, après le départ de sa mère pour Paris.
Ma bouche s’entrouvre. J’ignore pourquoi je songe à ça : la tristesse de Eden quand je l’ai quitté.
— Et c’était vrai à l’époque. Ça s’est arrangé entre vous ?
Il exécute une moue pensive en faisant tourner son whisky dans son verre.
— Un peu. Depuis que je l’écoute d’une oreille plus attentive. Au sujet de son amour perdu, depuis cet été.
Il avale le liquide d’un trait, en m’inculpant de son regard perçant, pendant que je me décompose.
— Je n’ai jamais voulu lui faire du mal. Rien ne s'est jamais passé entre nous.
Un baiser de son initiative, que j’ai validé et qui m’a paumé, un second baiser, à mon initiative, qu’elle a accepté, pour savoir ce qui s’était passé en moi au moment du premier.
Et un second n’appelle jamais un troisième.
— Tu n’as pas à te justifier. Chacun fait ses choix. Elle t’aimait, toi pas. Ce que je veux te demander, Camille, c’est de la laisser tranquille, si tu ne veux toujours pas d’elle. Elle a assez souffert comme ça.
Un spasme contracte mon estomac.
— Je n’ai aucune intention de la relancer. J’ai été clair avec elle avant de partir. De toute manière, j’étudie à New York et elle, préfère Stanford. Nous ne nous verrons plus. C’est la meilleure chose à faire, pour elle et pour moi.
Elle est allée retrouver son beau Californien. Et moi, je ne suis plus le même.
Ses yeux me scrutent avec une lueur étrange. La mimique qu’il exécute est bizarre.
— Tu es maître de tes actes, tu es majeur. Fais ce qu’il te semble le mieux pour toi. Je voulais juste te dire que ma relation avec ma fille s’est améliorée, histoire de converser un peu tous les deux.
Je hoche la tête en pilote automatique, ne saisissant pas très bien son allusion. Mais, je ne lui demande pas de creuser. Il conclut.
— Tu as du talent pour la musique, je suis content que tu aies signé avec ma maison pour la tournée de Roxane l’année prochaine.
Puis, il dégage sans un mot, pour se resservir un verre.
L’ambiance semble joyeuse autour de moi. Alors, pourquoi suis-je aussi triste ?
À cause du mal qui me ronge.
Je porte le mien à la bouche et grimace quand je constate que c’est du whisky. Je pivote vers le mur et en cachette le recrache.
Pas d’alcool.
Je tourne mon buste en direction de la table de la salle à manger, prête pour le festin à venir. Une nappe blanche immaculée est recouverte d'une belle vaisselle et de couverts en argent. Des bougeoirs en cristal et des petits arrangements de fleurs rouges ajoutent une touche d'élégance, tandis que des serviettes pliées en forme de sapin sont disposées avec soin sur chaque assiette. Le chemin de table aux couleurs de Noël agrémente le tout.
A présent, Jingle bells résonne doucement dans l'appartement, créant une ambiance joyeuse et festive. Cet appartement décoré pour le réveillon est un véritable sanctuaire du bonheur, rappelant à chacun l'esprit de partage, d'amour et de célébration qui accompagne cette période de l'année.
La paix, qui devrait m’enivrer, mais qui ne m’atteint plus depuis plus de 90 jours.
Je frotte ma paume sur mon visage, puis je me lève en direction de la baie vitrée. Je respire l’oxygène à pleins poumons et mes paupières se ferment.
J’espère que tout se passe bien pour elle. Et qu’elle peut au moins regarder la neige tomber depuis sa chambre à Paris. Être impuissant putain, me tue.
Le noir qui m’entoure me rassure.
Et me fait oublier ce que je ne veux plus me rappeler.
— Eden, enfin, tu es là !
9 commentaires
D. Verton
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Josepina(Jojo)
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Eva Baldaras
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Solann
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VMOlympe
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AnneFerra
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