Fyctia

“Tu as bien raison Liam, aucune raison de s’inquiéter, tu guéris vraiment vite”

Toujours aussi peu curieux sur ses facultés, Liam s’installe à la table avec sa mère et tous deux restent silencieux jusqu’à ce qu’elle retourne à la chapelle poursuivre sa lecture. De son côté, il décide simplement de retourner se coucher, fatigué par les événements de la journée.

Mélia passe la nuit perdue dans ses livres, inquiète. Si ce qu’elle a lu au sujet de ce poison est réel, il devrait être mort depuis longtemps déjà !

Ajouté à cela, la mention de la pierre la trouble. Malgré ce qu’elle a dit, elle sait de quoi Mirco voulait parler. Après 21 ans, il semble que le secret ne pourra plus durer, surtout pas avec cet inconnu qui rôde. Paniquée, elle ferme les yeux et se concentre sur sa respiration pour tenter de calmer les palpitations de son cœur affolé.

***

La nuit est noire quand l’homme entre furtivement dans l'infirmerie, prenant soin de ne pas faire sonner la clochette. Furtivement, il se rend aux côtés de Mirco, toujours inconscient, et jette un coup d’œil autour. Rassuré d’être seul, il range le poignard à sa main et prend une fiole dans la poche intérieure de son vêtement. Lentement, il en verse le contenu entre les lèvres du jeune homme, puis il place sa main fermement sur sa bouche.

À peine quelques secondes plus tard, Mirco s'agite soudainement et ouvre des yeux affolés, immédiatement en proie à la panique en sentant sa respiration coupée. Dès qu'il croise le regard de l'homme, il cesse de se débattre et l'homme retire alors sa main. Sans une parole, son sauveur lui fait signe de le suivre. Se levant du lit, le jeune homme prend quelques secondes pour dissiper l'étourdissement qui le saisit avant de sortir dans le plus grand silence.

Dehors, l'inconnu lui remet une grande robe à capuchon, similaire à la sienne, et lui ordonne de se couvrir entièrement. Mirco sait que l'homme ne l'a pas aidé par simple bonté d'âme et il sent une grande nervosité monter en lui alors qu'il voit la destination de leur marche rapide : la taverne.

Comme à chaque fois, le mystérieux individu choisit une table au fond, dans la pénombre, et l’invite à s'asseoir, faisant dos au bar. En cette heure tardive, la taverne est remplie de villageois enivrés. Le bruit et l'odeur qui règnent dans l'établissement sont presque impossibles à supporter, même pour Mirco en ce moment alors qu’il sent sa tête sur le point d'exploser. Posant une main sur sa tempe, celle où il a reçu le coup de Liam, il se masse pour essayer de dissiper la douleur. Un instant, il songe à se retourner et à s'enfuir, mais il sait bien que s'il le fait, non seulement l'homme le retrouvera, mais en plus il s'en prendra à son père et à Sarah.

À peine assis, il voit l'homme lever le bras et appeler la serveuse qui ne vient habituellement jamais dans ce coin de la salle. N'ayant aucune envie de boire en ce moment, Mirco baisse simplement la tête alors que l’interpelée arrive près d’eux.

— Ma chère, puis-je vous suggérer de vous asseoir avec nous un moment ? lance l’home d’une voix grave, faussement amicale.

Surpris de l'invitation lancée par son compagnon, le jeune homme lève les yeux. Reconnaissant Sarah, il sent son cœur se figer dans sa poitrine et il baisse de nouveau le regard avant qu’elle ne croise le sien.

— Merci de l'invitation mais je ne peux accepter. Je dois servir les autres clients…

— Pardonnez-moi, mais j'insiste…

Prenant fermement le bras de la jeune femme, le sombre individu la force à s'asseoir près de lui en lui retirant sans délicatesse le plateau de service quelle tient à la main. Inconfortable, la pauvre tente de se relever, habituée aux réactions impolies des hommes à la taverne après quelques consommations. Posant les mains sur la table, elle entreprend de se relever mais se retrouve rapidement maintenue par une main puissante qui lui serre le bras, à la limite de la douleur.

— Cela ne prendra que quelques minutes… poursuit l’homme avec un regard menaçant fixé sur la jeune femme apeurée.

Cherchant à se libérer, cette dernière sent soudainement une vive brûlure au bras. Instinctivement, elle cherche à appeler de l'aide, mais aucun son ne sort pourtant de sa gorge. Elle prend alors conscience de l'engourdissement qui gagne tout son corps et voit l'homme qui la fixe maintenant d’un regard profondément mauvais.

— J'ai besoin de vous pour faire comprendre à mon ami ici présent l'importance de sa mission…

Assistant impuissant à ce qui arrive, Mirco voit bien que son amie ne parvient pas à bouger depuis que l'homme l'a forcée à s'asseoir à la table. Croisant cette fois son regard, il sent une terrible honte l'envahir. Paralysée, elle ne peut rien dire, mais il voit dans ses yeux la peur et il sait qu’elle l’a reconnu malgré le capuchon…

— Sarah… Je suis désolé…

L'homme se tourne alors vers lui tout en prenant une chope sur le plateau. D’une longue rasade, l'homme vide la totalité de la chope avant de poser son regard sur son comparse, la chope toujours à la main.

— Mon cher collègue, il semble que vous n'ayez pas complété votre part du marché…

— Vous m'aviez dit qu'une simple égratignure serait suffisante pour qu'il tombe inconscient… Je l'ai atteint deux fois et il est resté debout !

— J'avoue que je suis surpris. Cette égratignure aurait dû le tuer en quelques heures en fait.

— Quoi ? Vous m'aviez dit qu'il serait juste inconscient !

— La mort n’est rien de plus qu’une inconscience prolongée mon bon ami. Ce qui est certain, c'est que tu ne m'as pas remis la pierre et ça c’est très mal…

— Mais… j'ai fait ce que vous m'avez dit !

Sans un autre mot, l'homme descend avec force la chope. Le son qui s'ensuit paralyse le jeune homme : celui du craquement de l'os du bras de la jeune serveuse, fracturé par la lourde chope. Toujours paralysée, cette dernière ne peut ni bouger ni crier mais Mirco peut voir l’intense douleur se lire dans ses yeux, alors que des larmes coulent le maintenant le long de ses joues.

— C'est impressionnant de voir que les yeux continuent de réagir malgré la paralysie générale n'est-ce pas ? affirme cruellement son bourreau.

— Arrêtez! Je ferai tout ce que vous me demandez !

— Je savais bien qu’elle pouvait t'aider à comprendre l'importance de ta mission…

Affolé, le jeune homme regarde autour de lui, espérant trouver un quelconque support de la part des villageois. Évidemment, la taverne est et sera toujours un lieu où règne le chacun pour soi. Avec le bruit et la pénombre régnant en maîtres autour de la table, personne n'a même remarqué le geste posé par l'homme quelques secondes plus tôt. Seul avec l'homme et Sarah, Mirco n'a d'autre choix que de le regarder une fois de plus, détournant le regard du visage souffrant de sa compagne.

L'homme tire alors une fine lame de sa ceinture sous les yeux horrifiés du jeune homme. Lentement, il la dirige vers Sarah, son geste masqué aux regards des occupants de la taverne.