Fyctia

Tremblante de colère, la reine fixe le général en se faisant violence pour se contenir.

— Vous me faites presque regretter d'avoir visé votre armure. Dites-moi immédiatement ce qui vous est passé par la tête avant que je perde la mienne !

— Ma reine, je suis responsable de l'entraînement de Xia et vous savez que les accidents sont fréquents lors de ces enseignements. Votre fille le sait très bien...

— Assez ! Vous savez que j'ai posé mes conditions et que le roi les a acceptées. Cette blessure est trop sérieuse pour lui imposer de poursuivre, qui plus est avec le tir à l’arc. Non seulement a-t-elle essayé, mais elle est même parvenue à compléter la tâche à ce que je peux voir.

— Cela ne compte pas, j'ai dit que la flèche devait toucher le centre. Cette petite lame ne servirait à rien devant un ennemi en armure …

Enragée, Zefiel tend la main vers Xia, lui faisant signe de lui remettre une lame que cette dernière pose dans sa main. Sans autre avertissement, sa mère fait un rapide mouvement fluide de son bras et de son corps et projette la lame qui passe si près de la tête de Melchior que ses cheveux se soulèvent à la vue de tous. Le tintement sec de la lame dans la pierre formant le mur loin derrière le général et les éclats qui volent parmi le petit nuage de poussière soulevé par l’impact ne laissent aucun doute sur l’efficacité du projectile.

— Sachez mon cher que ces lames sont beaucoup plus dangereuses qu'elles n'en ont l'air ! Votre armure est-elle plus résistante que la pierre ? Peut-être préférez-vous une autre démonstration avec votre précieuse armure comme cible cette fois ?

— Pa.. pardonnez-moi ma reine…

— Maintenant, laissez-nous et occupez-vous de votre armée ! Je ne veux plus vous voir d'ici le retour du roi ce soir.

— Nous reparlerons de tout cela avec lui…

— Je n'y manquerai pas !

Furieux, Melchior se précipite dans le château sous le regard tout aussi fulminant de Zefiel. Dès qu'il disparaît dans le château, Zefiel chasse sa colère et observe avec attention la blessure de sa fille.

— Ma chérie, que s'est-il passé ?

— J'ai perdu l'équilibre après que Melchior ait lancé ces sphères au sol et Kiel m'a atteint à l'épaule…

— Kiel ! Comment as-tu pu faire ça? Tu…

— Mère, ne la disputez pas, elle n'a pas fait exprès.

Un doute sérieux ancré sur son visage, la reine remarque la coupure à la cuisse de Xia. Levant des yeux furibonds vers Kiel, elle reprend de plus belle.

— Et pour cette blessure aussi tu n'as pas fait exprès je suppose?

Triste de voir sa cousine ainsi réprimandée, Xia pose la main sur l’épaule de sa mère avant de reprendre.

— Mère, je vous en prie, Kiel n'a fait que suivre les directives pour ne pas subir la fureur du général…

Mal-à-l'aise, Kiel garde les yeux rivés au sol. Touchée que Xia prenne ainsi sa défense, elle choisit l’honnêteté.

— J'avoue que pour la coupure à la cuisse j'aurais pu l'éviter mais je me disais que les guérisseurs n'auraient aucun mal à la guérir et que cela faisait partie de l'entraînement. Je suis désolée…

— Au moins je vois que tu es honnête et je t'en remercie. Je vais aller avec Xia voir les guérisseurs. Ramasse les armes et va les ranger, je ne veux plus voir ses horreurs d’ici le retour de ton oncle.

— D'accord. Je vous promets de faire attention lors des prochains entraînements…

— On verra si prochain entraînement il y a. Je vais avoir une longue discussion avec le roi ce soir...

Remarquant le teint pâle de Xia, Zefiel l'entoure de ses bras, puis baisse le regard vers sa blessure, remarquant que le sang a cessé de couler. Plusieurs penseraient que c’est une bonne chose, mais la reine sait d’instinct que ce n'est pas normal pour une blessure aussi profonde, surtout pas après un effort comme celui imposé par l'exercice de tir à l'arc.

— Xia! Tu te sens bien ?

Comme si la question venait de précipiter les choses, les yeux de Xia se retournent et son corps s'affaisse d'un coup dans les bras de sa mère.

— Kiel, laisses tomber les armes et viens m'aider, Xia a été empoisonnée !

— Quoi ? Je vous jure que je ne n'ai rien fait…

— Je n’en doute pas, mais l’arme que tu as utilisée semble avoir été empoisonnée. Aide-moi à apporter Xia à l'infirmerie et après retourne vite chercher l’arme en question…

— D'accord...

Peu après, dans l'infirmerie, c’est la frénésie. À la vue de la princesse et de sa mère, personne ne ménage son énergie. En moins d'une minute, plusieurs guérisseurs rejoignent Zefiel tenant chacun de nombreux ingrédients et potions.

— Qu’est-il arrivé, sa blessure semble plutôt sérieuse… demande le guérisseur en chef.

— Elle a été touchée par une arme empoisonnée lors d’un entraînement organisé par le général… répond la reine qui surveille attentivement la réaction de son interlocuteur.

— Le peu de saignement et la perte de conscience sont en effet étranges pour ce genre de blessure. Nous allons lui administrer les traitements nécessaires, ne vous en faites pas.

— Je vais rester à ses côtés.

— Mais ma reine, la princesse risque de dormir pendant une bonne partie de la journée… Vous pouvez vaquer à vos occupations, je viendrai vous voir dès qu'elle se réveille.

— Non, je reste ! Ma fille vient d'être empoisonnée, croyez-vous que je vais la laisser seule ?

— Mais nous serons tous à ses côtés ma reine…

— Silence ! J'ai dit que je restais, ne perdez pas une seconde de plus et commencez votre travail.

Le ton ferme de la reine met fin à la discussion. Très observatrice, Zefiel a cependant remarqué un bref instant la contrariété sur le visage du guérisseur. Sans en faire de cas, elle grave néanmoins son visage dans sa mémoire afin de pouvoir lui poser des questions un peu plus tard au besoin.

Voyant les guérisseurs commencer à dévêtir Xia, Zefiel s'interpose doutant de la nécessité de leur geste.

— Ne pouvez-vous pas simplement lui administrer une potion ?

— Ma reine, avec la possibilité d'empoisonnement nous préférons utiliser un onguent directement sur la blessure pour neutraliser le poison à la source.

— D'accord mais assurez-vous de bien la couvrir.

— Certainement, ma reine. Je reviens avec une couverture dans un instant!

Voyant le guérisseur glisser subtilement sa main autour de l'anneau à la main de Xia, Zefiel s'élance promptement.

— Que faites-vous !?

— Ma.. ma reine, il est commun de retirer les bijoux afin de ne pas les endommager avec les onguents…

— Je vous interdit de toucher aux possessions de ma fille !

— Ou.. oui ma reine, je suis désolé.

Liant son désir de la voir quitter et sa tentative de retrait de l'anneau, Zefiel ne peut s'empêcher à présent de douter de la motivation du guérisseur... Ne voulant pas éveiller de soupçons, elle se contente simplement de retirer l'anneau en fixant le guérisseur.

Zefiel remarque alors la contrariété sur son visage…