Fyctia

Je n’ai pas eu besoin de classer par catégorie, j’ai trouvé ce que je cherchais directement dans les suggestions du jour. Un gars bien bâti en sodomisait un autre à la peau ambrée, il portait des porte-jarretelles, une robe en taffetas rose pâle et une perruque aux longs cheveux d’un bleu électrique. Je ne savais pas si ce cosplay correspondait à un animé qui existait.

Je baissai le son à la bonne fréquence, celle qui est diffuse mais qui s’entend très bien. Leurs cris de jouissance étaient terribles, vulgaires, décadents. J'ai libéré mes parties de leur prison en coton. Ma main droite s’afférait tandis qu’un mélange de honte, de dégoût et d’excitation imprégnait mes méninges déglinguées par l’épuisement.

Je n’avais pas envie de voir ça. Je voulais me tester, je voulais me confronter à mes paradoxes, à ce qui me plaisait… Mais plus les images hard s'enchaînaient, plus je réalisais que ça ne me plaisait pas. Ça ne me plaisait plus. En seconde, j’avais eu un doute. Une fois changé d’établissement, loin de mes harceleurs du collège, mon éros d’adolescent avait pu s’exprimer : observer discrètement mes camarades de classe dans les vestiaires, feuilleter des hentaï, mâter des pornos... hétéro, bien sûr, et puis… quelques autres, du même style que celui devant lequel j'étais en train de me tripoter. J’ai visionné la vidéo jusqu’à ce que ça sorte, de leur côté de l’écran comme du mien. Je pensais utiliser mes mouchoirs pour éponger ma semence, j’ai d’abord essuyé une larme qui avait perlé au coin de ma paupière. Je voulais ma Nina. Je voulais la prendre dans mes bras, sentir son parfum, embrasser ses cheveux, et m’assoupir sans la lâcher en l’écoutant prononcer mon nom. Le prénom que j’avais choisi, Arthur. Le surnom qu’elle m’avait choisi, Arty.

J’ai terminé de vider le pochon de mouchoirs empilé sur le paquet de feuilles à ma droite – avec mes glandes lacrymales, je précise. Mes yeux embués se sont posés sur le papier que j’avais ramassé devant la déchiqueteuse et que j’avais abandonné ici, un soir, en vidant mes poches de pantalons. J’aurais dû aller me coucher, sauf que mon matelas sans Nina me faisait l’effet d’un cercueil ouvert. Cela m’embêtait de ne pas me rappeler d’où provenait ce machin, je me souvenais qu’il y avait passages assez étranges. Je me suis dit qu’analyser ce papier me changerait les idées.

J’ai remis mon caleçon en place, puis me suis levé pour aller retirer mes lentilles de contact qui avaient glissées à cause des larmes. J’ai chaussé mes lunettes à la place, j’ai ainsi récupéré en confort, moins en esthétique, je faisais dix ans de plus avec ces loupes, mais personne n’était-là pour se moquer du nerd de toute façon. De retour dans le bureau, j’ai allumé la lumière et j’ai attrapé le document, bien décidé à percer son secret. Je l’ai relu à la recherche d’un élément que je pourrais comprendre.

Résumé test utilisateurs ranking

Variables fournies : z1 à z20.

groupe 1 : échec ; groupe 2 : échec ; groupe 3 : succès ; groupe 4 : succès ; groupe 5 : néant

Conclusion

La première phase test menée par notre prestataire externe s'est avérée peu concluante en termes de visibilité en journée sur les groupes utilisateurs 1 et 2, mais semble avoir bien fonctionné pour les groupes 3 et 4. Concernant l'activité post méridienne, le choix du client s'est porté sur le jeudi 18h. Au vu des données fournies par vos soins, nous l'avons conforté dans ce choix.

Nous préconisons un rééquilibrage des variables z6, z13 et z18, et un ajout de nouveaux mots-clefs (cf. page 7)

Le client souhaite en outre ajouter une cinquième catégorie regroupant les minorités sexuelles et lui attribuer un signal négatif faible, à l'instar du groupe 4.

Une nouvelle phase test aura lieu le 30 octobre 2024. Nous vous prions d’opérer les modifications souhaitées en pages 7 et 8 avant cette date. Une seconde sera programmée fin novembre (date à définir ultérieurement pour éviter le brouillage avec l’élection américaine).

Nous restons ouverts à vos nouvelles suggestions.

Leiodes Consulting page 9/9

A priori, j’avais affaire à un test de visibilité. Jusque-là, ok. Externalisé par un prestataire. Étonnant mais d’accord, la demande provenait peut-être de l’un des trois pays du Moyen-Orient qui venaient de s’associer à WOLF. Ce qui me dérangeait c’était la mention d’un « client » et des choix que ce dernier aurait fait. La mention des minorités sexuelles m’a ramené à la question de Juliette sur Meta. Mes sourcils se fronçaient davantage à chaque seconde de mes réflexions.

Faute d’avoir le nom du fameux « client », j’explorais la seule piste traçable : Leiodes Consulting. Le lien vers le site officiel de la société est sorti tout de suite lors de ma recherche sur Duckduckgo. L’architecture du site puait le fric et le snobisme à plein nez. Sobre, épuré, classieux, une police de caractère rappelant indéniablement une marque de luxe, ils auraient aussi bien pu vendre des montres suisses au lieu de donner des conseils.

La présentation du cabinet consistait en un blabla insipide, une accumulation de termes flous trop usités en marketing :

Nous plaçons l'innovation et l'efficacité au cœur de nos missions d'expertise. Nous proposons des solutions originales, précises, adaptées aux ambitions créatrices et audacieuses de nos clients. Dans ce but, nous tissons une relation privilégiée basée sur la confidentialité. Nos équipes internationales couvrent un large éventail de compétences sectorielles, etcetera etcetera.

Une société écran n’aurait pas fait mieux que ces enfumeurs de talent.

J'ai cliqué sur l’onglet « Notre équipe » et commençai à explorer la liste de leurs collaborateurs. Le PDG ne me disait rien, pas plus que de son vice-président. Mais tandis que je faisais défiler l'organigramme, mon corps se figea devant la deuxième ligne de la catégorie des experts.

Esther Blumberg, Principal Manager Strategy

Merde.