Fyctia

Nous attendons les résultats des radios de Marlon, on essaye de rester zen. Mais tout ceci me pèse lourdement sur l’encéphale, et si le désir de me montrer courageux n’était pas le plus fort, j’aurais déjà sombré dans la panique complète. Deux pensées oscillent en moi. Par moment, je me revois bambin sur mon premier poney, où rien d’autre que devenir le plus grand jockey de la terre entière n’avait d’importance. Puis à d’autres, les images de Vilma dans son cercueil, d’Harvey sur son lit et de Marlon sur le brancard se mêlent dans ma petite tête, chacun changeant de rôle – Harvey se retrouvant dans le cercueil, à la place de Vilma vivante, au bras cassé, puis Marlon dans le lit avec une entorse, et ainsi de suite, selon mon imagination. Comme prévu, nous rendons visite à Harvey, Maxine préférant guetter le retour de son frère. Un toubib sort de la chambre de H quand nous arrivons, il nous autorise à entrer tous les quatre, Hank me sourit, enfin, il sourit plus à Sissi … Je ne prends pas acte du regard que le beau Hank jette à la tenue somme toute légère que porte ma petite Sissi, je n’avais pas envie d’en rajouter et puis pour être heureux peut-être que je dois m’habituer aux regards lubriques des mecs en chaleur… ? À la vue de la cheville plâtrée, Lara ne peut masquer sa peine. Max nous a rejoints, Marlon en est quitte pour une attelle pendant trois semaines et c'est tout, il pourra sortir dans quelques heures. Bon ça au moins c'est une bonne nouvelle...

Je mets bien deux minutes à identifier le son qui me sort de mes songes, il doit être six ou sept heures du matin, enfin, je le suppose… Mon portable… Un éclair d’inquiétude me traverse, Harvey, avant que je ne me souvienne que je n’ai pas laissé ce numéro à la clinique ! Partagé entre la curiosité et la colère, je saisis l’appareil et essaye de lire le nom de mon interlocuteur, Max !

–  Max ! Qu’est-ce qui se passe ?

– Marsh ! J’espère que je ne te réveille pas, mais j’ai reçu une drôle de lettre ce matin !

– Ah CQS a encore frappé ?

– Non Marsh ! Je ne crois pas que ce soit lui, ça n’a rien de commun, ce n’est même pas signé, et c’est comme qui dirait plutôt positif comme message, t’as rien reçu toi ?

– Je ne sais pas, écoute, le temps de me foutre un truc sur le cul, et d’aller vérifier ma boite et je te rappelle ! Mais, dis, le courrier passe tôt chez toi !

– Tôt !? Il est presque onze heures !

– Hein quoi déjà ? Bon écoute, tu m’inquiètes là ! Je te rappelle !

– OK à plus !

À nouveau plongé dans l’angoisse, je secoue la tête, ça ne va donc jamais s’arrêter ? Harvey me manque. Comment se sent-il, le pauvre ? Je me lève du lit, enfile mes vêtements de la veille, avant de glisser mon téléphone dans une poche. Je cherche pendant plusieurs minutes mon second chausson, que je tiens en fait dans la main. Quand je sors de chez moi, le soleil m’éblouit, les yeux encore fatigués. Je me dirige vers la boite aux lettres, en priant ne pas y trouver de mauvaises surprises… Mais mes craintes se confirment et le choc me réveille tout à fait : deux lettres. Le cœur battant, j’ouvre celle qui est à mon nom, l’autre s’adressant bien sûr à mon cousin.

Marsh,

Je t’écris pour te mettre en garde. Méfie-toi des gens que tu aimes le plus. Suis ce conseil, et tout ira bien.

Je respire, on ne m’annonce pas ma mort prochaine ! Étrange, cette lettre ! Il n’y a en effet pas de signature. Même le ton a changé, cela semble être une recommandation, plutôt qu’une réelle menace. Une sorte de conseil… d’ami. Comme convenu, je reprends mon portable, pour faire part à Maxine des dernières nouvelles et de mes impressions sur le sujet. J’adhère entièrement à ses conclusions.

– CQS n’a pas pu écrire ces mots. Ce n’est pas son style. Et puis la calligraphie est en italique.

Que dit le courrier d’Harvey ?

Un truc zarbi ! : Cher Harvey, en restant ici, tu protégeras ton ami, et peut-être trouveras-tu l’amour ?

C’est sûr, je ne ressens pas la menace de mort, là-dedans ! 

Moi non plus ! Bon, on se retrouve avec les autres à l'hosto ?

Ouais, À toute !

Tout devient confus à l’extrême, sauf la conclusion transparente que CQS et le corbeau à l’écriture italique sont deux personnes bien distinctes. Mais entre le psychopathe déjanté et ce nouveau fondu, mon esprit réclame un peu de normalité et de douceur dans ce monde de brutes. À peine arrivé à la clinique, Nick, Sissi et les Malloy m'attendent sous le porche !

– Bon ! Intervint Sissi, en exhibant sa lettre. Je sais qu’on a eu notre dose d’émotions fortes tous ces jours-ci, mais nous avons un autre problème à résoudre ! Ces nouveaux messages n’ont rien à voir avec ceux d’avant.

– Oui, ça paraît clair, admet Nick. La menace n’est pas faite de la même façon. On me demande juste de partir quelque temps.

- Et à moi, renchérit Sissi, de faire mon choix très vite… Ce que je ne pige pas, évidemment !

- Moi, il me dit de me méfier des gens que j’aime !

- C'est n'importe quoi !

- Mais le plus bizarre, c'est ce qu'il a écrit à H !

Nous sommes interrompus par l'arrivée de SC et Montclart, Lara avait pris soin de les prévenir ! Nous leur faisons un rapport détaillé et eux aussi restent circonspects. Enfin, ils sont plus préoccupés par CQS et ses menaces que par le nouveau corbeau. Pour ma part, je l'avoue tout ça me dérange beaucoup, je crois que je frôle le burn out, mais je ne sais pas pourquoi, j'essaie de ne rien laisser paraître, ça ne marche pas, Maxine voit bien que j'ai un problème. Je ne veux pas lui avouer que j'ai envie de me tirer au fin fond de l'Alaska pour qu'on me foute la paix ! Je lui dis juste que je stresse à cause de mes études, je dois expliquer mon manque d'assiduité à mes tuteurs et ça me fait peur ! Pour être très honnête, je me fiche complètement de foutre en l'air mon année, en ce moment. C'est ça qui n'est pas normal, le meurtre de Vilma est en train de phagocyter tout le reste !