Fyctia

Pris au piège, je tente maladroitement de me défendre : je ne faisais rien de mal, la victime était une de mes amies (que j’adorai, ça va sans dire). Non, je n'ai rien touché, je voulais juste me recueillir sur les lieux du dernier repos de cette pauvre fille (mais bien sûr !). Je sais que ce n'est pas une église ici, tu me prends pour qui "GI Jane" ? Mon interlocuteur étant du genre féminin. Oui, je m'en vais tout de suite madame l'agent ! Non, je n'ai pas mes papiers sur moi, ils sont dans ma bagnole, mais je m'appelle Marshall Shangens et... Elle ne me laisse pas finir… Ça y est elle s'approche de moi, soit elle va me foutre les menottes, soit elle va me cogner comme une brute ou même les deux, elle a l'air costaud, elle prononce mon nom de façon bizarre, pourquoi on se connaît ? Elle retourne sa lampe vers son visage, putain Wendy ? Je connais cette fille, c'est la sœur d’Hank ! Wendy Jones ! Bordel ! File-moi ton pistolet que je te bute ! Tu m’as foutu une de ses trouilles, j’ai failli faire une attaque ! Et tu l'as fait exprès en plus, sous prétexte que c’est ton boulot de terroriser les promeneurs insouciants ! Wendy a épousé la carrière militaire, et il se trouve qu'elle a quitté l'armée il y a un mois à peine, elle est devenue agent de sécurité privé. Vu comment elle est gaulée, je veux bien la prendre à mon service, ses biceps ont l'air plus gros que ma cuisse. Je sais que Wendy n'aimait pas non plus Vilma même si les occasions pour elles deux de se croiser ont été plus que rares. Elle me raccompagne gentiment, mais fermement à la sortie. En fait voir l'étang ne m'a pas apporté la sérénité bien au contraire et heureusement que c'était Wendy sinon j'aurais pu finir ma nuit dans la prison du poste crasseux de Pinestop. Je reprends la route et le voyant d'essence qui s'allume par intermittence, me force à m'arrêter à la station du triangle, je n'aime pas faire mon plein ici, cette station appartient à Renatee. Je mets cinq gallons, paye à la caisse automatique et me barre. Je viens de parcourir une centaine de mètres, quand je me rends compte que j’ai oublié mes clés de maison sur la pompe, énervé je fais demi-tour. Je retrouve mes clés, mais la station est bizarrement éteinte, je redémarre vite fait, alors que la route est déserte, je vois des phares qui se rapprochent assez vite de moi, il est taré celui-là, je me rabats sur le bas-coté pour le laisser passer, c'est une Buick Regal noire qui me frôle en klaxonnant. Il m'a foutu les pétoches ce con ! Bon assez d'émotions fortes pour ce soir ! Je rentre chez moi et lâchement, je m'endors sur le canapé. Je me réveille en sursaut, l’horloge au-dessus de la télé qui crépite marque déjà les quatre heures passées, j’identifie avec peine l’endroit où je me trouve. Péniblement, je monte à l’étage vérifier la présence de mon cousin qu’il m’a bien semblé, entre deux sommeils, entendre rentrer. Hélas personne ! Il n’est toujours pas là, mon premier réflexe est de me précipiter sur le bottin pour y chercher les numéros de tous les services d’urgence du coin. Mais, d'un autre côté, il m'a dit qu'il était avec Lara, je la connais suffisamment pour savoir qu'elle peut être persuasive quand elle a une idée en tête.   

Au même moment, H prend congé de Lara, il la serre tendrement dans ses bras et remercie lord et Madame Fandells de leur hospitalité. Décidé à rentrer, il enfourche la bécane et se met à rouler tranquillement sur la route déserte. La conversation qu'il a eue avec Lara et ses parents lui a beaucoup appris, et s'il était encore un bad boy, il aurait sûrement tenté de se faire Crazypony dans ses draps de soie. Il a promis de ne pas parler tout de suite à Marsh et il compte tenir sa promesse. Il n'y a aucune trace de présence humaine, à Chicago, même à une heure pareille ça aurait grouillé de monde, des putes et leurs macs, les soûlards et tant d’autres hères folkloriques ! Il peste un peu, car, il n’y voit que dalle et espère être sur la bonne route. Tout à coup, sortie de nulle part, une lumière vive se reflète dans le rétroviseur fêlé, cette lueur se révèle être un véhicule arrivant en trombe tous phares allumés. Il identifie clairement une Buick Regal noire, la voiture le rattrape en accélérant, et fait un dépassement serré avant de piler net devant lui, H, horrifié, n’a pas le temps de freiner pour éviter le pire… Dans un fracas métallique assourdissant, il s’encastre à l’arrière du véhicule, la force du choc lui fait faire un vol plané de plusieurs mètres, suivi d’une lourde chute sur le bitume. Le conducteur sort de sa voiture, pour vérifier l’état de la victime, à demi inconsciente, au visage ensanglanté. Il se penche sur le jeune garçon qui, entre deux gémissements, respire avec difficulté, et souffle à son oreille quelque chose de presque incompréhensible. Après un salut ironique, le conducteur retourne à son  véhicule, et part dans un vacarme menaçant de moteur.

C'est un appel d'Hank qui me réveille, je comprends tout de suite de quoi il s'agit, c'est H n'est-ce pas ? Qu'est-ce qui s'est passé ? J'entends les mots : accident sur la route, qu'il est blessé, mais qu'il va bien. C'est Wendy qui l'a trouvé sur la route après avoir quitté son poste à Maccripane, H a été transporté aux urgences de Vidant Hospital et... Allô... C'est tout ce que je permets d'entendre, déjà, je cours à ma voiture, saute au volant et démarre en trombe, renversant au passage quelques poubelles, totalement abasourdi par cette nouvelle ! Je roule extrêmement vite, trop vite, si je me fais arrêter, je risque au moins soixante-dix PV, car j'enfreins tous les codes de la route, en grillant feux rouges et panneaux divers. Au bout d’interminables quinze minutes, j’arrive en vue du Vidant, et je me lance à l'assaut de la côte menant aux urgences. Je parviens malgré mon inquiétude à remarquer que les murs ont été repeints tout en ne me rappelant pas l’ancienne couleur, arrivé sur le parking, je me gare comme un sauvage sur une place réservée au personnel, je m’en fous ! H est blessé !