Fyctia

À onze heures moins dix, toute la bande, H compris, se retrouve sur le parking du Shérif, chacun y va de son pronostic concernant les révélations qui vont leur être faites. Je suis étonné de voir le docteur Dillinger que j'ai quittée, il y a moins de deux heures, présente dans les bureaux, je présume qu'elle a été missionnée en tant qu'experte. Nous entrons, j'interroge Hank du regard, cherchant vers lui un signe d'apaisement, mais, son visage est fermé, il nous fait asseoir en s'adressant à nous de façon robotique. Montclart a l'air ravi de nous voir tous là comme convenu, il nous dit en rigolant qu'il n'aurait pas aimé avoir dû nous traîner ici, enchaînés par un lasso, et il rigole. Il est sympa au fond ce type et d'en d'autres circonstances, j'aurais ri aussi, le seul qui ait réagi à sa blague, c'est Marlon qui lui lance un : Même pas cap !

 Même s'il se garde bien de le laisser paraître, il s'amuse comme un petit fou, il a bien fait de revenir à Torboro après la fac. Il est ambitieux, il pressent que son entretien avec la jeune reporter lui a permis de se placer un peu… Et, qu'elle finira dans son lit avant la fin de la semaine, peut-être même qu'ils feront une partie à trois avec FBI ! Il les regarde en douce, il se force à avoir l'air concentré, il repense à leur première rencontre. Il a voulu l'empêcher de faire son job, et elle l'a complimenté sur son physique. Il a eu là un éclair de génie, lui faire croire qu’elle le possédait alors que c’était le contraire, le pied ! Et, mielleuse, elle a continué… Elle lui a laissé entrevoir quelque autres jeux plus confinés s'il se montrait loquace avec elle. Il a répondu à toutes ses questions sauf à celle sur ses rapports personnels avec la victime, il est inconcevable qu'il se présente, comme une victime de cette sorcière, alors il ment, il affirme qu'il est l'une des rares personnes du patelin qui était en bons termes avec Vilma. Il laisse entendre que c'était surtout sexuel entre eux et qu'il aime les rouquines...

D'ordinaire, SC n'hésite jamais à mélanger plaisir et travail, mais disons que pour l'instant, elle range cette opportunité dans la catégorie des « À Voir ! ». Il y en a tout plein dans cette catégorie, mais, pour le moment, SC est plus dans l'optique de chasser dans une autre catégorie aujourd'hui, celle des « Je te veux ».

Je suis le premier à passer, je ne peux m’empêcher de me demander de quelle façon je vais être mangé. Je suis dans un état second, stressé, même si je sais que je n'ai rien à me reprocher, je n'aime pas être sur le grill de cette manière. Montclart, me fait asseoir, je m'attends à ce qu'il me foute la lumière en pleine tronche, mais il me parle calmement.

– Monsieur Shangens !

–Marsh, Monsieur Shangens c'est mon père !

–Marsh, je vous ai fait venir aujourd'hui car comme vous le savez la perquisition effectuée chez la victime nous a permis de mettre à jour certaines choses de nature à éclairer d'un jour nouveau toute l'affaire, SC ne dit pas un mot, elle me regarde, je pense que par son silence, elle cherche à me soutenir dans ce qui va suivre.

– Si je savais que Vilma tenait un journal intime ? Non et je m'en cogne !

– Oui, j'étais au courant de la petite aventure qu'elle avait eu avec Nick, mais de ça aussi, je m'en fous, elle relate tous ses méfaits dans ce journal ? Je serais heureux de le lire, je suis certain de pas en connaître plus que le dixième !

– Oui, je confirme que je n'ai pas revu Vilma depuis la journée de la balade à cheval, et non ça ne m'a pas manqué, je sais qu'elle est morte le lendemain, mais comme je l'ai déjà dit, j'ai un alibi. Je ne suis pas là en tant qu'accusé, mais à titre informatif. Vilma parle de moi dans son journal ? Normal, je reconnais que des fois, j'ai été un peu vache avec elle ! Ce que j'avais à lui reprocher ? Vous voulez vraiment savoir ? C’était une salope de première, bordel ! Vous le savez bien ! Putain ! C’est elle qui a… enfin, c’est à cause d’elle que Shirley est morte ! C’était un monstre de la pire espèce ! Écoutez, je ne sais pas qui lui a fait la peau, je vous jure que ce n’est pas moi, pourtant au fond, je le regrette, si je l’avais plombée, j’aurais eu droit à une putain de médaille ! Il sourit, il me remercie d'être aussi franc et là, c'est SC qui prend la parole. 

– Marsh, écoutez, ce que nous avons à vous dire est de nature plus que surprenante !

–   OK bon ! Vous allez me faire mariner encore longtemps ? Est-ce que je crois qu'un de mes amis est dans le coup ? Non, bien sûr que non, même si je ne leur en voudrais pas, je ne cautionnerais pas un tel acte. Puis, de toute façon, j'ai confiance en eux ! Je suis persuadé qu'ils sont tous loyaux avec moi et si quelqu'un était passé du fantasme à la réalité, je crois qu'il me l'aurait dit !

SC me dit que ce qu'elle va me montrer maintenant est troublant, elle sort un cahier broché assez épais, sobrement intitulé "Vilma's diary", elle l'ouvre à l'emplacement d'un post-it jaune. Je comprends, en m’en emparant, que je tiens là l’intimité des pensées diaboliques d’une morte. Jamais je n’aurais songé que cela puisse être son genre, qu’avait-elle besoin de confier qu’elle regrettait ? Qu’elle avait mal affûté ses griffes ? D’ordinaire curieux, j’éprouve un certain malaise à pénétrer dans sa vie privée. Une vie que j’ai repoussée, et bien que n’existant plus, je voulais encore ignorer. Ça date du premier juillet, on avait fêté les deux ans du club, je me souviens que ce jour-là Lara et Vilma s’étaient fortement disputées parce que Lara, trésorière, avait refusé que Vilma adhère au club. Ils avaient tous pris le parti de Lara et même moi, je voulais qu'elle se casse. Bien écrit dans ma langue maternelle, ces mots me faisaient l’effet d’un dialecte chinois incompréhensible, c’était Vilma ça ?

Les parasites t’ont encore éloigné de moi…

Ils sont toujours là et changent tes décisions.

Sans eux, nous serions bien plus heureux !

Oh M, quand reviendras-tu auprès de moi ?

Quand verras-tu qu’ils ne sont qu’illusion ?

Ton âme et la mienne sont faites pour être deux.