Fyctia
Chapitre 1 LE PIEGE
Elle ne sait plus depuis combien de temps, elle est enfermée dans cette cave sordide, elle n'a eu droit qu'à de l'eau sale et du pain pour se sustenter, et une seule fois. Elle lutte pour ne pas s'endormir. Elle essaye de se défendre quand il vient la chercher et qu'il la traîne sans ménagement pour l'enfermer à nouveau dans une malle où elle tombe inconsciente. Ce sont les coups qui la réveillent, il tape fort ! Ligotée de la poitrine aux pieds à un arbre mort, les poings ficelés autour du tronc, elle veut crier, mais ses gémissements sourds se perdent dans l’épaisseur du textile qui forme son bâillon. Ses yeux implorent l'homme en noir de mettre fin à la torture, mais celui-ci l’ignore, préférant l’encourager dans ses plaintes.
Elle le connaît. Cette voix, ce regard... La cagoule noire qu’il porte ne peut la tromper. Son prénom a bien traversé son esprit, mais elle s’est refusée à y croire. Refoulant ainsi la véritable identité de son agresseur, elle finit par le prénommer « le Bourreau ». Il gesticule nerveusement et prend plaisir à taquiner sa frayeur grandissante.
– Alors, ma belle, on a peur ? Mais, oui, on a peur !
Elle détourne les yeux un bref instant.
– Quoi ? On n’est pas contente de notre petite fête ? C’est vrai, pauvre larve, tu es la seule invitée !
Elle lui jette un regard noir, faisant mine de le défier, mais surtout pour masquer sa peur.
– Ne me regarde pas comme ça, sale conne, ça m’excite !
D’une main, il lui saisit le cou et commence à serrer. La douleur la tétanise. Avec horreur, elle sent l’étreinte de ses doigts bloquer le passage de l’air. Elle pourrait se débattre, mais à chaque réflexe d’autodéfense, les liens lui scient sournoisement côtes et chevilles. Depuis combien de temps la martyrise-t-il ? Une heure, deux ou bien plus ? Que lui veut-il à la fin ? Simplement, la torturer ou la tuer ? Il fait nuit depuis longtemps et des torches halogènes à gros faisceaux éclairent la scène. On en compte deux accrochées à des arbres, trois autres au sol orientées vers elle, et pour finir, deux plus imposantes placées sur le capot d’une voiture, aux allures de Jeep de guerre.
Ses plaintes évoquent le chant étouffé d’une chouette, tandis que le Bourreau lui serre davantage la gorge. Il arbore toujours ce sourire pervers, qu’elle entrevoit par l’ouverture dévolue à la bouche et qu’elle a connu charmeur. Oui, autrefois ses lèvres lui avaient souri, mais ce soir, elles la bravent de cinglantes insultes. Que se passe-t-il donc en lui ? Ses facultés intellectuelles sont trop éprouvées pour mener à bien une déduction logique, voire une réflexion toute simple.
Habituellement, c’est elle qui fait du mal aux autres, et bien qu’au début, elle y prenait peu de plaisir, c’est devenu à la longue comme une seconde nature. Mais, ce qu’elle vit là, jamais, elle ne l’aurait infligé à quelqu’un. C'est cauchemardesque. Auparavant, la douleur et la peur n’existaient qu’en tant que notions dans son vocabulaire, il lui était impensable que ces notions puissent s’appliquer un jour à elle, dans sa petite vie, mais… Ce soir, la douleur et la peur existent en tant que sentiments, elles ont pris vie dans son corps et son esprit. Tout est devenu réalité, sa réalité.
Le Bourreau relâche d’un coup la pression sur sa gorge, lui arrachant une quinte de toux à peine perceptible sous le bandeau. Le stress et la moiteur de l’air l’abrutissent. La lueur de la pleine lune dépose çà et là des nuées blanchâtres formant un voile laiteux sur l’herbe fraîche. Elle lève les yeux au ciel, y cherchant peut-être un Dieu. Déjà, les étoiles luisent dans le ciel noir, et se confondent en de multiples constellations brillantes, pareilles à un million d’éclats de diamants. Elle parvient à penser que c’est beau. Dans un temps révolu, elle se serait étendue sur l’herbe verte pour les contempler, mais ce soir… Oubliant qu’elle ne forme plus qu’un avec l’arbre, elle balaye du regard les alentours de la clairière, espérant entrevoir la solution d’une fuite. Mais, on ne distingue que des silhouettes d’arbres feuillus, qui bruissent sous la brise nocturne et des fourrés de ronces menaçantes. Le chemin forestier qu’ils ont emprunté est bloqué par la Jeep. L’endroit lui est bien familier, mais son esprit sous le choc l’empêche de l’identifier vraiment. Toute échappatoire semble impossible et trop risqué. Les cris du Bourreau, mêlés aux siens, et toute cette mise en scène diabolique passent inaperçus, les taillis épais et les rochers étant nombreux sur cette colline. Si un oiseau avait survolé les lieux à vol plané, il aurait cru à l’ambiance que l’on jouait ici-bas à un drame antique. En tout cas, il ne se serait pas attardé dans les environs pour y faire son nid, tant poissaient les tensions nerveuses.
Atrocement affaiblie et le souffle coupé par les liens sous sa poitrine, elle se sent malgré tout observée par d’autres yeux que ceux du Bourreau. Dans un autre contexte, elle serait inquiétée de la présence de serpents, araignées, voire rats des bois, sangliers et autres petites bêtes dégueulasses. Mais, ce soir, le pire de tous les êtres de la Terre est cet homme, le Bourreau… Il n’a plus rien d’humain, pas même ce regard empli de folie. C’est alors qu’une large lame étincelle sous la lumière des torches, comme une apparition maléfique, pointée devant elle. À nouveau, elle se lance dans des plaintes sourdes, et à nouveau, elle se débat en vain. Le Bourreau se plaît à rapprocher lentement le tranchant du couteau (sans doute de chasse) sur son visage, et là, il fait une pause pour qu’elle puisse y mirer son reflet. Dans la brillance de la lame, elle voit en face la terreur qui la gagne. Les yeux rougis et globuleux, elle panique doublement et s’agite de plus belle, l’écorce de l’arbre lui déchirant le dos. Le Bourreau lâche un ricanement démoniaque.
Toujours le sourire machiavélique, il passe à des sévices plus délicieux encore. Oui, quoi de plus exquis que de lacérer la peau du bout de la lame, froide et acérée ? À chaque goutte de sang, le Bourreau prend son pied, trépignant sur place. Sous le bâillon serré, ses lèvres grimacent de douleur, fermées à toute liberté de mot et de hurlement. Les cris remontant du fond de sa gorge ne trouvent qu’une barrière de tissu, et demeurent enfouis dans son corps en souffrance. Ses larmes incessantes n’émeuvent en aucune manière son tortionnaire.
– Ne bouge pas comme ça, tu vas m’obliger à te faire mal !… Oups, déjà fait ! ironise le Bourreau en poursuivant ses supplices. Si tu voyais ça, je m’améliore, on dirait presque du Picasso. Tu aimes ?… À voir ta tronche, je dirais que non. Ne t'inquiète pas, ça ne va pas durer trop longtemps, quoique…
16 commentaires
Vanessa BOUGRER-CINQVAL
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Il y a un an
MAISIAM SEMES
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Il y a un an
Blackat
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Il y a un an
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Merixel
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Il y a un an
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Béatrice Baldini
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Il y a un an
RIPOST
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Il y a un an