Fyctia

Lorsque je suis arrivé dans le bureau, j'étais ors de moi. D'abord parce que Caroline évitait tous mes appels depuis trois jours. Ensuite, parce que je n'ai pas eu de travail depuis plusieurs mois. Six mois, pour être exacte. Soit, depuis notre rupture. Ce n'est jamais bon de mélanger le professionnel et le personnel, je devrais le savoir depuis le temps! Mais ça va mieux depuis que j'ai assisté au spectacle de la petite brune et sa chemise à carreaux.

Toujours est-il que je suis là, comme un con, à regarder la porte qu'elle a franchit depuis déjà deux bonnes minutes, lorsque Caroline me surprend à rêvasser.

—Bon. Qu'est-ce que tu veux? me demande-t-elle, le dossier vert entre les mains.

— Tu ne devine pas?

—Je devrais? lance-t-elle sans même m'adresser un regard.

Je constate qu'elle glisse la pochette directement dans la poubelle, aux pieds de son bureau. Elle ne l'a même pas ouvert!

—Tu comptes faire durer le suspense encore longtemps? s'enquière-t-elle en posant enfin ses yeux dans les miens.

C'est plus fort que moi. Mes yeux passent de la poubelle à Caroline, puis retournent sans cesse à la poubelle. Ça m'intrigue!

— C'est quoi, ça?

— Un scénario.

Je lève un sourcil comme pour dire:" et, tu ne le lis pas? C'est ton boulot, meuf!".

— J'en reçois des centaines par jour, affirme-t-elle en répondant à ma question silencieuse. Et au moins, ils sont écrits par de véritable scénaristes. Pas par des gamines incapables d'aligner deux mots.

— Alors, pourquoi avoir reçu cette fille?

Je voulais terminer ma question par "si tu savais que tu ne le lirais pas"? Mais c'est inutile. Caroline me connait trop bien et sa réponse ne se fait pas attendre.

— Avec ce genre de personne, il vaut mieux les faire patienter, plutôt que de les ignorer. Sinon, elles te harcèle pendant des mois. Là, elle va patienter, encore et encore, en attendant que je lui réponde. Ensuite, je n'aurai qu'à lui envoyer un mail et ce serra réglé. D'ailleurs, il est déjà prêt.

Concentre-toi, Chloé. Concentre-toi !

Le ciel est gris, comme presque tous les jours, mais pour une fois je suis heureuse qu'il n'y ait pas de soleil, lorsque je me retrouve à nouveau dans la rue. J'ai descendue les escaliers quatre par quatre avec une seule idée en tête: disparaître le plus loin et le plus vite possible. Au point que lorsque je suis de nouveau passée devant l'accueil, j'ai crû voir les cheveux de l'hôtesse s'envoler par-dessus ses épaules. D'ailleurs, je crois qu'elle va pouvoir bénéficier d'une semaine d'arrêt maladie pour cause de rhume, et ce sera grâce à moi!!

C'est ma B.A. du jour.

Tu parles d'une "bonne action"! c'est pas ça qui va effacer mon fiasco, ni ma honte, mais bon. Je dois me remotiver, avant de sombrer dans la déprime! Il me faut au moins ça et un bon bol d'air frais!

—Alors? C'était comment? m'interpelle Mikado dès mon arrivée.

—Irréel!

Je pense que c'est le mot juste!

Mon meilleur ami fronce les sourcils. Il a l'air inquiet —il y a de quoi, me connaissant. Je tente de le rassurer en tirant la Chewing-gum de ma poche, pour le brandir bien haut. Me déboîtant l'épaule au passage!

Aïe, c'est dur la vie quand on fait 1m63!

—Je suis fier de toi! déclare-t-il alors que son front se détend et qu'un large sourire parcourt ses joues.

J'ai répété mentalement ce geste avec chewing-gum au moins un milliard de fois, sur le chemin du retour. évidemment, je suis scénariste. En herbe, certes, mais scénariste. Du coup, j'ai envisagé toute sorte de scénario en rentrant. Sachant très bien qu'il me poserait la question. Je suis trop forte! Comme prévu, Mikado retrouve sa place au côté de Dim. Comme prévu, ce dernier n'a pas levé un cil à mon arrivée. Pas plus que le reste de l'appartement d'ailleurs, qui est désert.

—Où sont les filles?

—Steph est sortie. Sév, pas rentrée. Annonce mi-ra-cu-leu-se-ment Dim, grognon.

Je regard sur mon téléphone portable. Il n'est que 15h00, pas étonnant que Séverine ne soit pas encore rentrée du travail. Par contre, je ne savais pas que Steph devait sortir. D'ordinaire elle adore me parler de ses conquêtes, me dire où elle sort, avec qui, ce qu'ils ont fait… Mais depuis quelques temps elle est distante et peu loquace concernant ses histoires de cul.

D'un côté, c'est pas plus mal. Au moins, je peux rester focus sur mon avenir qui, s'est mit en marche aujourd'hui. Ou plutôt, qui s'est presque délicatement déposé sur le bureau de MADAME Caroline Tillier: Rien que ça!