Fyctia

Appuyée contre le chambranle de la porte à l'entrée de la salle de bain, je regardais Marshall en train de réparer le robinet. Ce dernier faisait du goûte à goûte depuis que nous étions arrivés, et comme ma chambre était juste à côté, je l'entendais toute la nuit. J'avais bien essayé de trouver ce qui n'allait pas mais, je devais bien le reconnaître, j'étais nulle pour ce genre chose. Je savais réparer et monter des meubles - à condition qu'il y ait un mode d'emploi et que les réparations ne demandes pas trop de savoir-faire non plus -, mais mes compétences en bricolage s'arrêtaient là.

-Ok, dit-il en reposant ses outils. Voyons-voir si ça fonctionne.

Il alluma le robinet pour faire couler un peu d'eau puis l'éteignit afin de voir si la fuite était toujours là. Mais rien.

-Et voilà le travail ! dit-il. C'est réparé.

-Génial ! Merci d'être venu voir ce qui n'allait pas, lui dis-je.

-Pas de problème, c'est mon boulot. Et puis, ça évitera de gaspiller de l'eau pour rien en plus de vous offrir des nuits de sommeil sans bruit.

-Oui, c'est sûr.

Il commençait à rassembler ses affaires dans sa caisse à outils lorsque nous entendîmes une voiture se garer devant le chalet. Une minute plus tard, la porte qui menait sur les pièces communes du chalet s'ouvrit et la voix joyeuse d'Eva – la femme de Marshall – nous parvint.

-Il y a quelqu'un ? demanda-t-elle.

Nous la rejoignîmes tous les deux et Marshall alla naturellement auprès d'elle pour lui déposer un petit baiser sur le front. Ils étaient vraiment trop mignons, tous les deux. Je ne les connaissais pas depuis longtemps – même s'ils avaient tous les deux tenus à ce que je les appelle par leurs prénoms dès le premier jour – mais il était indéniable qu'ils s'aimaient plus que tout. Il n'y avait qu'à voir la façon dont ils se regardaient.

Marshall salua ensuite un homme qui se tenait derrière Eva. Je me demandai comment j'avais fait pour ne pas le remarquer plus tôt. Il était beaucoup plus grand qu'elle, même un peu plus que Marshall. Ses cheveux bruns étaient coupés et coiffés de manière sophistiquée, son menton était rasé de prêt, et le costume qu'il portait malgré la température à l'extérieur devait sans doute être taillé sur-mesure. Il me faisait penser à ces bureaucrates qu'on voyait dans les films. Le genre un peu guindé, le menton levé comme s'ils regardaient tout le monde de haut.

Lorsque je levai les yeux, son regard accrocha le miens. Il avait les iris presque noires, à telle point que j'eus l'impression de plonger dans un puits sans fond. J'étais comme hypnotisée, incapable de regarder ailleurs. Heureusement, la voix d'Eva me ramena à la réalité.

-Dawn, je vous présente mon frère Greyson. Greyson, voici Dawn, ta colocataire pour les prochains jours.

Je souris et m'avançai un peu pour le saluer.

-Enchantée, Greyson, dis-je en lui tendant la main.

-Monsieur Wells, me corrigea-t-il en tendant la sienne.

Je me sentis rougir.

Il avait une sacrée poigne. Et sa main était tellement grande que la mienne sembla disparaître lorsque ses doigts se refermèrent sur les miens.

-Heu...oui, désolée, dis-je un peu honteuse.

C'est moi ou il faisait soudain plus froid dans la pièce, tout à coup ?

Comme si ça ne suffisait pas, Justin choisit ce moment pour nous rejoindre. Lui qui n'était pratiquement pas sorti de sa chambre depuis qu'on était arrivés...

Il s'arrêta net en voyant notre petit groupe réuni, le regard méfiant. Ses yeux se posèrent un instant sur nos mains jointes à moi et Greyson et je le vis froncer légèrement les sourcils. Je lâchai ce dernier tout de suite et me forçai à sourire à nouveau.

-Ah, Justin, dis-je en me tournant vers lui. Tu tombes bien. Je te présente Monsieur Wells. Il va occupé l'autre partie du chalet pendant notre séjour ici. Monsieur Wells, voici mon neveu Justin.

Ni l'un ni l'autre ne répondit. Ils se contentèrent de se fixer comme deux fauves attendant que l'un fasse le moindre mouvement pour attaquer. Le malaise allait grandissant dans la pièce.

Visiblement, je n'étais pas la seule à le sentir car Marshall vint à notre secours.

-Ok, maintenant que les présentations sont faites, je pense que je vais aller faire visiter ses quartiers à mon beau-frère. Tu dois sûrement avoir envie de te reposer après avoir fait la route, Grey ?

-En effet.

-Suis-moi.

Les deux hommes partirent de leur côté. Pendant ce temps, Justin alla chercher quelque-chose à boire dans le frigo avant de retourner dans sa chambre, le tout sans desserrer une seule fois les dents et sans plus nous accorder la moindre attention. Je me retrouvai seule avec Eva.

-Eh bien..., dit-elle. Sacrée ambiance.

-Je suis vraiment désolée.

-Pourquoi ? Ce n'est pas votre faute. Mon frère n'a pas été des plus chaleureux, il faut bien l'admettre. J'aimerais dire qu'il est juste timide avec les inconnus, mais c'est dans son caractère. Il est plutôt renfermé.

-Je crois que je n'ai pas été très douée pour le mettre à l'aise non plus. Et puis Justin... Lui aussi a du mal avec les étrangers mais...

-Allons, ne vous tracassez pas pour ça. Vous venez tout juste de vous rencontrer, c'est normal que ce soit un peu froid au début. Je suis sûre que d'ici quelques jours l'ambiance sera plus détendue.

-Je l'espère, oui.

Déjà que ce n'était pas évident de gérer un ado en pleine rébellion, alors devoir partager un logement avec un homme qui soit tout aussi austère, ça risquait d'être difficile de passer de bonnes vacances.

Cela dit, je me dis qu'il ne fallait pas partir défaitiste. Nous n'étions arrivés que depuis quelques jours et, en ce qui concerne le frère d'Eva, rien ne nous obligeait à devenir les meilleurs amis du monde. Même si je préférerais que les choses se passent bien entre nous étant donné que nous allions sûrement être amenés à nous croiser souvent. Mais rien ne nous forçait à passer tout notre temps en sa compagnie.

De toute façon, j'étais là pour être avec Justin et essayer de resserrer les liens avec lui. Ou je devrais plutôt dire « créer des liens ». Je me demandais s'il en restait encore, mis à part le fait que nous étions de la même famille.

C'est pour ça que j'avais décidé de nous organiser ces petites vacances loin de chez nous. Loin de tous ceux que nous connaissions et de nos problèmes, j'espérais que ça pourrais nous aider. Et je comptais bien tout faire pour y arriver avant la fin des vacances.