Fyctia
L’éveil : La légende de Lucid
Azura se tourna vers sa compagne avec une expression stupéfaite :
— Ledelian… La faille dans la réalité… elle a disparu…
— Disparu ?
La femme brune se leva et s’avança jusqu’à l’orée du sous-bois, où se tenait son amie aux cheveux bleus, le regard fixé sur la forme sombre de la demeure abandonnée.
— Est-ce que… tu perçois quelque chose ?
Azura serra ses mains jointes sur son cœur. Ses yeux débordaient d’une émotion intense :
— Je pense que oui, souffla-t-elle, comme si elle n’osait y croire.
Ledelian ferma les paupières. Une vague mouvante de lumière joua sous sa peau, la teintant brièvement d’un reflet saphir.
— Je le sens aussi. Faiblement, mais il est bien là… ainsi que la jeune fille. Par contre, je ne trouve aucune trace du fils des Trente. Mais c’était hélas à prévoir. Nous aurions dû être plus attentifs. Cette perte pèsera lourd pour nous. Un potentiel si inestimable, disparu à jamais...
Avec un soupir, la jeune femme posa une main sur l’épaule d’Azura :
— Nous portons une profonde responsabilité vis-à-vis de Lucid, pour ne pas avoir su protéger l’un des vôtres. Cette longue incertitude a dû être une véritable torture pour chacun d’entre vous.
Son amie baissa la tête ; une mèche outremer voila son regard :
— Il est encore trop tôt pour ébruiter la nouvelle, répondit-elle d’une voix inquiète. Nous devons d’abord nous assurer qu’Aurean et la demoiselle d’Outremont vont bien. Et tant que nous n’en saurons pas plus sur les circonstances de la disparition d’Aurean et de son attache, tout danger ne sera pas écarté.
— Tu as raison. Nous devons tous rester vigilants. Pour l’instant, je propose que nous nous rapprochions pour voir comment évolue la situation. Nous n’interviendrons que si nécessaire.
Les deux jeunes femmes se prirent la main et avancèrent ensemble vers l’orée du bois. Le lien de lumière bleue qui les unissait brilla doucement dans la nuit.
* * *
Aurean contemplait le phénomène, le visage presque aussi pâle que quand la jeune fille l’avait retrouvé.
— C’est insensé… murmura-t-il.
Il fixa Estrella d’un regard à la fois surpris et soupçonneux :
— Tu es bien une fille… ?
— Quoi ?
Estrella le toisa, comme s’il était un peu idiot.
— Bien sûr que je suis une fille. À moins que tu sois incapable de faire la différence !
Le garçon leva les mains comme pour se protéger de son acrimonie :
— Non, ce n’est pas cela, c’est juste que normalement… Ce lien ne peut être établi qu’entre deux garçons ou deux filles. Mais jamais entre un garçon et une fille… Je ne comprends pas comment ça a pu arriver…
Estrella se demanda si ce n’était pas elle qui venait de se réveiller d’un sommeil de deux ans, dans un monde qu’elle parvenait de moins en moins à saisir. Elle inspira profondément :
— Explique-moi d’abord ce qu’est ce lien… reprit-elle en essayant de retrouver son calme.
Aurean s’assit en tailleur sur les dalles et les examina comme s’il les trouvait fascinantes. Estrella se pencha pour le dévisager :
— Aurean ! Je veux une réponse !
Le garçon soupira :
— Tu te sens prête à la recevoir ?
Estrella n’en était pas si sûre, mais elle éprouvait un désir avide de comprendre tout ce qui était arrivé durant la nuit. Elle acquiesça avec détermination.
— Bien. Assieds-toi.
La jeune fille s’installa en face d’Aurean, le regard fixé sur lui pour ne pas perdre une miette de ce qu’il allait lui révéler.
— Je suppose que tu as déjà entendu parler de Lucid ?
— Bien sûr, rétorqua Estrella. Comme tout le monde ici. Pourquoi ?
— Qu’en sais-tu exactement ?
Elle leva les yeux au ciel, mais s’exécuta, en détachant chaque syllabe comme si elle s’adressait à un enfant un peu lent d’esprit :
— On raconte qu’Erastria se situe entre les mondes de Lucid, le royaume de la Lumière, et de Penumbra, le royaume de l’Ombre. Dans un lointain passé, des portes se sont ouvertes entre Erastria et ces deux royaumes. Les Lucidiens et les Penumbriens se sont affrontés dans notre monde. Afin de gagner les humains à leur cause, Lucid a offert à certains élus une part de sa lumière. C’est ainsi que les Héritiers ont acquis le contrôle de la magie des Sept Couleurs. Quand Lucid a réussi à vaincre les Ombres, ses habitants ont quitté Erastria en refermant les portes derrière eux ; ils ont confié aux Héritiers la tâche de veiller sur Erastria.
Elle haussa les épaules :
— Ce n'est qu'une vieille légende. Ne me dis pas que tu ne l’avais jamais entendue !
Aurean ne répondit pas d’emblée. Ses yeux d’or brillaient étrangement dans la semi-pénombre de la crypte.
— Et si je te disais que ce n’est pas une légende ? murmura-t-il enfin.
La jeune fille faillit éclater de rire ; malgré tout, la gravité d’Aurean et la lueur qui jouait dans ses prunelles lui en ôtèrent toute envie.
— Tu n'irais pas prétendre que…
— Que Lucid et Penumbra existent bel et bien ? C’est la vérité. D’où crois-tu que les tiens tiennent cette Lumière qui brûle au fond d’eux ?
Estrella ne trouva rien à répondre. La magie représentait un élément familier de son univers. Elle n’avait jamais réfléchi à sa provenance – encore moins depuis son exil.
Aurean leva une main : des vagues de lumière jaune commencèrent à la parcourir, comme s’il s'apprêtait à employer la magie Jaune de la Transmutation. La jeune fille se recula prudemment, mais rien ne se passa. La main du garçon brillait d’un éclat de plus en plus intense, au point qu'elle semblait constituée de lumière pure. Elle baignait toute l’alcôve d’une clarté dorée. Estrella dut couvrir ses yeux pour ne pas être aveuglée.
— Comment fais-tu cela ?
— Je retourne juste à ma nature initiale. Je ne suis pas originaire d’Erastria, Estrella. Je suis un Lucidien.
Aurean laissa retomber sa main, dont le rayonnement disparaissait déjà. Il paraissait épuisé, comme si cette petite démonstration avait puisé dans ses dernières forces.
— Hélas, je ne peux pas faire plus pour le moment. Je n’ai pas assez d’énergie pour revenir à ma véritable forme. Je ne peux rester sur ce monde que grâce au lien qui s’est créé entre toi et moi.
Estrella leva les yeux au ciel, en se demandant si les épreuves subies par le garçon ne lui avaient pas fait perdre un peu la tête.
— Je ne prétends pas comprendre comment tu as fait cela, mais je ne suis pas stupide à ce point. Bientôt, tu vas me dire que tu es l’un des Sept Gardiens de Lucid !
Elle se releva et enfila son manteau, bien décidée à fuir cet endroit et les paroles insensées d'Aurean.
— Fais ce que tu veux, mais moi, je sors d’ici. Avec ou sans toi. Je t’ai sauvé la vie et tout ce que tu trouves à faire, c’est me raconter des mensonges… des contes pour enfants. Soit tu me prends pour une idiote, soit tu as vraiment perdu la tête. Bonne chance !
8 commentaires
makara
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Il y a 3 ans
Eva Baldaras
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Il y a 3 ans
Beatrice Aubeterre
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Il y a 3 ans
Amphitrite
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Il y a 3 ans
Beatrice Aubeterre
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Il y a 3 ans