Fyctia
Chapitre 12 : POV Isabelle
— Tu l’aimes bien, n’est-ce pas ? lance-t-elle, un brin provocatrice.
Il se fige, surpris.
— Quoi ? Isabelle ? Non… Enfin, c’est… compliqué.
Michaela rit doucement, ses yeux pétillants de malice.
— Bien sûr. « Compliqué ». Un mot bien pratique.
Adam évite son regard, ses joues rosissant légèrement.
— Concentre-toi sur la renne, Michaela.
Elle hausse les épaules, amusée.
— Comme tu voudras. Mais elle a quelque chose que tu ne trouves pas ailleurs, non ? Cette façon de te défier…
Adam reste silencieux un moment, perdu dans ses pensées. Puis, il secoue la tête comme pour chasser une idée.
— Elle est têtue, voilà tout.
Michaela le fixe, un sourire énigmatique.
— Tu devrais peut-être lui dire ce que tu penses vraiment, un jour. Avant qu’il soit trop tard.
Il ne répond pas, les yeux toujours rivés sur moi. Au loin, je guide un autre renne avec une facilité déconcertante. Je lance un coup d'œil vers eux, nos regards se croisent une seconde. Adam détourne rapidement les yeux, le cœur battant un peu plus fort.
— Allez, viens, on a du travail, murmure-t-il plus pour lui-même que pour Michaela.
Il s'avance vers l'enclos, mais son esprit reste ailleurs, troublé par une question qu’il n’ose pas encore affronter.
Je reviens vers eux, la longe tenant un renne d’une main, un seau de granulés dans l’autre.
— Maintenant, il faut nourrir les rennes, annoncé-je d’un air triomphant.
— Je suis vraiment obligé ? demande Adam, méfiant.
— Oui, affirmé-je. A vous de jouer.
Je lui tends le seau et lui ouvre l’enclos.
Adam regarde le seau de granulés comme si c'était un objet dangereux. Il prend une profonde inspiration, clairement réticent, puis il s'avance avec précaution vers l'enclos. Michaela se rapproche aussi, son sourire toujours présent, comme si elle attendait que quelque chose de drôle se produise.
— C'est une simple question de logistique, Adam. Vous n’avez qu’à remplir les mangeoires, et les rennes feront le reste, je lui dis en haussant les épaules, presque désinvolte.
— Facile à dire pour vous, mais moi, je me demande si ces petites bêtes ne vont pas me foncer dessus dès que je vais entrer, réplique-t-il en jetant un coup d'œil inquiet vers les rennes qui paissent tranquillement.
Je souris intérieurement, amusée par sa nervosité.
— Ne vous inquiétez pas, vous allez voir, ce sont des gros bêta une fois qu’ils ont leur dose de granulés.
Je me penche pour détacher la longe du renne que je tiens, le conduisant lentement vers l'enclos. Les rennes, sentant la nourriture, commencent à bouger, attirés par l'odeur des granulés. Adam semble hésiter, observant les animaux, mais finit par s'avancer avec précaution, le seau de granulés dans les mains.
Michaela, qui le suit de près, lui donne une tape amicale sur l'épaule.
— T’as vu, ce n’est pas si terrible. Il suffit juste de ne pas les déranger.
Adam hoche la tête, mais son regard reste sur les rennes, toujours un peu suspicieux. Quand il commence à verser les granulés dans les mangeoires, l'un des rennes s'approche soudainement, son museau frôlant le seau. Adam sursaute, presque prêt à lâcher le seau.
— Doucement, lui dis-je en me retenant de rire, c'est juste de la nourriture.
Le renne s’empare des granulés avec une rapidité surprenante, et en quelques secondes, l’animal semble satisfait, se détournant pour chercher un endroit où brouter. Adam, encore un peu ébranlé, regarde autour de lui comme si la situation allait dégénérer à tout moment.
— Voilà, c’était pas si difficile, non ? Je lève un sourcil avec un sourire en coin.
Il ne répond pas tout de suite, se contentant de vider le reste du seau dans les mangeoires. Michaela, plus détendue que lui, s’approche du groupe de rennes pour les caresser. Elle lance un regard furtif à Adam.
— Alors, prêt à gérer ça tous les jours ?
Adam soupire, jetant un regard à la ronde.
— Je crois que je vais prendre un peu d’entrainement avant de devenir un expert. Mais bon… ça pourrait être pire.
Je hoche la tête, l'air satisfait de le voir prendre ça un peu plus à la légère.
— Il y a du progrès, Adam. On va y arriver.
Et pour la première fois depuis qu'il est arrivé ici, Adam semble accepter un peu la situation, même si son regard reste toujours un peu méfiant envers les rennes.
— Bon, on rentre, finis-je par annoncer. On s’occupera du reste plus tard.
— J’ai froid, se plaint Adam.
— Et ce n’est que le début, me moqué-je.
Je l’entends grommeler puis rire. Quand je me retourne, je le vois bras dessus bras dessous avec Michaela. A quoi est-ce qu’elle joue ? Sans m’en rendre compte, mon pouls s’accélère et ma respiration devient irrégulière. Je sens mon cerveau être en ébullition face à ce spectacle.
Je les observe un instant, mon regard accroché sur leurs silhouettes rapprochées. Michaela sourit à Adam, son bras appuyé sur le sien avec une légèreté qui me fait frémir d’une manière que je n’arrive pas à identifier. Leurs voix se mélangent, leurs rires résonnent dans l'air chaud de l'après-midi. Adam semble détendu, plus à l’aise que jamais, riant à une de ses blagues. Mais moi, je reste là, immobile, une sensation étrange serrant ma poitrine.
Qu’est-ce qui m’énerve autant ? Je n’ai pas à me sentir ainsi. Après tout, Michaela n’a rien fait de mal. Elle est juste… elle. Mais quelque chose dans la façon dont elle le touche, comment ses gestes sont fluides, un peu trop familiers, me déstabilisent.
Je sens un pincement au ventre. Pourquoi est-ce que ça me fait ça ? Je déteste cette sensation, cette jalousie sourde que je tente de cacher.
Je détourne le regard, essayant de me concentrer sur autre chose. Un renne qui s'éloigne, des oiseaux qui volent au loin. Mais rien ne parvient à apaiser ce tumulte intérieur.
Je me prends la tête dans les mains, comme pour chasser cette vague d’émotions confuses. C'est absurde. Pourquoi est-ce que je me sens ainsi pour quelqu’un qui ne fait même pas attention à moi de cette manière ?
— Isabelle, vous allez bien ? La voix d’Adam, inquiète, m'arrache à mes pensées. Il s’est détaché de Michaela et me regarde, un peu perplexe.
Je relève la tête et croise son regard. Mes émotions s’emballent encore un peu plus, mais je tente de garder un masque impassible.
— Oui, tout va bien, je réponds, en forçant un sourire.
Il me scrute un moment, comme s’il cherchait à voir à travers mon masque, mais il hausse finalement les épaules, ne semblant pas vouloir insister.
— D'accord, si vous dites que ça va.
Il me lance un regard un peu trop intense, comme si quelque chose clochait, mais il détourne vite les yeux. Michaela, elle, continue de faire des blagues, mais son comportement me semble soudainement plus… calculé. Est-ce que je suis en train de surinterpréter tout ça ?
Je me secoue mentalement. Ce n’est rien. Juste une petite crise de jalousie. Ce n’est rien.
Mais plus je regarde Michaela et Adam, plus je me demande si ce n’est pas en train de devenir quelque chose.
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