LilouJune Un peu, beaucoup... AVEUGLEMENT Le début d'une autre

Le début d'une autre

Des voix tentent de me sortir d’un sommeil qui semble vouloir me happer pour l’éternité. Je lutte pour soulever ces paupières pesant plusieurs tonnes. Les lumières du plafond m’aveuglent par intermittence, m’empêchant de garder les yeux ouverts et d’observer les gens qui m’entourent.


Je reconnais la voix à ma droite qui m’interpelle. Une voix que je n’apprécie pas, mais que j’ai dû côtoyer durant les quatre derniers mois.


- Madame LEFLEURY, vous m’entendez ?


Je la vois enfin et la fixe longuement sans réellement prendre en compte tous les éléments qui m’entourent. Je sens les secousses du brancard à chaque mètre que nous parcourons, l’air ambiant me percutant comme s’il y avait du vent, mais je ne les intègre pas.


Tout semble en suspens. Il n’y a plus que la souffrance, l’angoisse et le docteur Parey… Mes vannes lacrymales s’ouvrent à nouveau et des sanglots s’échappent entre deux gémissements douloureux.


- Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.


Ma tête bouge dans une supplication. Je sais ce qui va se passer et je refuse.


- On savait que ça pouvait arriver, Agathe. On n’a plus le choix, il faut le faire. On vous emmène au bloc opératoire d’urgence. Je vous retrouve à votre réveil.


La sentence est irrévocable, je ne peux pas me battre contre ce destin que je ne maitrise en aucune façon. Aujourd’hui, je vais perdre un bout de moi, un de plus…


******


Comme sortie d’un coma de plusieurs années, je regarde partout autour de moi depuis plus d’une heure. A mon réveil, le docteur Parey m’a indiqué que tout s’était très bien passé et des brancardiers m’ont amenée dans une chambre individuelle totalement silencieuse, totalement impersonnelle. Je n’ai pas de doute sur le fait que je suis bien à l’hôpital.


Je suis incapable de bouger, le tiraillement que je ressens à l’endroit où ils m’ont opérée m’empêche de faire le moindre mouvement. Alors j’attends et j’analyse la pièce.


Trois coups à la porte me font sursauter et m’arrachent une mimique des moins gracieuses.


- Bonjour Madame Lefleury. Comment allez-vous ?


Je lance un sourire timide en guise de réponse à l’infirmière en face de moi. D’après sa blouse, elle se prénomme Coralie et semble avoir choisi la bonne fonction au vu de sa bonté qui se reflète sur son visage. Un petit bout de femme, que je ne remarque pas tout de suite, la suit de près.


- Je viens accompagnée de ma future collègue, dit-elle enjouée. Elle a quelques années de formation devant elle, mais je suis sûre qu’elle finira par me remplacer.


Le sourire de cette infirmière est contagieux et je lui renvoie son enthousiasme sans aucune feinte. Mes yeux fixent cette nouvelle recrue pour la saluer et mon cœur s’emballe. Cachée sous une couche de vêtements trop grands pour elle, la tête baissée vers ses pieds, elle met de côté sa timidité pour me regarder le temps d’une seconde.


Mes sens se mettent en alerte et ma respiration devient saccadée. Tout autour de moi devient flou et inexistant. Je ne vois plus qu’elle. A l’image d’un dessin animé, son parfum, léger et subtile, vient jusqu’à moi dans un chemin tout tracé. Sa beauté naturelle me laisse sans voix et une force invisible me somme de la connaître davantage.


Je déglutis péniblement et continue de la détailler de la tête aux pieds. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, c’est aussi étrange qu’irréaliste. Elle ne semble pas aussi captivée que moi, mais peu m’importe, il n’y a pas si longtemps moi aussi je n’étais intéressée par rien ni personne…


Coralie se râcle la gorge pour interrompre ce moment que je trouverais gênant habituellement, mais qui là, ne m’affecte en rien. Quelque chose m’ordonne de nouer un lien avec elle, quelque chose de puissant, contre lequel je suis bien trop faible. Alors mes yeux s’attardent sur son prénom et je me lance, chose qui ne me ressemble pas.


- Bonjour Morgane.


Elle ne dit rien et ne bouge pas. Sa formatrice la pousse à me répondre d’un geste tendre et la magie opère à nouveau. Je n’entends pas le son de sa voix, mais ses gestes valent tous les mots.


Un regard furtif s’ancre au mien, un rictus se forme au coin de ses lèvres et une fossette se creuse pour le plus grand bonheur de mon cœur.


- Bon, maintenant que les présentations sont faîtes, on va devoir y aller. On a encore beaucoup de travail, hein Morgane ?


Elle acquiesce d’un sourire et il me semble que le soleil s’est invité dans la pièce. Depuis longtemps, je n’avais pas ressenti pareil bonheur.


- On revient vous voir plus tard, d’accord ?


- Très bien. Je vous attends là, je ne bouge pas.


Coralie se dirige en riant vers la sortie, accompagnée de Morgane.


- Et si jamais vous avez besoin de nos services, n’hésitez pas à sonner. On reste pas loin, m’indique-t-elle en me faisant un clin d’œil.


Le rose me monte aux joues pendant que je les regarde partir. A l’inverse de tout à l’heure, mon cœur se serre et devient douloureux. C’est à n’y rien comprendre… Je ne la connais pas, je ne sais pas qui elle est et pourtant je désire ardemment être en sa présence.


Je tourne la tête de l’autre côté, vers la fenêtre, et vois sur la console mon sac bandoulière que j’avais lorsque je suis sortie prendre l’air. En quelques minutes, la vie m’a fait prendre un sacré tournant. Je suis encore un peu sonnée par toutes les émotions qui m’ont investie ces dernières heures, mais beaucoup plus par ce qui vient de se produire dans cette chambre.


Je tends le bras et récupère mon sac, à la recherche de mon téléphone. Je ne vois qu’une personne à prévenir, la seule et l’unique qui est toujours là pour moi et qui m’écoute sans jugement, sans apriori. Le stress s’installe dès que la tonalité se fait entendre.


- Amie pour la vie d’Agathe Lefleury, bonjour !


Je ris à sa réponse et un élancement me parcourt le corps, m’arrachant un grognement.


- Qu’est-ce qui se passe ? s’affole-t-elle immédiatement.


- Rien, ne t’inquiète pas. Je suis juste à l’hôpital.


- Quoi ?! Où es-tu ? Quelle chambre ? J’arrive.


- Nan, nan, ça va, ne t’inquiète pas je te dis. Tout va bien. Tout va même extrêmement bien…


- Oh là, tu me fais peur… T’es sous tranquillisant ?


Nouveau rire, nouvelle douleur. Parfois, je la déteste Audrey !


- Arrête de me faire rire ! Et oui, je dois sûrement avoir une dose de morphine dans les veines ou autres médicaments me permettant de voir la vie en rose.


- Dis-moi que c’est une prescription à vie ?


Je râle à nouveau, mais je ne me dépars pas de mon sourire.


- Blague à part, qu’est-ce qui se passe, ma belle ?


Je ne sais pas par où commencer… Est-ce que je lui raconte toute l’histoire de A à Z en passant par les petites lettres, ou bien je lui avoue à demi-mots ce que mon cœur cri depuis dix minutes ?


- Audrey… Je viens de rencontrer l’amour de ma vie.


Un hoquet de stupeur me fait perdre un tympan et j’éloigne le téléphone dans un réflexe. Je laisse passer une seconde, peut-être deux, et je décide de mettre les pieds dans le plat.


- Et c’est une fille…


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3 commentaires

Rose Lb

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Il y a 5 ans

j'ai pas le temps de parler ! Je file voir la suite !

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Comme quoi dans un lieu où rien ne pouvait le laisser croire, une rencontre est là, malgré la douleur son cœur bat...eh oui peu importe ce qu'elle ressent, le contact est foudroyant et dépasse ce qu'elle vit dans son corps...

LilouJune

-

Il y a 5 ans

C'est ça, peu importe la rencontre, tant qu'elle fait vibrer, c'est le principal !
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