Fyctia
Chapitre 15 - Jun
DANIEL - 은방울 (Lily of the Valley)
J’arrive tôt ce matin. Trop tôt, peut-être, mais j’ai à peine mis un pied dans mon bureau que je vois déjà une pile de dossiers.
Décembre, le mois maudit.
La fin d’année signifie clôture des budgets, révisions des stratégies, rapports de performances... Il y a des mails en attente, des collègues qui passent me voir toutes les dix minutes avec des questions urgentes, et cette impression que le temps s’accélère alors que ma to-do list s’allonge.
Mais bizarrement, j’aime ça. Ce rythme. Ce chaos organisé. Le fait de jongler entre les chiffres, les projections et les imprévus. C’est stressant, mais ça me stimule.
Je me fais un café dans la salle de pause, mon carburant de survie, avant de m’installer à mon bureau. À peine assis, Margot arrive, tablette en main, l’air au bout de sa vie.
— Je suis passée voir la finance et… franchement, Jun, ils vont nous tuer.
— Ils disent quoi ? je demande en prenant une gorgée de café.
— Qu’on doit ajuster notre plan de dépenses avant la fin de la semaine sinon ça passera pas pour le budget de l’année prochaine.
Je laisse échapper un soupir. Bien sûr.
— Ok, envoie-moi tout ça, je vais voir ce que je peux faire.
Elle hoche la tête et repart, pendant qu’un autre collègue s’approche déjà.
C’est reparti.
La pause de midi arrive, et comme tous les midis, je me rends au restaurant de l’entreprise. L’endroit est bondé. Je prends un plateau et me dirige vers le comptoir pour voir ce qu’ils servent aujourd’hui.
Fish and chips. Il y a aussi un curry, mais je passe mon tour. Je prends mon plat et rejoins mes collègues à notre table habituelle.
Je m’assois à côté de Margot, qui pousse un soupir dramatique en voyant son assiette.
— Jun. On était en train de parler de la charge de travail en ce moment. C’est exténuant. D’habitude j’aime bien décembre, mais là j’ai l’impression qu’avec tout le boulot, on ne peut plus respirer.
— Je suis d’accord, dis-je simplement en coupant mon poisson.
— En ce moment, tu quittes à l’heure, fait remarquer Nathan avec un sourire en coin. D’habitude tu n’hésites pas niveau heures supplémentaires…
Je lève un sourcil.
— Ah bon ?
— Oui, c’est vrai ça ! C’est ta fiancée qui t’a demandé de lui accorder plus de temps ? enchaîne Margot avec une fausse innocence.
Je lâche un petit rire, secouant la tête.
— Alma ne me demanderait jamais ça.
Un silence intrigué s’installe. Margot plisse les yeux.
— Oh. Ok, donc c’est toi qui fais des efforts tout seul ? Spontanément ? Par amour ?
— J’ai pas dit ça.
— Mais t’as pas nié non plus, ricane Nathan.
Je hausse les épaules.
— C’est vrai qu’il n’a jamais fait ça… Je pense qu’elle doit vraiment valoir le coup pour qu'il l'ait demandé en mariage. Depuis tout ce temps, quand on l’entendait parler, c’était comme s’il était insensible à tout, un vrai robot, lâche Jacob en coupant son poisson avec nonchalance.
Je relève la tête et le fixe avec un regard blasé.
— Oh, je suis là, oubliez pas.
— Oui, oui, on sait, répond Margot en agitant la main d’un air distrait. Mais c’est pas de notre faute si on est fascinés.
Elle plisse les yeux avant de pointer sa fourchette dans ma direction.
— J’ai l’impression qu’en général, tu montres rien, mais là… Dès qu’on a commencé à parler d’elle, ton visage s’est comme illuminé !
Elle fait un geste dramatique avec ses mains, comme si une lumière divine était descendue du ciel pour me bénir. Nathan, en face, étouffe un rire dans son verre d’eau.
— Vous exagérez, je dis en soupirant, piquant distraitement dans mon assiette.
— Pas du tout ! renchérit Nathan. Allez, raconte un peu. Comment vous vous êtes rencontrés ?
Je me retiens de lever les yeux au ciel, mais c’est peine perdue. Ils sont décidés à creuser.
— Au lycée, je finis par lâcher.
— Ohhh, c’est une histoire d’amour de jeunesse ! souffle Margot en posant les mains sur son cœur comme si c’était la plus belle chose qu’elle ait jamais entendue.
— Pas vraiment… On s’est recroisés des années plus tard, pendant un événement.
— Un événement mystérieux, répète Nathan d’un ton conspirateur.
— Vous êtes insupportables, sérieux…
Je secoue la tête, espérant qu’ils lâchent l’affaire. Mais Margot n’a pas dit son dernier mot.
— Elle doit être magnifique pour que tu sois aussi gêné en parlant d’elle. Jun ne montre en général que très peu d’expressions, remarque-t-elle en prenant une gorgée d'eau.
Nathan hoche la tête, comme si c’était une évidence absolue.
— C’est vrai.
Je soupire, posant mes couverts.
— Vous avez pas bientôt fini d’essayer de me tirer les vers du nez ?
Margot secoue la tête, faussement désolée.
— Non, mais c’est de ta faute aussi, tu donnes jamais de vraies réponses. T’es tout le temps évasif.
— Je suis pas évasif, je ne sais juste pas quoi dire de plus.
— Mouais, dit-elle en plissant les yeux, clairement pas convaincue.
Nathan tape dans ses mains comme s’il venait d’avoir une révélation.
— Ok, alors dis-nous juste un truc. Qu’est-ce qui te plaît chez elle ?
Je lève un sourcil.
— Quoi ?
— Alma, insiste-t-il. Qu’est-ce qui te plaît chez elle ?
Je réfléchis pas vraiment avant de répondre.
— Elle est… vraie. Elle fait pas semblant d’être quelqu’un d’autre. Quand elle parle, elle dit ce qu’elle pense, sans essayer d’adoucir les choses ou de plaire à qui que ce soit. Mais en même temps, elle est pas brutale, elle sait juste comment être honnête sans blesser.
Je m’arrête une seconde, cherchant mes mots.
— Elle a ce truc… elle arrive à voir les gens. Vraiment les voir. Même ceux qui pensent qu’ils passent inaperçus.
Un petit silence s’installe.
Margot cligne des yeux, un sourire attendri sur les lèvres.
— Wow.
Je fronce les sourcils.
— Quoi ?
— T’as pas dit un seul truc qui te concernait toi.
— Hein ?
— Bah ouais, reprend-elle, t’as pas dit j’aime comment elle me fait sentir ou elle fait ça pour moi, t’as juste parlé d’elle. De comment elle est.
Nathan siffle en croisant les bras.
— C’est beau, mec.
Jacob hoche la tête avec gravité.
— Très beau.
Je secoue la tête, sentant la chaleur monter à mes joues.
— Ok, super. C’était sympa mais maintenant je vais quitter cette table avant que vous décidiez de me marier sur-le-champ.
Margot pouffe de rire.
— Non mais regarde-le, il est gêné !
— Je suis pas gêné.
— Bien sûr que si, regarde, t’as les oreilles toutes rouges, se moque Nathan.
— Vous abusez…
— Je suis d’accord avec eux, ajoute Jacob avec un sourire en coin.
Je le fixe, trahi.
— Mais non, pas toi…
Ils explosent tous de rire et, malgré moi, je sens un sourire m’échapper.
2 commentaires
C.J_Robin
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Il y a 7 jours
MelinaSANYA
-
Il y a 11 jours