Fyctia
Chapitre 16 - Alma
The Marías - No One Noticed
On est vendredi. Le jour de notre fameuse sortie à l’Opéra.
Je n’y suis jamais allée, et pour être honnête, je ne savais même pas quoi porter. Jun m’a dit de "faire simple". Simple pour moi, c’est un jogging et un pull. Apparemment, on n’a pas la même définition du mot "simple". Puis, il a ajouté que je devais avoir l’air "décontractée, mais pas trop" et que je n’avais pas besoin de jouer un rôle. "Être toi-même les séduira."
Il a beaucoup trop d’espoir en moi, franchement.
Finalement, je choisis une robe noire près du corps. Pas trop moulante, mais pas non plus "sac à patates". C’est un équilibre fragile. Je la combine avec un collant et des bottines. Un peu de mascara, un trait d’eyeliner, enfin, j’essaie. Après un échec cuisant, je finis par tout effacer. Clairement, le maquillage artistique, ce n’est pas mon domaine. Chacun ses talents. Je mets une touche de gloss et voilà.
Quand je sors enfin de ma chambre, Jun, qui était affalé sur le canapé, se redresse. Ses yeux s’arrêtent sur moi, un instant, comme s’il me voyait pour la première fois.
— Tu es… très belle, Alma.
Je secoue la tête, un peu gênée, et lui lance en ricanant :
— Arrête, Jun.
— Pourquoi ?
— Parce que. N’essaie pas de me draguer. On est sous contrat, dois-je te le rappeler ?
Il se gratte la nuque, l’air un peu pris au dépourvu.
— Je n’essaie pas de te draguer. C’est le Jun en tant qu’ami qui te parle.
Je le fixe, un sourcil levé.
— On est amis ?
— Eh bien… on ne l’est pas, pour toi ?
— Si, si, t’as raison. On est amis. Et entre amis, c’est normal de se faire des compliments, c’est vrai… merci.
— T’es fatigante, Alma, tu sais ?
Je lui tire la langue et me dirige vers la porte d’entrée.
Pendant le trajet, on répète nos petits mensonges. Juste assez pour que tout ait l’air crédible, mais pas trop non plus. Plus c’est simple, mieux c’est, selon Jun. Franchement, cette histoire de "relation d’un an" commence à me stresser. Le temps file, et j’ai l’impression qu’on arrive beaucoup trop vite à l’Opéra. Mon cœur s’emballe.
En sortant de la voiture, Jun semble sentir mon anxiété. Il pose une main sur mon épaule.
— Calme-toi, Alma. T’es pas en train de passer le bac.
— Peut-être, mais… Et si je fais une erreur ? Si je fais tout capoter ?
— Tu vois toujours le pire scénario, toi. Fais-moi confiance, tout va bien se passer.
Je regarde son visage, aussi détendu que s’il allait acheter une baguette de pain. Pas une ombre d’hésitation. Peut-être qu’il n’a pas cette voix dans sa tête. Vous savez, celle qui sabote tout. Moi, elle est bien là.
Un couple s’avance vers nous. L’homme, la cinquantaine, grand et imposant, arbore un sourire amical. À ses côtés, une femme d’une élégance folle, malgré quelques mèches grises qui trahissent son âge, me fixe avec bienveillance. Elle est magnifique. Je note mentalement de lui demander son secret anti-âge un jour.
— Jun ! s’exclame l’homme en tendant la main.
— Monsieur Thompson, répond Jun en la serrant.
— Je te l’ai déjà dit : appelle-moi Franck.
— J’essaierai. Mais pour l’instant, je ne suis pas à l’aise avec ça.
— D’accord, comme tu veux.
Et là, sans prévenir, Jun glisse sa main autour de ma taille. Mon souffle se coupe un instant.
— Je vous présente ma fiancée, dit-il avec un sourire assuré.
Je me ressaisis rapidement et me présente à mon tour :
— Bonsoir. Alma Rowe, enchantée.
— Comme tu as pu l'entendre, je suis Franck. Si tu n'es pas assez à l'aise comme l'autre bougre, tu peux m'appeler monsieur Thompson.
— Je m'appelle Lucy, dit la femme de la voix la plus douce possible.
Les présentations faites, ils se mettent à discuter. De quoi exactement ? Aucune idée. Les mots me parviennent comme un bruit de fond lointain, presque étouffé. Tout ce que je sens, c’est cette main. La main de Jun. Ferme, chaude, là, autour de ma taille.
C’est idiot, mais j’ai l’impression qu’elle brûle. Pas une brûlure douloureuse, non, c’est plutôt réconfortant ? Et perturbant à la fois. Comme si sa main voulait me dire quelque chose que je ne comprends pas encore. Ça me donne des papillons. Un nuage entier de papillons, à vrai dire.
Je me dis que c’est normal. Oui, c’est forcément normal. Ça doit être parce que je n’ai pas eu de contact physique comme ça depuis un bon moment, c’est tout. Rien d’étrange. Juste mon corps qui réagit à une proximité inhabituelle. Rien de plus.
Pourtant, je sens un léger mouvement de son pouce. Pas vraiment une caresse, mais assez pour me faire frissonner. Comme s’il voulait me rassurer. Ou me rappeler que je ne suis pas seule.
Mon cœur rate un battement, et mes pensées s’embrouillent. Je redresse un peu mes épaules, essayant de m’éloigner légèrement. Mais sa main reste là, ancrée. Pas oppressante, juste présente. Je lève les yeux vers lui, presque instinctivement.
Jun ne tourne pas complètement la tête vers moi, mais je vois son regard du coin de l’œil. Il a ce petit sourire, discret, presque imperceptible, mais bien là. Et, pour une raison qui m’échappe, ça me désarme complètement.
Je m’efforce de me concentrer, de revenir à la réalité. Tout ça, c’est un jeu. Un mensonge bien rodé, qu’on a répété comme une scène de théâtre dans la voiture. Mais à cet instant précis, sa main et ce fichu sourire semblent bien plus sincères que tout ce qu’on a préparé.
Je prends une profonde inspiration, essayant de calmer cette voix dans ma tête qui me crie de reculer, de ne pas me laisser troubler.
— Tu te sens bien ? murmure-t-il, baissant un peu la tête pour que seul moi l’entende.
— Oui, oui, bien sûr. Pourquoi ? dis-je trop vite, ma voix légèrement trop aiguë pour être crédible.
Jun hausse un sourcil, son sourire s’élargissant à peine.
— Rien. T’as juste l’air... ailleurs.
Je m’apprête à protester, mais sa main, toujours autour de ma taille, exerce une légère pression. Comme s’il voulait m’ancrer, me ramener à lui.
— Reste avec moi, souffle-t-il.
Et voilà, les papillons reprennent de plus belle.
3 commentaires
Lély Morgan
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Il y a 9 jours
Sunny NDV
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Il y a 9 jours