Fyctia
Chapitre 9 - Alma
Wave to earth - Bonfire
Il me regarde, attendant visiblement que je parle à mon tour. Je finis par céder.
— Moi, je suis restée en Angleterre pour mes études en communication. J'ai travaillé dans plusieurs boîtes différentes jusqu'à trouver cette entreprise dans laquelle ça se passait plutôt bien, même si, comme tu le sais, je n'étais pas passionnée, mais au moins, je gagnais de l'argent... jusqu'à ce que je vive ma rupture.
Je m'arrête un instant, comme pour m'assurer que ma voix ne tremble pas.
— Ça m'a tellement déchiré le cœur... encore plus à cause de la trahison de Maddy. Si Charles m'avait trompé avec une fille lambda, ça m'aurait moins touchée. Mais là, c'était ma meilleure amie. Cette rupture est ma première vraie rupture amoureuse, et dans le même temps, j'ai eu cette rupture amicale avec Maddy. Je n'ai pas pu compter sur ma meilleure amie, car c'était elle la responsable de mon malheur et ça, ça m'a fait mal au point où j'ai eu l'impression de mourir. Je ne pouvais pas travailler dans l'état dans lequel j'étais. Malheureusement, "Absence pour rupture" n'est marquée dans aucune clause d'un contrat de travail.
Il laisse échapper un sifflement entre ses dents.
— C'est vraiment moche ce qu'ils t'ont fait.
— Je sais... Mais, tu sais quoi ? Le pire, c'est qu'avec le recul, je crois que je savais au fond de moi que Charles ne m'aimait pas tant que ça, vu la manière dont il se comportait avec moi.
Il me regarde, un sourcil levé.
— Tu le savais, et tu es restée avec lui quand même ?
Je hausse les épaules, incapable de soutenir son regard.
— Oui. J'ai pris une mauvaise décision... préférant être accompagnée de la mauvaise personne plutôt qu'être seule.
— Et être seule, ça te fait peur ?
Je hoche la tête.
— C'est tellement déprimant.
— Je vois.
Un silence s’installe, mais il n’est pas lourd. Plutôt réfléchi.
Je fixe un point invisible devant moi, cherchant les bons mots, mais ils finissent par s’échapper sans filtre.
— C’est pathétique, hein ? ajouté-je en riant amèrement.
Jun fronce légèrement les sourcils.
— Non.
Je secoue la tête, un sourire désabusé aux lèvres.
— Si. Ne pas vouloir être seule… Le truc, c’est que je l’ai été pendant des années. Depuis que j’ai perdu mes parents.
Je ne le regarde pas directement, mais je sens son corps se tendre à côté de moi. Il se redresse légèrement, comme si mes mots venaient de le frapper de plein fouet.
— Oh… Je suis désolé. Je… je savais pas.
Sa voix est plus douce, presque hésitante, comme s’il avait peur d’enfoncer une porte déjà fracassée.
Je hausse les épaules, geste dérisoire face à l’ampleur de ce que je ressens.
— C’est normal. C'est arrivé peu après le lycée.
Je prends une inspiration tremblante avant de continuer.
— C’était brutal, tu sais. Un accident de voiture. Un seul appel, et tout s’est effondré.
Ma gorge se serre, mais je refuse de laisser mes émotions me submerger.
— Un jour, t’as une famille, t’as des repères, des bras où te réfugier quand t’as une mauvaise journée… et puis le lendemain, plus rien. Le vide.
Jun ne dit rien, mais je vois ses doigts se crisper légèrement sur son jean. Il écoute. Vraiment.
— Alors, ouais, j’ai cherché à combler ce manque. Au début, j’ai tenu bon, seule. Parce que de toute façon, personne pouvait remplacer mes parents. Mais quand j’ai rencontré Maddy…
Un sourire triste m’échappe.
— Ça a été instantané entre nous. On s’est comprises tout de suite, comme si on se connaissait depuis toujours. On a fait nos études ensemble, on est devenues inséparables.
Je soupire en passant une main dans mes cheveux.
— Je crois que je l’ai vue comme un signe du destin. Comme si la vie essayait de me dire : "Tiens, t’as tout perdu, mais voilà quelqu’un qui va remplir un peu ce vide."
Jun hoche lentement la tête, absorbant chaque mot.
— Et puis… Quand j’ai rencontré Charles, j’y ai cru aussi.
Je ris un peu, un rire sans joie.
— Je me disais que c’était ça, la prochaine étape. Trouver quelqu’un pour m’aimer, pour m’ancrer quelque part. Mais au fond… je me mentais à moi-même.
Je prends une seconde pour ravaler l’amertume qui me monte à la gorge.
— Chaque fois, c’était qu’une illusion.
Un silence s’étire entre nous, mais il n’est pas inconfortable. Il est plein de compréhension muette. Jun finit par murmurer :
— T’as fait ce que tu pensais être le mieux sur le moment.
Je le regarde, un peu surprise par la douceur dans sa voix.
— Peut-être, mais au final, c'est moi qui les ai ramenés dans ma vie. C'est ma faute.
Il secoue la tête, un sourire triste aux lèvres.
— Alma, écoute, tu mérites tellement mieux que ça. Il faut que tu t'en rendes compte.
Je veux répondre, mais ses mots me coupent le souffle. Je baisse les yeux, jouant nerveusement avec le tissu de mon manteau.
— Merci, murmuré-je finalement, ma voix presque inaudible.
Un courant d’air froid passe et je frissonne. Jun, sans prévenir, passe son bras autour de mes épaules et me tire contre lui.
Chaleur soudaine. Court-circuit cérébral. Alerte générale.
Je relève la tête vers lui, plissant légèrement les yeux, dans le genre : Tu fais quoi, là ?
Il me regarde avec un petit sourire amusé.
— Je te réchauffe, Alma, y a rien de bizarre. Je veux juste pas que tu te transformes en glaçon sous mes yeux.
— Ah… donc en bon gentleman qui se respecte, t’as décidé de me réchauffer avec ton corps ?
— Évidemment. C’est juste parce que je suis un gentleman.
— Bien sûr.
Je plisse encore plus les yeux.
— Pas du tout une excuse bidon pour me coller, hein ?
— Absolument pas.
Je le fixe. Il me fixe. On dirait une scène de western, mais avec du flirt en bonus.
Je ne sais pas si c’est le choc thermique ou si sa technique fonctionne vraiment, mais tout d’un coup, je ne tremble plus.
Et le pire ? J’ai pas envie qu’il me lâche.
Un silence s’installe, pas gênant, mais assez long pour que Jun décide de le briser.
— Faut qu’on trouve un moyen de te rendre ta confiance en toi. C’est pas négociable.
Je hausse un sourcil, un sourire au coin des lèvres.
— Oh, c’est pas négociable ?
— Non. Ordre du docteur Jun.
Je ricane.
— T’es médecin maintenant ?
— Non, mais je peux le devenir pour toi.
Je lève les yeux au ciel, mais mon sourire me trahit.
— C’est la phrase la plus bizarre que t’aies sortie jusqu’ici.
— Merci. J’essaie d’innover.
5 commentaires
Gwen.David
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Il y a 9 jours
Sarael
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Il y a 10 jours
MelinaSANYA
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Il y a 14 jours
C.J_Robin
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Il y a 15 jours
Sunny NDV
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Il y a 15 jours