Fyctia

Daughter - Youth

On était rentrés depuis un moment, et à peine le temps de poser nos affaires, Jun avait déjà dégainé du papier et des stylos.

— Sérieusement, me redonner confiance en moi ? Tu veux que je passe un examen ? On est à ça de devoir réviser les maths.

Il se met à rire en s'asseyant à côté de moi sur le canapé.

— Si on devait réviser les maths, crois-moi, je serais déjà dehors. Non, là, c'est beaucoup plus simple : une liste de trois de tes qualités.

Je fronce les sourcils.

— Trois ?

— Oui. Trois. C'est tout. C'est faisable, non ?

— C'est déjà beaucoup trop.

— Arrête, moi, j'en vois largement plus que trois. Et toi, qui es censée te connaître mieux que n'importe qui, t'es sûrement capable de faire mieux.

— C'est vrai, mais bon, tu sais...

— Allez, prends ton temps. Moi, je vais prendre une douche.

Il se lève avec un sourire, me laissant seule face à ma mission.

Je fixe la feuille blanche devant moi comme si c'était un problème de géométrie incompréhensible. Trois qualités. Rien que ça.

Gentille ? Ça ne compte pas, Alma. Ça devrait être la norme et pas une qualité d'être gentil, tout le monde devrait l'être.

Organisée ? Haha, non. Mensonge détecté.

Sincère ? Hmm... entre le pacte avec Jun et ma capacité à me taire sur des trucs importants, ce n'est pas mon meilleur argument.

Je laisse échapper un soupir exaspéré.

Bon, réfléchis autrement. Fidèle. Oui, ça, c'est vrai. Je suis fidèle à ceux que j'aime, que ce soit en amitié ou en amour. Quand j'aime une personne, je donne tout, parfois un peu trop, même. Je n'attends rien d'extraordinaire en retour, juste du respect.

Respectueuse. Oui, ça aussi. Je respecte les gens autour de moi. Je ne pourrais jamais rabaisser quelqu'un ou l'humilier, même dans un moment de colère. Je préfère toujours voir le meilleur chez les autres, même quand eux n'y croient pas.

Je tapote mon stylo contre la feuille. Une dernière. Allez. Une troisième qualité.

Empathique. Quand quelqu'un est triste, en colère ou même heureux, je le perçois, même sans qu'il parle. Peut-être parce que j'ai trop souvent ressenti ce genre d'émotions, je sais reconnaître les petits signes.

Quelques minutes plus tard, alors que je finis enfin ma réflexion, j'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir.

Jun débarque, ses cheveux encore humides, retombant un peu en avant. Ça le change tellement. Il a l'air plus jeune, presque vulnérable. Il porte un t-shirt et un pantalon de pyjama, mais... est-ce qu'on peut décemment avoir l'air aussi bien dans un pyjama ?

Mes yeux traînent sans doute un peu trop longtemps sur ses bras. C'est une chose de remarquer que quelqu'un est musclé, mais là... c'est presque insultant.

Il tousse légèrement, me ramenant à la réalité.

Je détourne les yeux avec la grâce d'une actrice prise en flagrant délit.

— T'as fini ? demande-t-il en s'approchant, l'air amusé.

— Oui, monsieur, dis-je avec une pointe d'ironie pour dissimuler mon embarras.

Il rit et s'assoit à côté de moi, attrapant la feuille.

— Voyons ça...

Il lit en silence pendant un instant, hochant la tête à chaque mot.

— Pas mal du tout, dit-il finalement.

— Et c'est censé m'aider en quoi, tout ça ?

Jun pose la feuille sur la table et se tourne vers moi, son expression devenue sérieuse.

— À te rendre compte que tu vaux le coup, même si certaines personnes t'ont fait croire le contraire. Mais ça, Alma, ça doit venir de toi.

Je reste silencieuse, alors il continue :

— Je pourrais te dire que t'es exceptionnelle, incroyable, belle, intelligente... tout ce que tu veux. Mais si, au fond, toi, tu n'y crois pas, ça ne servira à rien.

Touché.

— Je pense que le fait de ne pas avoir trouvé ce qui te plaît vraiment peut jouer sur ta confiance en toi. Si un jour tu trouves quelque chose dans lequel exceller, un truc qui te passionne vraiment, ça pourrait t'aider à te donner à fond. Et puis... t'as le temps, Alma, peu importe l'âge. On peut se découvrir une nouvelle passion à tout moment. Tu devrais chercher ce qui te donne envie de te réveiller chaque jour.

Je reste figée une seconde, mes pensées vagabondant.

— Alma ?

— Hein ? Oh pardon... C'est juste que je me demande comment un gars comme toi peut être célibataire. Sérieusement, je commence à croire que t'as peut-être je sais pas, tué toutes tes ex et caché les corps dans un sous-sol. Et moi, je suis probablement la prochaine victime.

Il éclate de rire, un vrai rire franc qui fait briller ses yeux.

— Arrête, Alma.

— Mais je suis sérieuse, dis-je en hochant la tête d'un air faussement grave.

— Les gens, en général, quand ils veulent faire des compliments, ils disent quelque chose de plus agréable. Toi, ta façon de complimenter est disons... unique.

— Unique, hein ? Ça veut dire bizarre, mais avec un joli emballage, c'est ça ?

— Peut-être. Mais pour te rassurer, non, je n'ai aucun cadavre dans un sous-sol.

— Alors pourquoi tu es célibataire ?

Il esquisse un sourire en coin, croise les bras et s'enfonce un peu dans le canapé.

— Tu veux vraiment qu'on parle de ça ce soir ?

— Pourquoi pas ?

— À vrai dire, je suis ton opposé. Je préfère être seul qu'accompagné par la mauvaise personne. Si je vois que ça ne marche pas, je préfère arrêter les choses rapidement.

— Donc tu es difficile en amour, quoi.

— Difficile ? C'est comme ça que tu le vois ?

— Bah oui. J'imagine que plein de femmes doivent t'approcher, non ?

— Pas vraiment.

— Oh allez, me dis pas qu'elles ne s'approchent pas juste parce qu'elles sont intimidées par ça, dis-je en désignant vaguement son visage et ses épaules comme si c'était une évidence.

— Peut-être, répond-il avec un sourire sûr de lui.

— Tu m'énerves, vraiment, dis-je en riant et lui donnant une petite tape sur l'épaule. Mais sérieusement, t'es jamais tombé amoureux ?

Sa réponse ne vient pas tout de suite. Son sourire s'estompe légèrement.

— Ah, donc tu l'as été, conclus-je en plissant les yeux. J'imagine qu'on n'est pas encore assez proches pour que tu me racontes.

— Ce n'est pas ça, dit-il en secouant légèrement la tête. C'est juste compliqué.

— C'est ce qu'on dit quand on veut éviter un sujet, ça. Bon, changeons de sujet avant que tu te désintègres, là. On dirait que tu viens de croquer dans un piment trop fort, dis-je en riant.

Il secoue la tête, un sourire finissant par réapparaître sur ses lèvres, mais je me surprends à être curieuse.

Qui est cette fille dont il a été amoureux ?