Fyctia
Chapitre 8 - Alma (2/2)
Je fronce les sourcils, cherchant à associer un visage à ce nom.
— Oh ! Sam ! Oui, je m’en souviens ! Il était là à la soirée ? Je ne l'ai pas vu...
Jun éclate de rire, mais essaie de le cacher en toussant.
— Non, il n'a pas pu venir. Mais bon, vu l'état dans lequel tu étais...
Je détourne les yeux, sentant mes joues chauffer.
— Arrête... Je sais que j'ai un peu abusé. Enfin, ok, beaucoup.
— Eh, c'est pas grave, tu sais. T'étais amusante. Juste un peu bruyante.
Je prends une grande inspiration. Il a dit "amusante". Je vais choisir de me concentrer sur ça.
— Qu’est-ce qu’il devient ?
— Hmm ?
— Sam. Qu’est-ce qu’il devient ?
— Il bosse dans les jeux vidéo maintenant. Il a même monté sa propre boîte. Ça marche plutôt bien, apparemment, et il fait quelque chose qui lui plaît. Il a l’air d’être heureux.
— C’est hyper important, ça. Faire un boulot qu’on aime…
Mon sourire s’efface légèrement, mes pensées dérivant sur mon propre parcours.
— Moi, avec les années, j’ai fini par ne plus trop aimer ce que je faisais. C’était devenu… automatique. Je bossais parce qu’il fallait bosser. Mais il n’y avait pas cette passion que j’aurais dû ressentir. Donc, forcément, quand j’ai été virée, ça m’a fait mal, mais en même temps… ça m’a forcée à me poser des questions. Est-ce que j’avais fait les bons choix ?
Jun hoche la tête, pensif.
— C’est difficile de trouver ce qui nous passionne vraiment. Surtout qu’à 16 ans, on nous balance devant une liste *d'A-levels en mode "Allez, choisis bien, ça va définir ton avenir". Comme si on savait déjà exactement ce qu’on voulait faire de notre vie à cet âge-là.
Je laisse échapper un petit rire amer.
— C’est ça. Et tu réalises une dizaine d'années plus tard que t'as pris la mauvaise route et que tu dois tout recommencer.
Il me regarde d'un air compatissant.
— Toi, t’aimes ce que tu fais ?
Jun redresse légèrement les épaules et je vois tout de suite le changement dans son expression. Son regard s’illumine, et je sens presque son énergie changer, comme si parler de son boulot réveillait quelque chose en lui.
— Ouais. J’adore mon poste.
Il marque une pause, cherchant ses mots, puis son regard se fixe sur moi, un léger sourire au coin des lèvres.
— Je suis responsable de la stratégie d'entreprise. Je travaille sous la tutelle du directeur stratégique, et mon boulot, c’est…
Il s’interrompt, plissant les yeux.
— Attends. Tu vois comment un capitaine de bateau doit anticiper la météo, gérer l’équipage et décider de la meilleure route pour arriver à destination ?
Je hoche la tête.
— Ouais…
— Bah, c’est plus ou moins ce que je fais, mais avec des chiffres, des décisions économiques et une équipe qui me donne mal au crâne une fois sur deux.
Je souris malgré moi.
— Donc t’es le mec qui dit si l’entreprise va dans la bonne direction ou si elle fonce droit sur un iceberg ?
Il éclate de rire.
— Exactement ! Sauf que l’iceberg, c’est un marché en crise, un concurrent trop ambitieux ou une décision qui pourrait nous coûter des millions. Je dois analyser tout ce qui peut impacter la boîte, anticiper les tendances, voir où on peut investir, où il faut réduire les coûts, et surtout, prendre les bonnes décisions avant que les problèmes arrivent.
— Donc t’es un visionnaire ?
Il rit doucement, secouant la tête.
— Disons plutôt que je dois l’être si je veux garder mon poste.
Je l’observe, intriguée. Il parle avec fluidité, mais pas juste pour m’expliquer. Il aime ce qu’il fait. Il y a une intensité dans sa voix, une sorte de satisfaction à l’idée de résoudre des problèmes complexes.
— Et donc, tu souhaites viser le poste de directeur stratégique, c'est ça ?
— Exactement.
— Et ça te plaît vraiment ? Je veux dire… au point d’y passer des années ?
Il ne réfléchit même pas avant de répondre.
— Oui. J’aime les défis, j’aime prendre des décisions qui comptent, et j’aime savoir que ce que je fais a un impact direct sur l’entreprise.
Je l’observe en silence, impressionnée. Il n’est pas juste ambitieux. Il est passionné.
Et putain… c’est terriblement attirant.
Le serveur revient avec nos plats. Mon butter chicken a l'air parfait, et l'odeur... Mon estomac grogne bruyamment.
— Eh bien, quelqu'un est pressé, remarque Jun avec un sourire moqueur.
— Chut, laisse-moi savourer ce moment, dis-je en prenant une grande inspiration pour humer les épices.
Je commence à attaquer mon assiette avec enthousiasme, avant de relever la tête pour voir Jun en train de tenir son téléphone, un sourire en coin.
— Tu viens de me prendre en photo ?
— Peut-être.
Je lui lance un regard noir, mais il ne bouge pas, affichant un air innocent.
— Le droit à l'image, tu connais ce concept, Jun ?
Il hausse un sourcil, reposant son téléphone.
— Non, ça se mange ?
Je lâche un faux soupir d'agacement.
— Très drôle, dis-je, un sourire malgré moi au coin des lèvres.
Il rigole doucement en attrapant sa fourchette, et je me surprends à sourire plus largement.
Passer du temps avec Jun, c'est comme une bouffée d'air frais.
Après le restaurant, on décide de marcher le long d'un canal. L'air frais de la soirée est agréable.
Jun ralentit le pas, comme s'il voulait prolonger ce moment.
— Tu sais, t'es l'une des dernières personnes avec qui je pensais renouer un jour. Surtout pas comme ça.
Il tourne la tête vers moi, surpris.
— Vraiment ?
— Oui. On était dans la même classe, mais on n'était pas proches. J'aurais même parié que tu avais oublié mon prénom.
Il lâche un petit rire amusé.
— On oublie pas facilement une Alma, dit-il en haussant légèrement les épaules, comme si c'était une évidence.
— C'est vrai que c'est pas commun.
— Toi aussi, tu t'es souvenu de moi. T'avais pas oublié mon prénom.
— Parce que je retiens le prénom des gens et on n'oublie pas facilement un Jun non plus.
— Tu vois ?
Il sourit, clairement satisfait de sa petite victoire, et je secoue la tête en riant doucement.
— T'es resté en Angleterre pour tes études ? demandé-je.
— Oui, mais j'ai fait une année d'échange en France, à Lyon.
— Sérieux ? C'était bien ?
— Ouais, une très belle ville. Les rues pavées, les bouchons lyonnais, les quais mais, comment dire je ne me serais pas vu y rester. J'aime trop Londres pour ça.
On arrive près d'un banc. Il désigne l'assise d'un mouvement de tête.
— On s'assoit ?
J'acquiesce, et on s'installe côte à côte.
— Malgré les rencontres sympas là-bas, je me suis toujours dit que Londres était ma ville. Mon endroit, tu vois ?
— Je vois, réponds-je en hochant la tête, sans savoir trop quoi ajouter.
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* Les A-Levels (Advanced Levels) sont des examens que les élèves passent au Royaume-Uni généralement entre 16 et 18 ans. Les élèves choisissent 3 à 4 matières qu’ils veulent approfondir et passent des examens à la fin des deux ans.
8 commentaires
Gwen.David
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Il y a 9 jours
Sarael
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Il y a 10 jours
MelinaSANYA
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Il y a 14 jours
C.J_Robin
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lovelover
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Sunny NDV
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lovelover
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Zéa H. Amirsaana
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Il y a 15 jours