Fyctia

Wave To Earth - Light

Je me sens bizarrement légère en marchant aux côtés de Jun. Mon regard se pose sur le sac dans sa main, et je prends une grande inspiration.

— T'as vraiment pas regardé le prix ? demandé-je finalement inquiète.

— Non, mais je te promets que je te le dirai si je me retrouve endetté dans les six prochains mois, dit-il avec un clin d'œil.

— Il n'y a que toi qui peut prendre ça autant à la légère. Alors, c'est quoi la prochaine étape ? demandé-je, même si je connais déjà la réponse.

Il me jette un coup d'œil malicieux.

— Les photos, évidemment. On doit immortaliser cette journée historique, tu sais.

— Historique ?

— Eh bien, pour toi, parce que tu te souviendras de moi toute ta vie, non ?

Je le fixe, abasourdie, avant de rire malgré moi.

On marche un peu dans les rues, et bientôt, un centre commercial immense se dresse devant nous. Les décorations de Noël clignotent un peu partout. Une légère odeur de cannelle flotte dans l'air, et je me sens presque bien. Trop bien, peut-être.

Jun me tient la porte pour entrer, ce qui devrait être quelque chose de normal, mais Charles, lui, n'aurait jamais pensé à faire ça. Cette pensée me traverse l'esprit, mais je la chasse aussitôt.

À l'intérieur, l'ambiance est bruyante et animée. Les rires d'enfants résonnent à côté d'un père Noël, et un stand de crêpes attire une file d'attente interminable. Jun repère rapidement un photomaton dans un coin et se tourne vers moi.

— C'est là qu'on va devenir des légendes.

— Légendes ? Je crois que t'as une idée un peu exagérée de ce qu'un photomaton peut faire.

Je secoue la tête, mais il m'entraîne déjà vers la cabine. L'espace est minuscule.

Je m'assois sur le tabouret, en essayant d'éviter que mes genoux touchent la paroi en plastique. Jun me rejoint, et immédiatement, l'endroit semble encore plus étroit.

Il s'accroupit, se rapprochant de moi, nos épaules se touchent.

— Allez, dit-il, lançant une pièce dans la machine. Tu sais ce qu'on doit faire.

L'écran s'illumine, indiquant un compte à rebours pour la première photo.

— On doit avoir l'air amoureux, dis-je en mimant des guillemets.

— Exactement ! Alors, fais semblant que tu m'aimes.

— Ça va être dur, murmuré-je.

Il rit doucement, un de ces rires qui semblent toujours vrais avec lui.

La première photo est un désastre. Je suis raide comme un piquet, les bras croisés, tandis que Jun tente un sourire confiant.

— Eh bien, ça alors, on dirait que je t'ai kidnappée, dit-il en regardant l'aperçu sur l'écran.

— Peut-être que tu devrais arrêter de sourire comme un mannequin de pub pour dentifrice, répliqué-je.

Il fait semblant d'être blessé, posant une main sur son cœur.

Pour la deuxième photo, il passe un bras autour de mes épaules. Je me fige une seconde, mon corps réagissant avant même que mon cerveau ne réalise. Je ne suis plus habituée à ce genre de proximité. Pourtant, je me force à sourire.

Le résultat est un peu mieux, mais bon, on est encore loin de l'affiche du siècle.

— Relaxe un peu, dit-il en riant. On dirait encore que tu es mon otage.

Je le fusille du regard, mais ça ne fait que l’amuser davantage.

— Tu sais quoi ? Pourquoi je t'écouterais, hein ?

— Parce que j’ai raison, répond-il du tac au tac, un sourire en coin.

Je roule des yeux, mais au fond, je sens que quelque chose change.

La troisième photo est… différente. Cette fois, je me laisse aller, presque naturellement. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je finis par m’appuyer contre lui, mon épaule contre son torse. Jun ne laisse pas passer l’occasion : son bras glisse autour de ma taille, comme un mouvement instinctif.

Je sens la chaleur de sa main à travers le tissu. Un frisson me parcourt.

— Là, c'est bien, murmure-t-il, sa voix plus grave, presque basse.

Ma respiration s’accélère imperceptiblement. Pourquoi ça me fait ça ? C’est juste une photo. Juste un contact. Et pourtant, il y a cette sensation étrange, ce léger courant électrique qui me traverse.

Au fur et à mesure, je suis plus à l'aise. Sur la dernière photo, il pose son menton sur le haut de ma tête, et sans prévenir, mon cœur rate un battement.

Et je me rends compte que je souris sans même m’en rendre compte.

Quand nous sortons du photomaton, Jun récupère la planche de photos. Il les examine avec un sourire satisfait avant de me les montrer.

— Alors ? On fait un beau couple, non ?

Je fronce les sourcils, mais mon regard reste accroché à l'une des photos. Sur la dernière, il y a quelque chose... quelque chose de naturel, comme si ce moment nous appartenait vraiment.

— On a juste l'air crédibles, dis-je, presque en chuchotant.

— Crédibles, hein ? Il faudra travailler là-dessus.

Je ne réponds pas, parce que je suis trop occupée à penser que cette journée est plus romantique que n'importe quelle sortie que j'ai faite avec Charles en trois ans de relation.

Et ça, ça m'effraie un peu.

— Tu as faim ? demande Jun, l'air presque trop sérieux.

— Oui, très ! Je réponds avec enthousiasme, un peu trop vite.

Il esquisse un sourire en coin. Pourquoi j'ai l'impression qu'il prend un malin plaisir à tester ma patience avec ses questions évidentes ?

— De quoi t'as envie ?

— Juste de nourriture. De la vraie nourriture, pas un sandwich fade.

— Indien, ça te va ?

Je hausse un sourcil.

— Mais c'est parfait. Tu sais comment me séduire, dis-je en feignant un air impressionné.

— Oui, oui, je sais, répond-il en haussant les épaules comme si c'était évident, avant d'ajouter, presque pour lui-même : Je suis un homme de goût.

On marche quelques minutes jusqu'au restaurant indien qu'il a repéré. La devanture est accueillante, une grande porte en bois sculpté qui donne envie d'entrer. À l'intérieur, c'est encore mieux. Les murs sont décorés de peintures colorées, des lampes suspendues et il y a une odeur d'épices qui donne immédiatement l'eau à la bouche.

Jun choisit une table dans un coin, à moitié cachée derrière une plante. Je me laisse tomber sur la chaise en soupirant.

— J'aime bien cette place, il y a moins de chances qu'on entende nos conneries, dis-je en jetant un coup d'œil autour.

— Si tu veux, je peux toujours parler assez fort pour qu'on se fasse remarquer.

— Non merci, murmuré-je en ouvrant la carte.

Le serveur arrive un peu après On passe commande, un butter chicken pour moi, et un tikka masala pour lui. Dès qu'il s'éloigne, Jun se penche en avant avec un air conspirateur.

— Tu te souviens de Sam du lycée ?