Fyctia

Évidemment. Qui n'aime pas Noël ? Ah oui, les gens comme moi ceux qui n'ont pas de famille avec qui le fêter.

Une pointe de mélancolie commence à poindre, mais je la repousse d'un geste mental, détournant rapidement la conversation.

— Enfin bref... on parle du contrat ?

Jun hausse un sourcil, l'air intrigué.

— Tu veux qu'on en discute ce soir ?

— Oui, autant en finir tout de suite.

— D'accord, dit-il en se levant.

Jun disparaît un instant dans sa chambre, me laissant seule dans le salon.

Il revient avec un ordinateur portable sous le bras et s’installe sur le canapé. Il ouvre son ordinateur et pivote l’écran pour que je puisse voir.

— J’ai déjà commencé à rédiger le contrat, annonce-t-il d’un ton professionnel. Mais je voulais que tu ajoutes tes conditions aussi.

Je me penche pour lire. Tout est clair, net, précis. Trop précis. Jun ne plaisante pas.

— Donc, tu as besoin de moi pour quelques sorties occasionnelles et un dîner de Noël où je jouerai la parfaite fiancée devant ton patron et tes collègues…

— Exactement. Évidemment, tu seras rémunérée à chaque fois.

Je fronce les sourcils et continue ma lecture. Un chiffre attire mon attention.

— Attends… c’est mon salaire pour une sortie ?

— Oui.

— C’est énorme.

Il esquisse un léger sourire.

— Disons que je veux que tu sois motivée et que tu ne ressentes pas cela comme une corvée. On parle de *500 livres sterling par sorties, en plus du logement et des repas.

Je cligne des yeux.

— Franchement, ça me va. Pour ce prix-là, je peux même rire à tes blagues en public.

Il secoue la tête avant de reprendre, plus sérieux.

— Le contrat prendra fin lorsque nous aurons atteint nos objectifs respectifs. Moi, obtenir ma promotion. Toi, trouver un appartement et un emploi stable.

Je hoche la tête. Ça semble bien réfléchi et, bizarrement, le sérieux avec lequel il aborde tout ça me rassure. Ça enlève l’impression d’être dans le début d'une comédie romantique.

C’est un deal. Un vrai.

Jusqu’ici, tout va bien. Mais mon regard tombe sur la section suivante. Je toussote légèrement.

— Et pour… euh… les rapprochements physiques ?

Jun croise les bras, l’air impassible. Mais j’ai l’impression qu’il attend ma réaction avec une pointe d’amusement.

— Justement, je voulais qu’on définisse les limites ensemble.

Je joue avec une mèche de cheveux, hésitante.

— Les gestes affectueux, comme se tenir la main ou un bras autour de l’épaule, ça ne me dérange pas. Par contre, pas de baisers.

— Pas du tout ?

Je le regarde, intriguée.

— Pourquoi, tu comptais en abuser ?

Un sourire furtif passe sur ses lèvres avant qu’il ne reprenne son sérieux.

— Je voulais juste savoir jusqu’où on pouvait aller en public sans que ça paraisse forcé. Si on dit qu’on est fiancés mais qu’on ne se touche jamais, ça risque d’être suspect.

Je fronce les sourcils. Il marque un point.

— Okay, dans les cas vraiment nécessaires, un baiser sur la joue ou le front, c’est acceptable.

— Et si quelqu’un insiste pour qu’on s’embrasse ?

— Je simulerai un malaise. Ou je parlerai d’une intolérance aux bactéries.

— Très créatif, souffle-t-il en secouant légèrement la tête.

Je prends une gorgée d’eau, tentant de garder mon calme alors que je sens une étrange tension flotter dans l’air.

— Bon, d’autres points qui te posent problème ? demande-t-il en refermant son ordinateur.

Je secoue la tête.

— Non, c’est carré. Enfin… plus carré qu’une relation normale, c’est sûr.

— Parfait. Je vais imprimer deux exemplaires. Un pour toi et un pour moi.

Alors qu’il se lève, je ne peux m’empêcher d’ajouter :

— Tu te rends compte que c'est moi qui y gagne le plus, là ?

Il fronce légèrement les sourcils, comme s'il n'était pas sûr de comprendre.

— Comment ça ?

Je lève les mains, énumérant sur mes doigts :

— Jun... Tu me loges. Gratuitement. Tu me nourris. Gratuitement. Et en plus, tu me paies pour faire semblant d'être ta fiancée. Franchement, où est le piège ? Parce que là, c’est trop beau pour être vrai.

Il secoue la tête, un petit rire au bord des lèvres.

— Tu crois que tu y gagnes plus que moi, mais si je décroche cette promotion, je passe à un poste de direction avec un salaire beaucoup plus élevé et un statut différent dans l'entreprise. Ce n'est même pas une histoire d'argent, l’argent, je l’ai déjà. J’ai un bon salaire, plusieurs bons investissements… Mais ce poste, c’est autre chose. J’aurais une vraie influence. Alors oui, si tu penses y gagner, tant mieux, mais il faut que tu saches que de mon côté aussi, j'y gagne beaucoup. C’est gagnant-gagnant.

Je plisse légèrement les yeux, pas totalement convaincue.

— Mouais, si tu le dis…

Il me regarde, un petit sourire au coin des lèvres. Amusé par mon air sceptique. Moi, par contre, j’ai toujours cette impression bizarre de profiter de lui. Et son calme absolu ne fait rien pour arranger les choses.

— T’as pas l’air convaincue, remarque-t-il.

— Oh, vraiment ? Quelle perspicacité, Jun, t’es incroyable, dis-je en levant les yeux au ciel.

Il rit doucement. Mais il ne rajoute rien et disparaît un instant dans sa chambre. J’entends le bruit d’une imprimante, suivi de quelques bruits de papier. Il revient quelques minutes plus tard avec deux exemplaires fraîchement agrafés qu’il me tend avec un sérieux presque trop professionnel.

— Tiens, prends le temps de bien relire avant de signer. On sait jamais, peut-être que j’ai glissé une clause qui m’avantage encore plus que toi.

Je prends les documents, plisse les yeux et le fixe d’un air méfiant.

— Genre quoi ? Une ligne écrite en tout petit en bas de la page qui dit que je dois faire ton café tous les matins et repasser tes chemises ?

— Hmm… bonne idée. Dommage que j’y ai pas pensé plus tôt.

Il garde son sérieux trois secondes avant de sourire légèrement. Il s’amuse, c’est clair. Moi, par contre, je me replonge dans la lecture du contrat, même si je sais que je vais signer quoi qu’il arrive. C’est pas non plus une vente d’âme… enfin, normalement.

Après un dernier coup d’œil, je prends le stylo et signe. Une fois, puis une deuxième sur l'autre exemplaire.

— Voilà, c’est fait, murmuré-je, comme si je réalisais seulement maintenant l’ampleur du truc.

Je lui tends ensuite le stylo et l’observe signer à son tour. Son écriture est propre, nette. Même sa signature a l’air super pro.

Il repose le stylo sur la table et affiche toujours ce calme olympien. Pas une once d’hésitation ou de stress.

— On est liés maintenant, plus de retour en arrière, ajouté-je, une pointe de théâtralité dans la voix.

— Comme un contrat avec le diable, répond-il en haussant un sourcil.

— Je savais que tu cachais quelque chose.

Il secoue la tête, amusé, mais moi, je sens mon estomac commencer à se nouer. Et si j’étais nulle dans ce rôle ? Je ne suis pas actrice, moi. Pourquoi il n’a pas pris quelqu’un d’autre ? Une pro, une vraie comédienne ?

Il a largement les moyens, alors pourquoi moi ?

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*Équivaut à 594 euros