Fyctia
Chapitre 6 - Alma (1/3)
Michael Bublé - Santa Claus Is Coming To Town
On arrive chez Jun. Rien qu’à voir la façade de l’immeuble, je sens que je vais me sentir comme une intruse. Tout est lisse, impeccable, probablement insonorisé au point qu’un meurtre pourrait s’y produire sans que personne ne s’en rende compte. Le genre d’endroit où les murs ne connaissent pas le concept de l’humidité et où les ascenseurs ne tombent jamais en panne. Un immeuble qui ne subit pas la vie, mais qui l’accueille.
On est en plein cœur de Londres, dans un quartier résidentiel qui respire l’argent, pas loin de Big Ben. Les rues sont larges, propres, bordées d’immeubles en briques rénovées et de maisons de ville aux grandes fenêtres. Les portes colorées et les balcons en fer forgé ajoutent un charme typiquement londonien à l’ensemble. Des arbres dénudés par le froid alignent leurs branches délicates sous le ciel gris, et les lampadaires diffusent une lumière jaune tamisée, comme si Londres voulait compenser son ciel perpétuellement nuageux en ajoutant une touche de chaleur artificielle.
Et puis, il y a les décorations de Noël.
Certains balcons sont déjà ornés de guirlandes lumineuses, clignotant dans un rythme hasardeux. Je repère de petits rennes dorés posés sur un rebord de fenêtre, et même un sapin gigantesque dépassant à travers une baie vitrée, tellement immense qu’on croirait qu’il va défoncer le plafond. Il y a une douceur dans cette ambiance, un sentiment de fête qui flotte dans l’air.
Je sais qu'il y avait un ascenseur dans l'immeuble de Jun, mais le revoir me donne envie de pleurer de gratitude. Bon, il habite au deuxième étage, donc ce n’est pas comme si j’avais à escalader l’Everest, mais dans mon cœur, chaque marche économisée est une victoire.
Le "ding" de l'ascenseur résonne. Les portes s'ouvrent et on y entre. J'observe mon reflet dans le miroir. J'ai l'air d’une fille normale perdue dans un monde qui n'est pas le sien. Mais après tout, j’ai décidé de voir où cette histoire me mènerait.
Alors autant jouer le jeu jusqu'au bout.
Quand Jun ouvre la porte de son appartement, je reste plantée là une seconde, absorbant l'idée que… c’est ici que je vais vivre pendant quelques temps. Un magazine de déco aurait du mal à rivaliser avec son niveau de perfection.
Tout est à sa place. Le sol reflète presque mon visage. L’appartement respire le contrôle et l’ordre à un degré qui me fait me demander si Jun a une armée de lutins qui passent derrière lui pour tout ranger à la seconde où quelque chose est déplacé. J’ai déjà été ici une fois, mais là, c’est différent, je vais vivre ici.
— Mets-toi à l'aise, dit-il en me prenant mon manteau.
Il accroche mon manteau sur le porte-manteau avec un soin presque exagéré, comme si c’était un manteau de créateur hors de prix et pas un truc trouvé en solde l’hiver dernier. Je l’observe faire, légèrement fascinée par la façon dont il fait les choses avec méthode.
Est-ce que ranger lui procure une satisfaction immense ?
Un frisson d’excitation ?
Je le suis dans l’appartement alors qu’il commence le tour du propriétaire.
— Donc, voici le salon.
Tout est trop beau pour être vrai. Un canapé en tissu parfaitement aligné, une bibliothèque minimaliste, une télé dernier cri. Il n’y a aucun objet qui trahirait une quelconque personnalité. Tout semble choisi pour être esthétiquement irréprochable.
— T’es sûr que tu vis ici ? On dirait un Airbnb hyper cher.
Il lève les yeux au ciel et passe à la pièce suivante.
— La cuisine.
Oh.
Tout brille. Les plans de travail en marbre n’ont pas la moindre tache, les ustensiles sont rangés au millimètre près, et il y a une cafetière qui a l’air plus intelligente que moi.
Il m’emmène vers la salle de bain. Je jurerais que même le carrelage respire le contrôle obsessionnel. Serviettes parfaitement pliées, miroirs immaculés, produits de soin alignés comme des soldats en rang.
— Je me sentirais presque mal de toucher à quoi que ce soit, dis-je en passant un doigt sur le comptoir d’un air suspicieux. Est-ce que tu as une alarme qui se déclenche si une brosse à dents n’est pas alignée au degré près ?
Il hausse les épaules.
— Peut-être.
Je ris avant qu’il ne me montre une porte.
— Ça, c’est ma chambre.
Il ne me laisse pas le temps de poser des questions et enchaîne rapidement en ouvrant une autre porte d’un geste théâtral.
— Et voici ta chambre.
Je reconnais l'endroit : c'est là où je m'étais réveillée la dernière fois. Ça doit être sa chambre d'amis. Spacieuse, lumineuse, et franchement plus grande que celle que j'avais dans ma coloc avec Maddy. Bien sûr cette pièce est aussi rangé que le reste de l’appartement. Pas un grain de poussière, une literie immaculée. Mon regard dérive vers mes affaires dans le salon. Elles vont briser l’harmonie en moins de dix minutes.
— Si tu veux te poser un moment ou dormir ou prendre une douche, fais comme chez toi, dit-il en agitant vaguement la main.
— Merci, dis-je en hochant la tête, sans trop savoir quoi faire de mes bras ou de mes jambes.
Finalement, l'idée de me débarrasser de cette journée collante et lourde me convainc. Une douche. Oui. Je vais prendre une douche.
Sous l'eau chaude, je laisse les mauvaises ondes glisser avec la mousse du savon. C'est presque un rituel d'exorcisme. Quand je sors enfin, je me sens un peu plus légère.
J'enfile un jogging et un t-shirt. Jun a dit de me mettre à l'aise, alors à l'aise je serai. Mes cheveux en chignon, je sors de la salle de bain, l'air plus détendu.
Dans le salon, Jun est assis sur le canapé, un livre à la main. Sérieusement ? Ce gars arrive à être séduisant en lisant un livre.
— Et toi, t'as besoin d'une fausse fiancée ? marmonné-je à mi-voix, en me laissant tomber sur le fauteuil à côté.
Jun lève les yeux de son livre, haussant un sourcil interrogateur.
— T'as dit un truc ?
— Rien. Rien du tout, dis-je en secouant la tête, un sourire un peu trop large sur les lèvres.
Il plisse légèrement les yeux, mais ne pousse pas.
— Bien. Alors, tout va bien ?
— Oui. Parfaitement. Ta douche est un sanctuaire.
Un sourire léger apparaît sur son visage, et il referme son livre y posant un marque-page.
— Content que ça te plaise. Je te prépare un thé ?
— Avec plaisir.
Il se lève et se dirige vers la cuisine, et je me rends compte qu'en un instant, cet endroit commence à être un peu plus accueillant.
Quelques minutes plus tard, Jun revient avec deux tasses qu'il pose sur la table basse devant moi. Je plisse les yeux, un sourire incrédule sur les lèvres. L'une des tasses arbore le visage souriant d'un bonhomme de neige, l'autre montre ses petites mains tenant un cadeau. Sérieusement ?
— Attends je te voyais pas fan de Noël, Jun.
Il s'assied, prenant la tasse du bonhomme de neige.
— À vrai dire, j'aime bien cette fête, dit-il en haussant légèrement les épaules, comme si ça allait de soi.
Je prends la deuxième tasse, observant le cadeau en céramique comme si je pouvais en percer le mystère.
3 commentaires
Passions-Fictions-Laëti
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Il y a 9 jours
Leonie Lonval
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Il y a 16 jours
Mary Lev
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Il y a 17 jours