Fyctia

Cinnamon girl - Lana del rey

En passant le pas de ma porte, je vois Maddy assise sur le canapé, les bras croisés.

— Ah, enfin... t'es là ! Je t'ai appelée plusieurs fois dans la nuit tu n'es pas rentrée, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle n'a pas à le savoir, elle s'en moque de ce que je ressens, donc pourquoi ce qu'il se passe dans ma vie devrait l'intéresser ?

Elle se lève, ajustant sa robe comme si elle préparait un discours solennel.

— Alma, comme je te l'ai dit plusieurs fois... il va falloir que tu trouves rapidement une solution pour payer l'appart. Je vais bientôt le quitter afin d'emménager avec Charles.

À chaque fois qu'elle prononce son prénom, j'ai envie de l'encastrer contre un mur. Mon Charles. Jusqu'à preuve du contraire, c'était le mien. Jusqu'à il y a un mois, je pensais que cette bague que j'avais trouvée par hasard dans sa poche m'était destinée. Mon cœur avait bondi à ce moment-là. Et puis... un jour, je l'ai vue. Elle. Avec cette même bague au doigt. Pas une autre. Celle-là. Mon cœur s'est fissuré en mille morceaux. Tout s'est effondré.

Jusqu'à preuve du contraire, je pensais que ce soi-disant petit ami mystérieux que ma meilleure amie évoquait à demi-mots n'était qu'une invention. Jusqu'à preuve du contraire, je pensais qu'une amitié d'aussi longue date était indestructible.

Mais non. Je m'étais trompée sur toute la ligne.

Elle m'avait trahie, et apparemment, cela ne lui posait aucun problème de me laisser dans la merde pour pouvoir vivre sa petite vie parfaite avec lui.

Je la fixe sans répondre. Les mots se bousculent dans ma tête mais refusent de sortir. Je suis bloquée entre l'envie de hurler et celle de pleurer.

— Tu... tu ne peux pas comprendre, Alma, commence-t-elle, les yeux fuyants. C'était plus fort que moi. Et lui aussi... enfin, on s'est... Je suis désolée, ok ? Mais c'est comme ça.

Je croise les bras, la dévorant du regard. Elle joue avec une mèche de cheveux, signe qu'elle est nerveuse. Elle devrait l'être.

— Maddy je te faisais confiance. Tu as trahi ma confiance en préférant me mentir, me cacher des choses. Tu as choisi de coucher avec mon copain. Pourquoi tu m'as fait ça ? Pourquoi c'est lui que tu as choisi ? Il y a tellement d'hommes sur terre, pourquoi lui ?

Elle soupire, comme si elle était la victime dans l'histoire. Je serre les poings pour ne pas exploser.

Elle continue :

— Alma... Charles et moi ça devait arriver. Il a toujours eu des sentiments pour moi, tu sais ? Mais il ne voulait pas te blesser. Enfin, tu comprends ?

Je laisse échapper un ricanement.

— Oh, oui, bien sûr, tout ça, c'était pour me protéger, c'est ça ?

Son silence en dit long. Mon cœur se serre, et je sens les larmes me monter aux yeux, mais je les ravale. Pas maintenant. Pas devant elle.

— Alma..., murmure-t-elle enfin, d'un ton qui se veut apaisant mais qui me donne juste envie de crier.

— Tu sais quoi, Maddy ? T'as raison. Tout ça, c'est mieux pour toi. Mais ne compte pas sur moi pour vous souhaiter du bonheur dans cette vie.

Je prends une grande inspiration, réalisant que je tremble de la tête aux pieds. Maddy semble sur le point de répondre, mais je l'interromps d'un geste de la main.

— Non, sérieux, garde ton discours. J'ai assez entendu pour une vie.

Je me dirige vers ma chambre sans un regard en arrière, laissant Maddy seule au milieu du salon. Les larmes que je retenais coulent finalement, silencieuses. Mon cœur est lourd, trop lourd. Je me sens vidée, brisée. Suffoquée par la douleur de cette double trahison.

J'ai pleuré tellement ces dernières semaines que j'en suis fatiguée. Mon corps ne me répond plus. Mes jambes tremblent, mes épaules s'affaissent. Je m'assois sur mon lit, incapable de bouger davantage.

Je pense à cette bague... Cette foutue bague. Elle était en argent, ornée d'une petite pierre bleue. Je m'étais imaginée la porter un jour. Mais elle est à elle, maintenant. Et avec elle, tout ce que j'avais cru réel.

Elle m’avait trahie.

Et le pire, c’est qu’elle semblait parfaitement à l’aise avec ça.

Maddy. Ma meilleure amie. Celle avec qui j’avais tout partagé. Mes peines, mes joies, mes secrets les plus intimes. Celle que je considérais comme une sœur. On s’était promis d’être là l’une pour l’autre quoi qu’il arrive. Mais il faut croire que certaines promesses ne valent rien face à l’envie, face à l’égoïsme.

Et lui… Charles m’avait déjà déçue, plus d’une fois. Il n’était pas le copain idéal. Parfois, j’avais même eu l’impression qu’il n’aimait pas me voir heureuse. Mais je me persuadais que je me faisais des films, que j’étais trop exigeante. Et puis… il n’était pas violent. Il ne me traitait pas mal, pas vraiment.

"Imagine que tu tombes sur pire", me répétais-je quand j’avais envie de partir.

Alors je restais.

Et Maddy ? Elle m’aimait, du moins, je le croyais. Elle savait ce que Charles représentait pour moi, elle savait ce que ça me ferait. Et malgré tout, elle l’avait fait. Elle m’avait piétinée, et elle n’avait même pas eu la décence de ressentir la moindre culpabilité.

Comment je suis censée me relever après ça ? Comment je peux encore me regarder dans un miroir en sachant que les deux personnes en qui j’avais le plus confiance ont décidé, sans hésiter, que je ne valais pas mieux qu’une trahison ?

Je ne savais même plus si c’étaient eux que je détestais le plus… ou moi-même pour n'avoir rien vu venir.

Mon cœur saigne. Un coup de poignard qui refuse de cicatriser, une douleur insidieuse, qui s’infiltre dans chaque recoin de mon être. Dans mon souffle, dans mes pensées, dans mes os.

Je me laisse tomber en arrière, les yeux fixés sur le plafond.

Pendant un instant, je repense à Jun. Avec lui, j'ai l'impression de voir une lumière au bout d'un tunnel. Je ne sais pas encore ce que ce contrat avec lui va me coûter, ni si je vais regretter demain cette décision impulsive. Mais pour l'instant, je décide de lui envoyer un message.

• Jun ?

Sa réponse arrive presque instantanément. Ça me fait sourire.

• Oui ?
• J’accepte ta proposition.

Il ne me laisse pas le temps de souffler.

• Ok. Tu veux emménager quand ?

Je reste un instant à fixer mon écran, les doigts suspendus au-dessus du clavier, avant de taper.

• Dans la semaine, ça va ?
• Tu veux de l’aide ?

Je souffle un petit rire nerveux. "De l’aide ?" J’imagine déjà le bordel de cartons remplis d’affaires inutiles que je regretterais d’avoir emportées. Je tape, puis efface, puis retape.

• Non. Enfin, je pense pas. J’ai pas trop d’affaires. Le moins sera le mieux... je veux pas emmener des souvenirs d’années de mensonges, tu vois ?

Il met un peu plus de temps à répondre cette fois.

• Je comprends.

Je reste à regarder l’écran. Tout est si... simple. Trop simple, même. Est-ce qu’il se rend compte de ce qu’il vient de faire pour moi ? Parce que moi, je n’arrive pas à y croire.

Peut-être qu’après cette série de malheurs, l’avenir allait enfin devenir un peu plus clair.

Peut-être.