lovelover Un pacte sous le sapin Chapitre 4 - Jun

Chapitre 4 - Jun

HYBS - Tip Toe


Pourquoi je suis si heureux ?


Un sourire idiot étire mes lèvres alors que je pose mon téléphone sur le plan de travail. Je me sens… léger. Trop léger, peut-être. C’est bizarre. Depuis hier soir, mon cerveau ne tourne plus rond. Depuis que j’ai revu Alma.


Je me frotte le visage, secoue la tête comme si ça pouvait remettre mes neurones en place. Ça ne marche pas.


Je soupire, abandonne et me dirige vers la machine à café. Mes gestes sont automatiques, mécaniques. Mon esprit, lui, est ailleurs.


Alma.


Elle est si belle.


Ses cheveux noirs, longs et bouclés, ondulent comme des vagues prêtes à m’engloutir. Ses yeux… Noirs, profonds, captivants. Son regard a quelque chose d’insaisissable, une lueur qui me happe à chaque fois.


Et son corps… Des courbes harmonieuses, élégantes, naturelles. Tout en elle attire, trouble, séduit.


La revoir a déclenché quelque chose en moi. Un truc étrange. Indéfinissable.


Et c’est dangereux.


Ma vie est bien comme elle est. Ordonnée. Prévisible. Tranquille. J’ai appris à aimer ma solitude, à la protéger comme un trésor.


La laisser entrer, c’est prendre le risque de tout bouleverser.


Et pourtant…


Le café déborde.


Je sursaute et attrape ma tasse au dernier moment. Génial. Voilà que je me mets à rêvasser comme un idiot.


Je m’appuie contre le comptoir, soufflant sur mon café trop chaud.


Pourquoi elle a accepté ?


Vraiment, c’est une question qui me perturbe.


Qui, sain d’esprit, accepterait une proposition pareille ? Cohabiter avec un ancien camarade de classe qu’elle a à peine revu après des années ? Jouer les fiancées pour une entreprise qui se mêle de ma vie privée ?


Elle est peut-être aussi folle que moi.


Je souris en y repensant.


Peut-être même plus.


Je sais que si Alma a accepté ma proposition, c’est parce que son monde s’effondre. Son travail. Sa meilleure amie. Son ex.


Sérieusement, comment ont-ils pu lui faire ça ?


Je secoue la tête.


Je ne suis pas tant choqué par le fait que son ex soit une ordure, mais par la trahison de sa meilleure amie. Comment on peut abandonner quelqu’un comme ça, du jour au lendemain, pour un gars qui lui fera probablement la même chose à la moindre occasion ?


Je soupire, me frottant la nuque.


Je me demande si c’est moi le plus fou dans cette histoire.


Parce qu'à la place d'Alma, j’aurais refusé ma proposition.


J’aurais préféré galérer seul plutôt que d’accepter une solution bancale.


Alma, elle, a choisi de s’accrocher à la moindre bouée de secours. Quitte à plonger tête la première dans un arrangement insensé.


Je ne sais pas si c’est du courage ou du désespoir.


Peut-être un peu des deux.


Depuis le début de l’année, je convoite le poste de directeur stratégique chez Thompson Tech. C’est un objectif que je me suis fixé, un poste que je mérite. Pas par prétention, juste parce que c’est factuel.


Je suis bon dans mon boulot. Je fais partie de ceux qui assurent la stabilité de l’entreprise. J’anticipe les problèmes, je règle les crises avant qu’elles ne dégénèrent, je propose des solutions avant même qu’on ait conscience d’en avoir besoin. Mon rôle actuel de responsable me place au cœur des décisions stratégiques, et en quelques années, j’ai su prouver que j’étais un atout essentiel.


J’ai une vision claire. Je comprends les enjeux technologiques mieux que quiconque ici. Les innovations, les tendances, les opportunités que d’autres mettent des mois à voir. Je sais ce qu’il faut optimiser, quelles directions prendre.


Et ce n’est pas juste une question de compétences techniques. Je m’entends bien avec les équipes, je sais travailler avec tout le monde. J’ai gagné la confiance des dirigeants et le respect de mes collègues, non pas en écrasant les autres, mais en montrant que je savais où j’allais.


Mais ça… ça ne suffit pas.


Non.


Parce qu’il y a une règle implicite qui traîne depuis des années dans l’entreprise : "Aucun célibataire à un poste de direction."


C’est absurde, mais c’est la réalité.


Officiellement, personne ne l’admettra. Officieusement, tout le monde sait que c’est la norme.


Et ça ne date pas d’hier. À chaque nouvelle nomination à un poste clé, le scénario se répète. Des collègues aussi compétents que moi se sont déjà heurtés à cette barrière invisible. L’un d’eux, un ingénieur brillant, a fini par claquer la porte après avoir été écarté au profit d’un candidat objectivement moins bon, mais dont le profil correspondait mieux à "l’image de stabilité" que l’entreprise veut projeter.


Et aujourd’hui, l’histoire se répète avec moi.


Je sais déjà à qui va revenir la promotion.


William Smith.


Il est dans la boîte depuis un peu moins longtemps que moi. Il est bon, mais pas exceptionnel. En tout cas, pas au point de mériter cette promotion plus que moi. Mais voilà, William coche toutes les cases.


Il y a quelques mois, il a annoncé ses fiançailles avec sa copine de longue date. Comme par hasard, pile à un moment stratégique. Et depuis, les rumeurs vont bon train.


Tout le monde sait que si la promotion doit tomber sur quelqu’un, ce sera lui.


C’est comme ça que ça fonctionne ici. Un dirigeant marié ou fiancé projette une image de fiabilité, de stabilité, de sérieux. Un célibataire, en revanche…


On ne le dit pas ouvertement, mais c’est sous-entendu.


Trop instable, trop individualiste, trop imprévisible.


Ce n’est pas le dévouement ou la compétence qui comptent. C’est l’image.


Et l’image est contre moi.


Mon téléphone vibre sur la table. Je jette un coup d’œil à l’écran. Un message de ma mère.

  • Jun pourras-tu être là pour le dîner de Noël ?

Je tapote une réponse rapide.

  • Oui.


C’est bref, mais elle comprendra.


Je repose mon téléphone et attrape ma tasse, portant le café à mes lèvres. L’amer me ramène à la réalité.


Je préfère être seul que mal accompagné. Toujours.


C’est une conviction profonde.


J’ai vu ma mère préférer être mal accompagnée que seule, et je ne veux pas que ça m’arrive.


Je ne veux pas un jour, me retrouver dans une situation similaire à la sienne.


Je ne veux pas d’une relation par défaut.


Je n’y réfléchis pas plus longtemps et prends une autre gorgée de café, comme si ça pouvait noyer cette réflexion avant qu’elle ne s’attarde trop.

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3 commentaires

C.J_Robin

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Il y a 15 jours

J'ai Jun, c'est vraiment un green flag sur patte pour l'instant et j'ai envie de le croquer. C'est terrible la situation dans laquelle il se trouve, les normes privées dans le professionnel c'est si chiant !

MelinaSANYA

-

Il y a 16 jours

Ton écriture est une vraie réussite. Tu as su rendre avec subtilité la réflexion intérieure de Jun, ses contradictions, ses doutes et cette vulnérabilité bien cachée derrière un contrôle apparent. Ta voix accompagne parfaitement le ton plus introspectif de ce chapitre, tout en laissant transparaître l’attachement naissant qu’il tente de rationaliser. C’est fluide, sincère, très agréable à lire — tu nous fais entrer dans la tête du personnage avec justesse. Bravo pour cette interprétation pleine de finesse !

loup pourpre

-

Il y a 17 jours

A plus tard. Tu as fini ton histoire. Je lirais en entière quand elle sera débloquée.
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