Fyctia
Chapitre 1 - Alma (1/2)
Billie Eilish - Lost Cause
Qu'est-ce que je fais là, bon sang ?
Même à moitié endormie, je sais que ce n'est pas ma chambre. Impossible. Déjà, c’est trop propre. Du genre, irréellement propre. Où sont les vêtements éparpillés ? Mes livres empilés n’importe comment sur la table de chevet ? Ici, tout est lisse, net, minimaliste. Murs blancs immaculés, meubles en bois clair. Une grande armoire trône près du lit, portes parfaitement fermées sans la moindre chaussette qui dépasse comme chez moi. Il y a un bureau, quasi vide, si ce n'est quelques livres sagement alignés. Même la table de chevet semble avoir été disposée par un architecte d’intérieur : rien d’autre que mon sac, posé avec une précision qui me fait me demander si quelqu’un l’a mesuré au millimètre près avant de le déposer là.
La chambre est grande, et la lumière douce du matin filtre à travers une grande fenêtre. Je plisse les yeux en apercevant un bâtiment familier au loin. Ah. Toujours à Londres.
Bon point : je ne me suis pas fait kidnapper et expédier à l’autre bout du monde.
Mauvais point : je n’ai aucune idée d’où je suis, et la seule chose dont je sois sûre, c’est que ce n’est pas chez moi.
Mon cerveau peine à connecter les neurones nécessaires pour recoller les morceaux. Hier soir…
Hier soir, c'était quoi déjà ?
Ah, oui. La fameuse soirée Alumni. Un banquet avec des cocktails et de la bouffe gratuite. J’avais zéro envie d’y aller, mais soyons honnêtes, cocktails et bouffe gratuite dans la même phrase, c’est une invitation divine. Et puis, entre sombrer seule dans ma déprime post-apocalyptique "Charles-et-Maddy" ou sortir pour voir quelques vieilles têtes du lycée, potentiellement récupérer des contacts, voire le numéro d’un avocat pour le jour où je déciderai de tuer ces deux traîtres, mon choix avait été vite fait.
Je palpe ma robe du bout des doigts. Toujours là. Pas d’accroc, pas de souvenirs douteux. Ouf. Rien d’étrange à signaler.
Enfin… j’espère.
Parce que, franchement, avec le trou noir que j’ai sur la soirée, je pourrais très bien m’être fait enlever par un gang de trafiquants d’organes et ne pas m’en être rendu compte.
Réflexe immédiat : je passe mes mains sur mon ventre, mes côtes, mes reins. Tout est en place ?
Rien de suspect. Pas de cicatrice fraîche, pas de points de suture amateurs.
Je lâche un soupir de soulagement.
Je me redresse lentement, attrape mon sac sur la table de chevet et glisse mes pieds hors du lit. Mes chaussures à talons hauts de dix centimètres sont posées sagement au pied du lit. Ah, non, merci, pas de ça maintenant. Si je dois m'enfuir, ce sera pieds nus : je mettrai mes chaussures plus tard.
Je me dirige vers la porte à pas de chat, ralentissant à chaque craquement de parquet. Pas question de réveiller qui que ce soit.
La porte s'ouvre sur un salon immense. Le genre d'endroit où chaque meuble a probablement un prénom italien et coûte plus cher que mon loyer annuel. Waw. Grandes baies vitrées, mobilier minimaliste et élégant, tout bien rangé comme si le propriétaire attendait la visite d'un agent immobilier.
Je secoue la tête. Focus, Alma. Peu importe si la personne qui vit ici est riche, je dois sortir.
La porte d'entrée est à quelques mètres. Liberté. Juste quelques pas de plus, et je pourrais respirer à nouveau. Je m'avance sur la pointe des pieds, concentrée comme une espionne en mission impossible. Ne pas penser à l'idée absurde qu'un sniper pourrait surgir de nulle part. Ça n'arrive que dans les films, hein ?
Et là, c'est le drame.
— Tu es réveillée ?
Je sursaute, figée en pleine action.
Non. Non, non, non. Pas possible.
Je me retourne lentement, comme si ça allait m'aider à ne pas exploser de honte. Il est là. Jun.
Jun Park.
Si beau que ça devrait être interdit. Le mec est un spot publicitaire ambulant. Plus grand que dans mes souvenirs, ses cheveux sont attachés, avec cette petite mèche qui tombe. C'est carrément criminel. Il porte une chemise avec les manches retroussées, dévoilant des avant-bras qui mériteraient leur propre fan club. Et ces épaules ? Ces épaules ! On dirait qu'il pourrait porter la misère du monde dessus et encore en redemander.
Le pire, c'est qu'il a l'air totalement détendu, les mains dans les poches, comme s'il ne venait pas de me surprendre en pleine tentative de fuite matinale.
Et il rigole.
Pourquoi il rigole ? Je suis drôle, moi ? C'est écrit clown quelque part ?
— Salut, Alma.
Sa voix est chaude, posée, mais il a ce sourire en coin qui me donne envie de disparaître sous un tapis. Sérieux, qu'est-ce que je fais chez lui ? Et pourquoi je ne m'en souviens pas ?
Un rire nerveux m'échappe, complètement hors de contrôle. Je le coupe vite en toussotant, mais trop tard, il a remarqué.
— Euh... salut ? Je... je peux expliquer. Enfin, non, pas vraiment, parce que je sais pas ce que je... euh... enfin bref.
Bravo, Alma. Magnifique performance. Tu veux une médaille d'embarras ou quoi ?
Jun penche légèrement la tête, ses yeux pétillants comme s'il venait d'entendre la meilleure blague du monde. Et moi, je suis là, plantée comme un héron.
— Tu vas quelque part ? demande-t-il, jetant un regard appuyé à mes chaussures que je tiens encore à la main.
Je cligne des yeux, ma bouche s'ouvrant puis se refermant comme un poisson hors de l'eau. Respire, Alma, respire.
— Oh, euh, non, je... je vérifiais juste la porte. Tu sais par sécurité.
Il arque un sourcil, amusé.
— Pieds nus ?
Je baisse les yeux sur mes pieds, puis sur les talons que je tiens, et lâche un petit rire nerveux.
— Oui, enfin... logique, non ?
— Bien sûr, répond-il, le sourire toujours là.
Tuez-moi. Maintenant.
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Sarael
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Nora Rosen
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C.J_Robin
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Éléonore Garnett
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