Fyctia
Clara-Boule à neige (1/2)
Je tiens la boule à neige dans mes mains, la faisant tourner doucement entre mes doigts. Je la secoue frénétiquement. À l’intérieur, les flocons tourbillonnent avec une grâce exaspérante autour d’un village miniature. Les petits personnages chaudement emmitouflés ont tous le sourire aux lèvres. Tout est trop beau, trop lisse… trop faux. Je lève un sourcil, à la fois sceptique et vaguement irritée par tant de perfection.
Derrière moi, la fête de fin d’année de ma boîte bat son plein. J’entends des éclats de rire, des verres qui s’entrechoquent, et cette version insupportablement joyeuse de Jingle Bells qu’ils reprennent en boucle pour la troisième fois en moins d’une heure. C’est officiel, les playlists de Noël et toutes leurs paroles sirupeuses m’irritent les oreilles.
Je jette un œil à travers la porte vitrée du bureau et j’aperçois mes collègues agiter les bras en tentant tant bien que mal de reproduire une chorégraphie un verre de vin à la main. Les guirlandes lumineuses clignotent sans cesse comme pour mieux me rappeler que c’est là-bas que ça se passe. Une partie de moi me dit que je devrais peut-être faire un effort et les rejoindre. Mais l’autre voudrait tout simplement être ailleurs.
Pour pouvoir m’éclipser « au calme », loin de toute cette agitation, j’ai prétexté un appel urgent, mais en réalité je ne rêve que d’une chose : que cette mascarade prenne fin et que je puisse enfin rentrer chez moi ! Pour la énième fois, je me demande pourquoi j’ai accepté de venir à cette fichue soirée. Ah oui, peut-être parce que refuser aurait signifié passer pour « la rabat-joie du bureau ». Bien joué, Clara ! Je les regarde du coin de l’œil, ils n’ont même pas l’air de vraiment remarquer mon absence. Je jette un œil, à ma montre. Il est encore tôt, je vais devoir prendre mon mal en patience.
Je repose la boule à neige sur le bureau en soupirant. Aussi surprenant que ça puisse paraître, Noël n’est pas une période que j’affectionne particulièrement. Généralement, les fêtes de fin d’année, chez moi, sont plutôt synonymes de discussions gênantes sur ma vie sentimentale inexistante, de repas interminables où je me force à sourire pour ne pas être désagréable avec des personnes qui sont certes de ma famille, mais que je n’apprécie pas particulièrement. Je ne vois pas bien, ce que nous avons en commun, si ce n’est quelques gênes, mais je peine toujours à trouver des sujets de conversation pour meubler les longs silences gênants. Et je ne parle même pas des cadeaux… Soit, le père Noël est vraiment une ordure, soit il semblerait que je n’ai pas été bien sage, quoi qu’il en soit, ça fait bien longtemps que je n’ai pas reçu un cadeau qui me fasse vraiment plaisir. Pas nécessairement un objet coûteux, mais plutôt un petit cadeau qui prouverait qu’ils s’intéressent à ce que j’aime. Bref, niveau ambiance, on est loin du film de Noël plein de bons sentiments.
Soudain, la porte s’ouvre brusquement dans mon dos, ce qui me fait sursauter.
Je me retourne. Marie, ma collègue, débarque dans le bureau avec l’énergie d’un lutin sous stéroïdes. Elle tient un verre dans une main et ses joues sont colorées par l’enthousiasme, ou peut–être par l’alcool, allez savoir.
— Clara ! Ah tu es là !
Je la regarde, comme une enfant surprise en train de faire une bêtise.
— Euh, oui j’avais besoin d’être un peu au calme pour passer un appel important.
— Mais qu’est-ce que tu fais là toute seule ? me demande-t-elle, l’air choquée, comme si je venais de commettre un crime en m’isolant. La fête, c’est juste à côté, tu es en train de tout rater !
J’esquisse un sourire, et je lui réponds la première banalité qui me passe par la tête.
— En plus, j’ai un peu mal au crâne, la musique est trop forte.
Elle s’approche de moi et en me regardant droit dans les yeux, elle me chuchote à l’oreille :
— Toi tu n’as pas l’air de trop aimer tout le folklore de Noël, ou je me trompe ?
Je secoue la tête.
—J’avoue que j’ai du mal avec les pulls moches de Noël et tout le tralala.
Elle jette un œil à son pull qui arbore les deux célèbres rennes du père Noël.
— Moi, je trouve ça rigolo, c’est kitsch, mais tellement décalé. On n’est pas obligé de se prendre au sérieux tout à l’année.
— J’avoue, mais tu conviendras que j’ai quand même fait un effort pour respecter le dress code. Regarde, j’ai mis un pull rouge, des boucles d’oreilles avec des sucres d’orge et j’ai même fait une manucure dans le thème de Noël.
Elle m’observe dubitative et me rétorque :
— Oui, tu restes fidèle à toi-même : la fille sexy jusqu’au bout des ongles ! Mais je pense que tu aurais plutôt dû t’habiller en vert.
— Pourquoi tu dis ça ?
— En vert clair, même ! Comme le Grinch, ce petit personnage grincheux qui n’aime pas Noël.
J’encaisse sa réflexion.
— Je ne suis pas de mauvaise humeur, disons que j’ai du mal à rentrer dans l’esprit de Noël.
Elle s’assoit sur le bord du bureau, prête à me psychanalyser.
— Comment ça ? Tout le monde aime Noël ! C’est... La période la plus festive de l’année, le moment où les rêves se réalisent, où les enfants ont des étoiles plein les yeux.
Je soupire. Visiblement, elle vit dans un monde parallèle bien éloigné de ma réalité.
— Disons que chez moi, Noël, c’est surtout des repas interminables où personne ne s’entend vraiment, où ma mère me demande quand est-ce qu’elle sera grand-mère, et où mon oncle finit par raconter des blagues douteuses dès qu’il a un verre dans le nez. Rien de magique là-dedans.
Marie me regarde avec de grands yeux, comme si je venais de lui annoncer que le père Noël n’existait pas.
— Oh... je vois.
Elle réfléchit un instant, tapotant son verre de vin du bout des doigts. Puis, sans crier gare, elle s’écrie :
— J’ai une idée !
10 commentaires
P. Castang
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Il y a 17 jours
Céline Giannotti
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Il y a 24 jours
Emma Hermosa
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Il y a 17 jours
Stella King
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Il y a 24 jours