Beryl L Un noël surprise au pays des crocodiles Chapitre 4

Chapitre 4

Après un vol plutôt agité, me voilà sur le sol de Floride. Je n’ai pas pu profiter des quelques heures dans les airs, en classe business (merci papa) pour me détendre devant un film, j’étais encore trop en colère. Ai-je besoin de préciser que le merci précédent était ironique ? J’envisage sérieusement de couper les ponts avec mon paternel dès que toute cette histoire sera terminée.


En scrutant le hall des arrivées, je repense à ce que Vera m’a dit au téléphone la veille et me mets en recherche d’un beau gosse qui serait en train de se consumer d’attente pour moi avec sa pancarte à mon nom brandie bien en évidence au-dessus de sa tête, laissant apparaître des biceps de rêve et un ventre aux abdominaux dessinés sous un T-shirt sexy. Oui, quelqu’un m’attend bien, c’est ce qu’on m’a annoncé, mais je ne suis pas Vera alors je ne crois ni aux licornes, ni au père Noël et encore moins au prince charmant (contrairement à ce que j’ai pu dire un peu plus tôt) et cesse donc d’y croire déjà au bout de trente seconde de recherches infructueuses.


Il s’avère que pour une fois j’avais malheureusement raison. Je finis par poser les yeux sur une magnifique pancarte orange à mon nom. Le logo de la ferme aux alligators se trouve en haut à droite. On dirait un panneau professionnel, comme si venir réceptionner des voyageurs à l’aéroport était leur lot quotidien. J’ai oublié de demander à mon père si des employés s’étaient déjà fait manger par des alligators, obligeant un recrutement assidu et régulier.

Je lève les yeux, ayant encore l’espoir de me retrouver face à Captain America ou tout autre substitut de Timothée Chalamet, mais la pancarte peine à masquer la bedaine de l’individu de sexe masculin qui m’attend un grand sourire aux lèvres. Pour accentuer la caricature de l’homme du marais, il porte un bob vert kaki à larges bords avec une ficelle pendouillante de chaque côté.


Passé les embouteillages, le reste du trajet s’avère assez court, à peine plus d’une heure, ce qui élève le total du trajet à environ deux bonnes heures. Mike, le propriétaire de la pancarte, n’est pas le propriétaire de la ferme aux alligators, mais un employé de longue date du lieu. Il est plutôt sympa, me raconte tout de la ferme et de sa vie (il est né à Fort Lauderdale à l’orée des Glades et en périphérie de Miami et n’a jamais quitté le « Sunny State »), mais je ne me sens pas très à l’aise pendant le trajet. Je renonce à compter le nombre d’heures qui me séparent du 30 décembre à 6h35, heure de mon vol pour Chicago d’où je rallierai ensuite ma station de ski adorée dans le Colorado. Ce décompte me donnerait envie d’ouvrir la portière et de sauter dans le fossé tellement ce moment me paraît être à des années lumières. J’imagine de longues soirées avec Mike à jouer au Monopoly devant des alligators empaillés qui se seraient nommés Mike Junior et Ronnie Darling. Je demande au vrai Mike (qui conduit vitesse tortue et non croco) pourquoi il y a des barrières le long de la route et il me répond que c’est pour éviter que la faune, autrement dit les alligators, ne se retrouvent sur la chaussée et ralentissent notre trajet.


Nous finissons par arriver enfin à destination, quatre baraquements à l’air miteux, entourés de mangrove et jouxtant un parking pour les touristes. Je descends de voiture, m’attendant à entendre les bruits des nombreux oiseaux qui nichent dans les arbres immergés, mais ce que j’entends est plutôt assourdissant et désagréable. Mike me désigne deux aéroglisseurs remplis de touristes au loin, les coupables de ce doux bruit de fond auquel je vais devoir m’habituer rapidement si je ne veux pas finir complètement folle.


Mike nous a déposés devant un des baraquements, un peu à l’écart des autres. C’est là que je vais habiter. Il s’empare de ma valise et de mon énorme sac de sport et je le suis dans cette maison peu accueillante. Il pose mes valises dans l’entrée et appelle :

Ethan, tu peux venir ? Trente secondes s’écoulent, qui me paraissent trente minutes. Rien ne se produit. Je vais m’endormir, mais la voix de Mike résonne à nouveau dans l’entrée.


— Ethan bordel ! Il donne le ton. On entend des pas trainants dans l’escalier et une silhouette surgit devant nous.

— T’étais censé être au bureau en nous attendant, se plaint Mike, qu’est-ce que tu foutais ?

La silhouette grommelle une réponse inaudible en sortant de l’ombre. Il fait irruption dans le hall éclairé d’une lueur blafarde qui ne doit pas mettre mon teint de porcelaine en valeur. Le jeune homme est à quelques centimètres de moi désormais. Je relève la tête qui fixait mes baskets pour voir à qui j’ai affaire et lorsque nos regards se croisent, mon cœur tombe d’un seul coup dans mes talons. Le grand saut depuis l’attraction la plus haute du parc d’attraction le plus célèbre de Floride, celui où mon père n’a jamais voulu m’emmener.


Ethan n’est pas très grand, mais plutôt bien bâti. Je perçois ses muscles à travers son T-shirt orange et plutôt moulant à l’effigie de la ferme. C’est sur ses pectoraux que je me rabats, car son regard, bien que posé sur moi une seule seconde seulement, m’a mis mal à l’aise. Il a les yeux bleu lagon. Ils ne sont pas réellement turquoise, ses iris sont presque transparents tellement ils sont clairs. Cela contraste avec sa peau caramel. Je déglutis péniblement, j’ai l’impression que ce son couvrirait même celui des aéroglisseurs qu’on entend au loin. Mais ce n’est que le bruit de mon cœur qui résonne dans le hall. Mike se racle la gorge :

— C’est elle, la gamine dont tu vas devoir t’occuper, dit-il d’un ton jovial.

Je tends ma main en bégayant mon prénom. Ethan la saisit, lentement. Il l’attire légèrement à lui et il ne manquerait plus que je perde l’équilibre et me retrouve dans ses bras. Mais rien de tel ne se produit. Il me dévisage à nouveau un quart de seconde, dit Ok et bienvenue, fait volte-face et s’en repart au fond du bâtiment, me laissant seule avec Mike qui s’excuse car il est attendu ailleurs. Il me plante là lui aussi avant que je n’aie pu lui poser la moindre question et je me retrouve seule. Je ne sais pas quoi faire. Ethan ne revient pas. Dois-je aller à sa recherche ? Je ne suis pas la fille la plus timide du monde, mais je ne suis pas téméraire non plus et je n’ai qu’une envie, fermer les yeux et me retrouver dans mon lit à Brooklyn, loin de ce cauchemar. Je m’assieds sur ma valise et attends. Ethan va bien finir par se souvenir qu’il doit s’occuper de moi et revenir me chercher.


Au bout de quelques minutes passées à attendre sans rien faire debout dans le hall après avoir découvert que mon portable n’avait plus de batterie, je décide de partir à la recherche de vie humaine.


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14 commentaires

GwendolineBrument

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Il y a 5 jours

Oh la rencontre ! Ils n'ont pas l'air très accueillant. J'espère qu'elle parviendra à s'intégrer.

Aline Puricelli

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Il y a 7 jours

Ah bon bah j'ai rien dit par rapport à mon commentaire précédent pour aérer aha ! Top cette rencontre

Beryl L

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Il y a 7 jours

Merci!

mima77

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Il y a 7 jours

Elle est vraiment remontée contre son père 😂 je suis curieuse de voir comment va se passer la suite

Beryl L

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Il y a 7 jours

Merci. Oui, faudra que je développe la relation entre eux ( à distance).

Justine_De_Beaussier

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Il y a 7 jours

Je suis ambivalente vis à vis de Paige : elle me fait de la peine et en même temps j’ai envie qu’elle en bave 😅

Beryl L

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Il y a 7 jours

Oui j’imagine bien ça. En écrivant je commence à m’attacher à elle. On verra pour les lecteurs.

AyleEme

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Il y a 16 jours

J’ai vu sur une autre histoire que tu étais partante pour un échange de lecture pour s’entraider donc me voilà 🥰

Beryl L

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Il y a 16 jours

Oui volontiers ! Merci! Je crois que c’est comme ça que ça fonctionne !

Amphitrite

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Il y a 17 jours

Petit soutien en double clic scout après avoir lu ton commentaire. Je suis sur le concours Polar!
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