Fyctia

Marylou rentre à l'ancienne école en discutant bras dessus, bras dessous avec Lily.

Des brumes se sont levées depuis le fond de la vallée, ce qui a accéléré la baisse de luminosité et de température. Lily hume l'air.

- Les anciens disent qu'il va neiger. Ils le sentent dans leurs os apparemment.

- Manquerait plus que ça !

- Si c'est le cas, cela va ralentir les travaux de réfection de la route.

Marylou acquiesce silencieusement. Elle ne sait plus si elle est pressée de partir ou si elle préfèrerait rester encore un peu.

Lily la questionne avec un sourire taquin au sujet du programme de la soirée.

- Est-ce que je vais enfin pouvoir être seule ce soir pour me reposer ?

Marylou ne s'y attendait pas et lui file un coup de coude en pouffant.

- Peau de vache va !

Lily insiste plus gentiment.

- Allez ! Est-ce que tu vas te mettre un coup de pied aux fesses pour aller parler à ton flower lover ?

- Oui. Mimi et mamie m'ont convaincue.

- Tu as reçu un message de l'au-delà ?

- C'est presque ça.

- Tu es bien mystérieuse.

Marylou soupire.

- Le destin me joue des tours en ce moment. Ce n'est pas simple tu sais ?

- Oui ma poulette, et tu sais que je serai toujours là pour te remonter le moral !

- Oui, j'ai beaucoup de chance de t'avoir comme amie.

Elles s'arrêtent devant le pas de la porte et se font spontanément un gros câlin. Marylou sent son cœur s'emplir de chaleur et sourit. -Rien ne vaut un bon "hug" pour se sentir mieux !-.

Lily ouvre la porte et la motive.

- Allez ! File te faire belle ! Tu as rendez-vous avec ton destin.

Marylou se lave à l'eau froide, et se prépare tant bien que mal à la lumière des bougies. La coupure d'électricité commence à lui peser sur les nerfs.

-Impossible de tracer un trait d'eye-liner quand on y voit que dalle !-.

Elle souffle et jette le crayon noir au fond de sa trousse de toilette.

- De toute façon cela ne sert peut-être à rien, alors pas la peine que je me fatigue !

C'est peut-être inutile, mais une petite flamme d'espoir brille encore dans son esprit.

Elle embrasse Lily qui dort presque dans le canapé, et enfile sa doudoune pour affronter le froid.

Il fait déjà nuit quand elle arrive devant la porte de l'ovni, et toque une première fois, deux coups. Elle se fige et tend l'oreille.

Aucun bruit, aucune lumière ne signalent sa présence. Elle retoque une deuxième fois, trois coups plus appuyés.

Elle a l'impression que tout le monde a dû l'entendre dans la rue, et elle a peur d'être surprise ici. Les ragots vont vite dans les petits villages.

Les larmes lui montent aux yeux.

-Il a dû voir par la fenêtre que c'était moi, et il refuse de me parler.-

Elle tâtonne dans sa poche et s'aperçoit par chance qu'elle a les clefs de Titine.

Elle fait le tour de la maison pour aller la chercher dans la grange et la garer ailleurs.

Si Joan ne veut plus lui parler, elle doit faire en sorte de respecter son choix.

Des dizaines de pensées grouillent dans sa tête et les larmes lui brouillent la vue.

-Il est peut-être allé voir quelqu'un. La fameuse Caroline qui sait ? Il déteste peut-être ma fille après ce qui s'est passé. Je ne ferai jamais de concessions, ma fille passe avant tout. Si il ne la supporte pas, tant pis pour lui.

Tant pis pour moi aussi. Dire que cette nuit était pleine de promesses, maintenant elle est pleine de tristesse. Tout le monde me tourne le dos alors que je n'ai rien fait !-

Elle ouvre la portière de Titine et s'assoit à l'intérieur. Elle place les clefs sur le contact mais ne démarre pas. Elle se sent bien dans l'habitacle de sa voiture, un peu comme si elle était enfin chez elle.

Elle ferme les yeux en soupirant. Trop d'évènements se sont enchaînés ces derniers jours dans sa vie. Elle a l'impression d'avoir fait des montagnes russes et que son cœur a été secoué en mode essorage.

Elle voudrait que rien de tout cela ne soit arrivé. Elle va devoir affronter les semaines qui arrivent avec une fêlure dans l'âme. Mandy ne s'est pas excusée de son attitude et la distance entre elles lui est insupportable. -Quelle vie de m....de !-.

Elle entend brusquement des coups à la vitre et sursaute en poussant un cri.

Elle dirige ses yeux effrayés vers la gauche et met quelques secondes à reconnaître Joan.

Il porte un sweat sombre et large, la capuche enfoncée sur sa tête lui cachant en partie le regard.

Marylou place la main sur sa poitrine et inspire calmement pour calmer les battements de son cœur qui s'est emballé.

- Oh My God ! J'ai bien cru voir un flower killer !-.

Elle utilise la manivelle pour descendre la vitre.

- Tu m'as fait super peur !

- Désolé, mais tu avais les yeux fermés? donc je n'ai pas eu d'autre choix.

- Je pensais.

- Tu médites souvent dans ta voiture ?

- Non, jamais. Mais je ne suis nulle part chez moi ici, sauf dans ma voiture, et j'avais besoin de réfléchir un peu.

- Ok, je comprends.

Marylou marque un temps d'hésitation, puis décide de crever l'abcès.

- Joan, tu n'es pas obligé de me parler si tu es fâché, ou que tu n'en as pas envie. J'allais partir pour garer Titine ailleurs.

- Je ne savais pas que c'était toi. Je n'ai pas répondu car je n'avais pas envie d'être dérangé.

- Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Laisse moi juste le temps de démarrer et que Titine chauffe un peu.

Sur ces mots, elle tourne la clef dans le contact et démarre.

Joan rapproche sa tête de l'ouverture pour se faire entendre.

- Attend ! Je me suis mal exprimé. Toi, tu ne me déranges pas Lou.

Elle relève la tête vers lui avec un regard surpris.

- Ah ! Ok.

Voyant que Lou n'éteint pas sa voiture, il précise sa pensée.

- Il n'y a que toi que j'ai envie de voir ce soir.