Fyctia

Marylou prend place sur une petite chaise en bois qui a du connaître de nombreux postérieurs avant le sien, étant donné son usure. Elle promène son regard sur la cuisine rénovée couleur ardoise très bien rangée. - Serait-il un peu maniaque ?-

Aucune vaisselle qui traîne. Pas d'ustensiles sur les plans de travail complètement nus. -Soit il ne cuisine jamais, soit c'est un maniaque de la propreté-.

Des cadres avec des photos de sommets enneigés ornent les murs. Aucune photo personnelle dans cette pièce. -J'aimerais déjà pouvoir regarder des photos de lui avec ses amis et sa famille, je suis vraiment accro-.

Joan fait irruption dans la cuisine, faisant sursauter Lou qui était plongée dans l'examen de la pièce. Il se penche vers elle et lui tend son cadeau.

- Joyeux noël ma petite louve !

Lou découvre un magnifique bouquet de fleurs séchées, plus grand que le précédent. Les couleurs sont si vives que l'on dirait presque des fleurs fraîches. Elle effleure les pétales des grosses roses rouges qui entourent cinq magnifiques lys blancs. Ceux-ci émettent un léger craquement, signe qu'il s'agit bien de fleurs sèches, donc très fragiles. Un joli ruban doré ceint l'ensemble. - Qu'est-ce que c'est beau ! Je n'ai jamais eu un cadeau de noël aussi parfait !-

- Merci Joan. Ce bouquet est magnifique ! Comment as-tu réussi à faire sécher des lys ?

Joan est en train de s'activer près de la gazinière.

- Ce n'est pas trop compliqué. Mais j'avoue que j'utilise des techniques spéciales pour les fleurs trop délicates.

Lou joue les connaisseuses.

- De la laque ou de la glycérine ?

- Non, je préfère le sable fin mélangé à de la maïzena.

- Je ne connais pas, il faudra que tu me montres comment tu fais.

Il sourit en remuant le chocolat dans la casserole et lui répond.

- Des travaux pratiques avec toi ? Quand tu veux !

Lou sourit tendrement et plonge instinctivement son nez vers les fleurs. Elle découvre alors avec stupéfaction qu'elles sentent divinement bon.

- Ce sont les roses qui sentent si bon ?

- Oui, c'est une vieille variété de roses pourpres que j'ai bouturé chez ma mère. Elles ont une odeur si forte qu'elle reste même une fois séchées, pendant plusieurs années.

- C'est fabuleux ! Tu es vraiment un créateur doué. Tu pourrais faire commerce de tes bouquets à Genève, tu aurais du succès. Les fleurs séchées sont redevenues à la mode car elles permettent d'en profiter beaucoup plus longtemps.

- Je n'ai aucune envie de retourner vivre en ville, Lou.

- Oui, tu me l'as dit, et je te comprends. Il suffirait que tu exposes chez un fleuriste. J'en parlerais à mes patrons, ils seront peut-être intéressés.

Joan lui fait un demi sourire interrogateur.

- Tu ferais ça pour moi ?

Lou sourit avec bienveillance, une étincelle dans les yeux.

- Bien sûr ! Mais ce n'est pas pour toi. C'est pour qu'un maximum de gens puissent profiter du bonheur que c'est de recevoir un si beau bouquet.

Le visage de Joan se fend d'un sourire lumineux et il se dirige vers la table pour embrasser Lou avec passion.

- On ne m'a jamais fait un si beau compliment sur mon travail.

- C'est que les gens sont insensibles à ton art.

Joan se redresse, les yeux pleins de joie.

- Le chocolat est bientôt prêt. Tu veux des gâteaux avec ?

- Tu poses la question à la grande gourmande que je suis ? Tu commences à me connaître pourtant !

Lou rit, très satisfaite de sa boutade, et remplie du bonheur de tenir en ses mains la preuve des sentiments naissants de Joan à son égard.- Les roses rouges et les lys, ce sont des grands classiques de la déclaration d'amour. Quelle chance j'ai !-.

Joan dispose devant elle un mug vert sapin décoré d'un renne doré, dont un fumet alléchant s'échappe et vient lui effleurer les narines. Il ajoute à côté une petite assiette avec des biscuits secs.

- Hum ! Après le régal des yeux, au tour des papilles !

Joan s'assoit face à elle avec un mug rouge orné d'un flocon et la dévisage d'un air comblé.

- Quelle signification donnes tu à mon bouquet ma louve affamée ?

Lou tend ses lèvres vers le breuvage réconfortant et déguste sa première gorgée.

- Hum ! Très bon ton chocolat !

- N'élude pas ma question petite maline !

Lou laisse échapper un éclat de rire.

- Laisse moi le temps de savourer mon goûter !

Elle est un peu gênée de devoir exposer ce qu'elle pense sur la signification du bouquet à Joan. Elle a peur de perdre le contrôle et de laisser libre cours à son instinct qui lui ordonne de se donner corps et âme à lui.

Joan, sympa, lui tend la perche.

- En tant que fleuriste, tu dois connaître par cœur la signification de ces deux fleurs, non ?

- Oui. Je sais ce qu'elles signifient pour la plupart des gens. Mais elles ont aussi un second et un troisième sens qui échappent aux novices.

- Oui, et qu'en penses tu ?

Marylou, soudain très sérieuse, prend la main de Joan.

- Je ne voudrais pas m'emballer et que tu me prennes pour un "pop corn émotionnel".

Joan sourit tendrement, essayant de revenir sur le terrain de l'humour.

- Moi j'aimerais bien que tu t'éclates façon pop corn dans mon lit.

Marylou sourit et laisse échapper un soupir.

- Je sais très bien que les hommes et les femmes ne vivent pas un début de relation de la même façon.

- Que veux tu dire ?

- Les femmes se projettent trop vite, laissent des sentiments puissants les envahir, alors que ce n'est pas le cas pour l'homme.

- Je ne suis pas d'accord avec toi. Il ne faut pas généraliser.

- Les hommes ont besoin de faire l'amour pour aimer. Pas les femmes.

Joan réfléchit un instant, puis plante ses deux iris chocolat dans l'âme de Lou.

- Nous n'avons encore rien fait tous les deux, pourtant je peux t'assurer que je t'aime déjà.