Fyctia

Tandis qu’elle discute avec la propriétaire et qu’elle la complimente sur sa déco. Joan fait irruption juste à côté d’elle et l’aborde sans détours.

- Bonjour ! Alors on vient faire un peu de tourisme dans la vallée ?

Marylou est un peu intimidée et surprise. Comment un jeune homme peut-il avoir autant d’aplomb ?

Elle bafouille un peu.

- Heuu. Oui, je suis chez mon amie.... Lily. Mais avec le temps qu’il fait, nous n’avons rien fait depuis que je suis arrivée.

- Oui, c’est dommage. Ce ne sont pas de bonnes conditions pour profiter des beaux paysages de la montagne.

Il se tourne alors vers Mimi et ajoute :

- Heureusement qu’il y a des endroits sympas comme ici pour retrouver un peu de relations sociales.

Mimi le taquine et éclate de rire.

- Toi c’est sûr, les relations ça te connait !

Marylou voit tout à fait ou elle veut en venir. Elle la prévient que c’est un charmeur invétéré et qu’elle doit se méfier.

Elle fait un clin d’œil à Mimi pour la remercier, et prend congé.

- Je vais aller déguster votre délicieuse raclette. Merci pour le Kéfir !

En retournant à sa table, Marylou songe qu’elle fait bien de rentrer à Genève ce soir, car elle se sent vulnérable face au charme de Joan. Elle a l’impression d’être une brebis prête à tomber dans la gueule du loup. Cela lui rappelle trop son expérience désastreuse avec le père de Mandy.

Un homme avec un charme fou qui lui a fait tourner la tête quand elle avait à peine 18 ans. Mat de peau, avec un sourire carnassier dévoilant de magnifiques dents blanches bien alignées. Sportif, très sociable et sympa avec tout le monde, mais dans l’intimité ce n’était pas le même. Elle avait lutté pendant des années pour maintenir leur couple à flot, tout en élevant son plus bel accident : Mandy.

Pendant le covid cela avait été la descente aux enfers. Il était bourré de névroses qu’il calmait avec différentes addictions : café, tabac, alcool, jeux vidéo en ligne, cannabis, cocaïne. Supporter ses sautes d’humeur quand il était sous l’emprise de l’alcool mélangé à la drogue, ou quand il était dans la descente, était devenu insupportable. Ils n’avaient plus eu de vie sociale pendant des mois, ce qui avait exacerbé les tensions entre eux.

Elle avait eu l’impression d’étouffer dans une cage sans barreaux. Elle faisait tout pour préserver sa fille et prenait sur elle en permanence pour toujours garder son calme. Ne jamais s’énerver surtout, car quand elle osait s’opposer à lui, il pouvait entrer dans une rage folle et la frapper.

Elle s’effaçait donc en permanence, jusqu’à en oublier qui elle était vraiment. Jusqu’à ne plus oser respirer parfois.

Il ne fallait surtout pas qu’elle retombe dans ce genre de piège. Les beaux parleurs au physique avantageux pouvaient cacher bien des vices. Le problème c’est qu’une fois la belle prise dans leurs filets, les hormones de la passion cachent leurs insupportables défauts. Puis quand on se retrouve avec un enfant au milieu, c’est encore plus dur de partir.

Dehors la pluie redouble. On se demande comment autant d’eau peut tenir à l’intérieur de simples nuages.

Mandy et Lily rient de bon cœur quand Marylou les rejoint. Mais le charme de l’instant s’est rompu pour Lou. Se remémorer ses instants si sombres de sa vie l’a plongée dans un état mélancolique dont elle ne sortira pas de sitôt.

Elle évoque avec Mandy les préparatifs du retour.

- Tu essaieras de ne pas oublier des affaires comme à chaque fois ?

Mandy lève les yeux au ciel et répond très lentement, à la limite de l’insolence.

- Oui mamaaaaan.

Une voix masculine qui n’est plus inconnue se fait de nouveau entendre derrière les oreilles de Marylou.

- Maman ! Mais je pensais que cette jolie jeune fille était votre petite sœur ! Vous vous ressemblez tellement !

Lou sent la colère monter. -Mais il ne va pas me lâcher les baskets ! –

Lily ne perçoit pas son malaise et répond en riant à Joan.

- C’est vrai qu’elles se ressemblent terriblement ! Les mêmes yeux verts, les mêmes cheveux bouclés. On dirait la même personne, mais avec une génération d’écart.

Marylou remercie silencieusement son amie de ne pas avoir dévoilé son âge devant tous les clients du restaurant. C’est déjà assez humiliant de se faire draguer avec la vieille combine : "c’est votre fille ! Noooon, on dirait votre sœur ! "

Il finit par s’éloigner et Mandy ne peut s’empêcher de dire ce qu’elle pense.

- Quel con ce type ! Il se prend pour qui ? Gnagna fille, gnagna sœur. Mais il vit à quel siècle !

Marylou acquiesce silencieusement et secoue la tête pour chasser les pensées négatives qui ont envahi son esprit.

Lily rajoute une petite blague pour faire rire la tablée.

- Bienvenue à l’âge de pierre de la drague !

Elles rient toutes les trois de bon cœur.

Marylou sonne le signal du départ.

- Je vais aller régler les filles. Ensuite on fait les valises Mandy, et retour à Genève sous la pluie.

Mandy saute de joie.

- Ouiiii ! Je vais enfin retrouver du réseau !