Sand Canavaggia Un défi, pas envie, des défis que roule l'encre de mes écrits. #Défi2 - C'est Fini.

#Défi2 - C'est Fini.

Quand le job que j'aime me vire pour des tenues trop féminines, pour des heures supplémentaires qu'ils ne souhaitent pas payer, je n'ai rien à dire. Je prends la porte avec mon stylo, ma veste, mon sac.

Lorsque mon proprio m'annonce la bouche en cœur que mon appartement meublé doit se libérer car sa petite fille en cherche un, je ne dis rien. Je suis partie avec deux sacs de toile, un pour les habits, l'autre pour les débris d'une vie.

Je me retrouve dans ma voiture à appeler mon fiancé qui bafouille lamentablement dans mon silence et avant même que je ne puisse lui parler, il m'annonce son déménagement et que dans les doux yeux de son assistante, il y avait une mer plus bleue. En guise d'au revoir, il me dit "c'est fini". Je reste sans voix mais je ne pars pas car je suis déjà dehors, licenciée de toute ma vie, je prends mes clefs, les insère dans le contact, la voiture ronronne, c'est bon, elle ne me lâche pas. Je suis Espérance de la DASS, je pense haut dans un cri en écho dans l’habitacle « Putain ça sert à quoi l’espérance pour Espérance. N’importe quoi ! Le couvent qui m’a récupérée aurait pu trouver autre-chose ! ! ».

À quarante ans, l'âge où tout doit aller, où l'on dit que l'on est les plus belles et les plus épanouies, je me sens laide et meurtrie. Je roule... J'arrive dans une ville, en panne sèche de carburant, un rire sort de ma gorge, ma calandre s'arrête grâce au métal du panneau. Le nom sied complètement à la situation et complète ma désillusion "Bienvenue à Denfer", mes sacs au bout des bras, j'avance dans la campagne. J'ai laissé mes clefs sur le contact, après tout, à recommencer à zéro autant faire table rase. Je ne peux plus rien perdre, il ne me reste que des sacs, un corps que je ne ressens plus et un cul devenu lourd d'avoir été oublié. Pour couronner le tout c'est mon anniversaire, le 14 Juillet quel feu d'artifices, vous ne trouvez pas ? !

Je m'arrête devant un snack, j'ai faim, pas un sou, sur la vitre il est inscrit "Cherche serveuse ", pourquoi pas ! J'entre, un "Ding" d'un autre temps se fait entendre, derrière la caisse une mamie sans âge, les cheveux blancs dans un fichu, une blouse avec des dessins fleuris me regarde fixement.

— Bonjour madame.

— B'jour.

Elle me répond sans sourire, le contrecoup ou la situation, je m'effondre sur les genoux, impossible de me relever. J’entends un bruit de verre, l'eau qui coule, des claquements de sabots se rapprochent de moi, ma vue se trouble. D'autres pas s'entendent, je me sens soulevée, mon corps flotte, puis plus rien, la nuit d'un étourdissement m'a emportée.

— M'dame…

Le bruit de tapotements sur mes joues claque avant la chaleur de leur impact.

— Arrêtez, qui êtes-vous ? Où suis-je ?

— Ne vous inquiétez pas m'dame, le médecin arrive.

— Mais je n’en ai pas besoin, je n’ai pas d’argent, je ne…

Avant que je puisse répondre un toc à la porte, ma vue se brouille et je repars dans les limbes.

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Le docteur entre et ausculte cette personne allongée sur le lit dans une chambre au décor sobre. Il quitte après quelques conseils à la dame au fichu et une poignée de main à un homme.

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Je me réveille et je vois mes habits sur le rebord du lit, une espèce de nuisette est là sur ma peau, en dessous je suis nue. Cela me trouble, je me lève chancelante, je m’accroche aux meubles. La porte s’ouvre et cette dame sans sourire avec un fichu d’une autre couleur, me regarde encore avec insistance.

— Eh bien malheureuse ! Vous nous avez fait peur ! !

— Que s’est-il passé ?

— Pas grand-chose, vous êtes rentrée au snack et après un bonjour vous êtes tombée. Allez, faîtes pas l’enfant asseyez-vous.

— Oui…

— Dîtes-moi comment vous vous appelez ? Doit-on prévenir quelqu’un ? Nous avons cherché dans votre sac, en vain.

— Oui, je sais, c’est-à-dire je n’ai plus rien…

Je fonds en larmes, elles ruissellent là, lourdes sur mes joues, je ne peux m’arrêter. La dame s’approche, pose sa main sur moi.

— M'dame, calmez-vous, je peux au moins avoir votre prénom, ça fait trois jours que vous êtes ici, on s’est beaucoup inquiété.

— Comment ! Trois jours ! C'est impossible ! !

— Si bien sûr, le docteur Tristesse est passé tous les jours.

Je me souviens du nom de la ville, de celui du médecin, le stress monte en flèche.

— Mais dîtes-moi le nom de cette ville, de votre médecin ne sont pas là pour me rassurer ! Je m’appelle…heuu…Espérance…

— Eh bien Espérance, le nom de la ville et de notre médecin ne sont pas ce qui nous empêchent d’avoir du cœur. Et si tenté que nous soyons désespérés avec votre prénom on devrait changer, non !

Toujours sans sourire, elle me parle froidement et dans l’évidence de ce qu’elle dit, j’éclate de rire, ses yeux s’arrondissent puis se plissent, serait-elle en train de rire ?

— Je dois vous remercier de l’accueil. Pour tout vous avouer, je suis arrivée chez vous après avoir tout perdu dans ma vie et même ma voiture a renoncé à l’entrée de votre village.

— Ah je comprends ! Le fermier l’a récupérée, il vous la rendra quand vous serez en état de partir.

— Non, je ne crois pas que j’en aurais envie, d’ailleurs je n’ai envie de rien. J’étais rentrée chez vous car je mourrais de faim et je souhaitais vous demander pour le travail sur votre vitre et l'aumône pour me sustenter.

— Écoutez Espérance, je vous donne ce travail quand vous serez prête, le logis offert et le repas. Maintenant allez-vous doucher, vos sacs sont dans l’armoire, gardez cette chambre, vous descendrez manger, je vous attends en bas. Vous commencerez Lundi, pour l’instant reposez-vous. Je m’appelle Solitude et surtout aucune remarque sur mon nom avec la ville et le médecin, d’accord ?

J’acquiesce tout de même perplexe dans ce lieu, mais ai-je le choix ?

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Le lundi arrive vite et Solitude me présente son petit-fils Larm qui était là le jour de mon arrivée et qui l’avait aidée. Ils sont si gentils que je suis bouleversée d’être dans un tel lieu avec des personnes aux noms sombres, dans une autre situation, j'aurais fui, mais là je n’ai envie que de rester et ne plus partir. Mon travail est simple, les clients sont charmants et même le médecin un petit rondouillard a su me dévoiler une grande gentillesse. Les semaines, les mois s’écoulent et ma vie prend un autre chemin, j’ai chez Solitude changer de chambre, quelques travaux de couture se sont ajoutés, sans compter la vente de ma voiture au paysan du coin. Mon train de vie sans richesse, se trouve des plus heureux, bien plus chanceux qu’il ne l’a jamais été.

Je suis assise sur le trottoir, une tasse de café dans les mains, le dos contre la vitre du snack et je regarde ma vie sous un autre angle ce jour. Larm et moi on s’est rapproché. L’avenir s’annonce heureux et pour une fois depuis des mois, j’espère et je me risque à y croire.

Qui aurait pu penser que quittant ma vie d’un passé, Solitude me trouverait, Tristesse me soignerait, il y aurait l’espérance, le bonheur en ville Denfer, et qu'en Larm il y aurait l’amour.

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8 commentaires

Leoden

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Il y a 5 ans

J'ai rien à dire, parfait et très touchant.

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Merci de ton passage sur ces petits défis, plaisir pour moi de te lire et de partager avec toi nos écrits...

Ludivine474748

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Il y a 5 ans

Ohlalabton Ces jeux de mots cette ambiance palpable je me suis identifiée à ton personnage, elle n'as pas de chance, les tuiles s'enchaînent mais à la fin quand même un espoir peut être... L'amour Toujours... Bravo mon amie ...

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

T'y es un amour, merci à toi de me suivre encore... ;)

Beth Holland

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Il y a 5 ans

J'aime beaucoup. C'est un très joli défi fort bien réalisé !

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Merci infiniment Beth, ta lecture et ce message me touche <3 Je fais ces défis d'une façon désordonnée mais mes moments de paix sont très rares alors jour/nuit quand j'ai deux heures à tuer je regarde les défis et je prends celui qui me parle à ce moment là XD Heureuse que celui-ci te plaise, il m'a amusée ;)

Karl Toyzic (Ktoyz)

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Il y a 5 ans

tout casser pour tout recommencer, mieux, sans chichi, en regardant le nouvel angle de la vie, plus simple, plus heureux aussi avec ses petits bonheurs :)

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Parfois quand la vie nous bouscule que tout nous échappe et que l'on croit que nous n'avons plus rien...il y a des signes qui nous prouve que l'espoir est une flamme que l'on doit garder...🤪🙃☺
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